Texte de la QUESTION :
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Mme Huguette Bello attire l'attention de M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche sur les conséquences liées à l'introduction de la tenthrède à La Réunion. Selon la dernière note de conjoncture publiée de la direction de l'agriculture et des forêts de La Réunion, la production de letchis à La Réunion sera, en 2009, inférieure à 4 000 tonnes, soit deux fois moins qu'en 2008. Cette forte diminution serait due à une mauvaise floraison. Elle vient ainsi confirmer les craintes exprimées, depuis plusieurs mois, par les producteurs de fruits. Elle s'ajoute aux difficultés rencontrées par les apiculteurs. Pour bon nombre d'observateurs, cette situation est à rapprocher de l'introduction, en 2008, à La Réunion de la tenthrède (familièrement appelée mouche bleue) censée lutter uniquement contre la vigne marronne. Lancée sur l'initiative du CIRAD, cette opération ne s'est pas, dans les faits, limitée à la destruction des espèces envahissantes. En effet, une fois adulte, la tenthrède est en compétition avec les abeilles pour la récolte du nectar et dans les activités de butinage. Face à la diminution de la production des fruits à La Réunion, dont certains sont fort appréciés des consommateurs, elle lui demande de bien vouloir lui indiquer les mesures que le Gouvernement compte prendre pour que le scénario 2009 ne se renouvelle plus. Elle lui demande aussi de lui indiquer les mesures qui pourront être prises pour aider les producteurs à surmonter les difficultés engendrées par la chute de la production. Elle souhaite enfin connaître l'articulation de ce programme avec la protection de la biodiversité.
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Texte de la REPONSE :
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EFFETS DE L'INTRODUCTION DE LA TENTHRÈDE À LA RÉUNION Mme la présidente. La parole est à Mme
Huguette Bello, pour exposer sa question, n° 896. Mme Huguette
Bello. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture, de
l'alimentation et de la pêche. La dernière note de conjoncture de la
direction de l'agriculture et des forêts vient de confirmer les craintes
exprimées depuis plusieurs mois par les producteurs de fruits : la production de
litchis à La Réunion est, en 2009, inférieure à 4 000 tonnes, soit deux fois
moins que les années précédentes. Cette forte diminution, qui serait due à une
mauvaise floraison, s'ajoute aux difficultés rencontrées par les apiculteurs,
dont la production de miel a fortement chuté. Pour bon nombre d'observateurs,
ces phénomènes sont à rapprocher de l'introduction en 2008 à La Réunion de la
tenthrède, familièrement appelée mouche bleue, censée lutter contre la
prolifération de la vigne marronne. Lancée sur l'initiative du CIRAD - le Centre
de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement -,
cette opération, qui privilégie la lutte biologique, ne s'est en fait pas
limitée à la destruction des espèces envahissantes. En effet, une fois adulte,
la tenthrède est en compétition avec les abeilles pour la récolte du nectar et
le butinage. Les dégâts collatéraux causés par la mouche bleue viennent
contrarier les efforts de la filière agricole à La Réunion, qui ont été
récompensés pour le miel - je le rappelle - par une médaille d'or au dernier
salon de l'agriculture et, pour le litchi, par le label rouge en 2006. Face à
cette situation et aux pertes importantes qu'elle inflige aux producteurs, il
est urgent de prendre les mesures adéquates pour que le scénario de 2009 ne se
renouvelle plus. Il y va de l'avenir de la filière apicole et de la production
locale de fruits et légumes. Les producteurs attendent également les moyens
qui leur permettront de surmonter les difficultés engendrées par la chute de la
production. Le programme du CIRAD n'a à aucun moment envisagé d'associer les
producteurs et encore moins de les indemniser le cas échéant. Enfin, alors
que l'année 2010 a été proclamée année internationale de la biodiversité,
comment le Gouvernement compte-t-il concilier désormais la lutte contre des
espèces envahissantes et la protection de cette biodiversité ? Par ailleurs,
madame la présidente, comme la question suivante portera sur le même sujet, je
ne reprendrai pas la parole après la réponse de M. le ministre. Mme
la présidente. J'en ai bien pris note, ma chère collègue. La parole
est à M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la
pêche. M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de
l'agriculture et de la pêche. Madame la députée, la question que vous posez,
de même que la suivante, est au coeur des choix que nous avons à faire, au-delà
de l'île de La Réunion, en matière de lutte contre un certain nombre de
difficultés biologiques. Soit nous nous engageons sur des moyens biologiques -
c'est le choix qui a été fait avec l'introduction de la mouche bleue -, soit
nous en restons à des moyens chimiques, qui posent eux aussi des problèmes
environnementaux importants. Toute la difficulté est donc d'arriver à trouver le
bon équilibre, pour lutter contre les insectes ravageurs, entre la solution
chimique et la solution biologique. Or on voit bien que la seconde n'est pas
forcément idéale. Comme vous l'avez indiqué, nous avons introduit la
tenthrède, ou mouche bleue, en 2008 sur l'île de La Réunion pour lutter contre
la vigne marronne et pour essayer de recourir à un moyen de lutte biologique
plutôt qu'à une méthode chimique. Je constate que cette introduction suscite
légitimement des craintes, notamment au sujet des récoltes, de la pollinisation
et du butinage. Je tiens donc à vous apporter des précisions. D'abord, les
études de terrain ne montrent pas de réelle différence de pollinisation entre
les zones de l'île où la mouche bleue est présente et les autres. J'ai demandé
au préfet et au Centre de coopération internationale en recherche agronomique
pour le développement de mener une série d'expérimentations en plein champ et
sous serre pour comparer et quantifier de manière encore plus précise la
fréquentation des fleurs de litchis et de baies roses par la tenthrède et les
abeilles, en fonction de la réalité des populations de tenthrède. Ainsi, nous
disposerons de l'examen le plus scientifique et le plus exact possible sur les
risques en matière de pollinisation. Ensuite, je vous annonce que je viens de
donner mon accord pour qu'une nouvelle mission d'expertise sanitaire et de
soutien à la filière apicole de l'île de La Réunion puisse être très rapidement
organisée en faisant appel aux meilleurs spécialistes de l'Agence française de
sécurité sanitaire des aliments, l'AFSSA, et de l'institut scientifique et
technique de l'abeille, que nous sommes en train de créer et qui permet
justement de soutenir la filière apicole. À cet égard, je tiens comme vous à
saluer la qualité de l'apiculture sur l'île de La Réunion. Pour le moment,
les études scientifiques dont nous disposons démontrent deux choses.
Premièrement, la mouche bleue ne constitue pas une menace pour l'agriculture et
l'environnement. Deuxièmement, ses larves s'attaquent spécifiquement aux racines
de la vigne marronne et sont donc d'une grande efficacité pour lutter contre
celle-ci. Cet avis est, je crois, partagé pour tous, y compris par les
apiculteurs. En moins de deux ans, les deux tiers des pieds de vigne marronne
ont été détruits et, aujourd'hui, on observe peu de tenthrèdes adultes. Pour
résumer ces conclusions, d'une part, on constate une réelle destruction de la
vigne marronne ; d'autre part, la présence sur l'île de la mouche bleue ne se
poursuit pas quand elle atteint l'âge adulte. Par conséquent, du point de vue de
l'efficacité, les observations sont plutôt rassurantes. Toutefois, je vous
confirme que nous mènerons davantage d'expertises sanitaires. Nous étudierons le
soutien qui peut être apporté à la filière apicole de l'île de La Réunion.
Enfin, nous nous assurerons que l'insecte ne constitue une menace ni pour
l'agriculture, en ce qui concerne la production de litchis et la filière
apicole, ni pour l'environnement. Nous poursuivrons et renforcerons la mise en
oeuvre de la décision que je vous ai annoncée ce matin. Des études scientifiques
seront conduites à cette fin.
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