14ème législature

Question N° 1327
de M. Charles-Ange Ginesy (Les Républicains - Alpes-Maritimes )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > système pénitentiaire

Tête d'analyse > maisons d'arrêt

Analyse > Grasse. perspectives.

Question publiée au JO le : 22/03/2016
Réponse publiée au JO le : 30/03/2016 page : 2476

Texte de la question

M. Charles-Ange Ginesy attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur l'état général de la maison d'arrêt de Grasse. En date du 6 janvier 2015, il avait déjà alerté Mme la garde des sceaux sur le nombre de postes vacants dans cet établissement. En effet, d'après les chiffres de la direction interrégionale des services pénitentiaires PACA-Corse au 1er mars 2016, le taux de couverture des surveillants était de 85,9 % avec 20 postes vacants. Il apparaît que ce taux serait l'un des plus bas de France, impactant directement la sécurité de l'ensemble des personnels intervenant dans cet établissement, la sécurité publique et la prise en charge des personnes détenues. Aussi, à ce jour, le taux de surpopulation carcérale est de 151,2 %, avec 868 détenus hébergés pour 574 places. Il remarque également que ce taux est en constante hausse depuis mai 2015. Enfin, l'établissement souffre de l'obsolescence de certains équipements qui impactent négativement l'exploitation du site : système de vidéo surveillance, interphone de cellule, vétusté du parc d'émetteurs récepteurs du personnel ou encore inefficacité du dispositif de brouillage des téléphones portables. Face à cette situation, il lui demande quelles mesures sont envisagées pour y remédier.

Texte de la réponse

FONCTIONNEMENT DE LA MAISON D'ARRÊT DE GRASSE


Mme la présidente. La parole est à M. Charles-Ange Ginesy, pour exposer sa question, n°  1327, relative au fonctionnement de la maison d'arrêt de Grasse.

M. Charles-Ange Ginesy. Monsieur le garde des sceaux, ministre de la justice, je souhaite appeler votre attention sur la situation de la maison d'arrêt de Grasse, qui fait certainement partie des établissements pénitentiaires où le taux d'occupation carcérale est des plus alarmants : 151 %, avec 868 détenus pour seulement 574 places.

La lente et ancienne dégradation de sa situation s'est trouvée, depuis mai 2015, aggravée par les attentats, les assassinats et le phénomène de radicalisation, sources de vives inquiétudes.

Suite à un contrôle, la Cour des comptes a rendu public, la semaine dernière, un référé sur la gestion des personnels pénitentiaires. Elle y dénonce une gestion calamiteuse, qui entraîne « une spirale de baisse du taux de couverture des postes et d'augmentation de l'absentéisme ».

À Grasse, par manque de personnel, la cour de promenade ainsi que la rotonde, lieux d'échanges et de convergence de toute la population carcérale, ne sont même plus surveillés. À cause de ce déficit de surveillance, des paquets contenant des matériels et produits interdits sont jetés par-dessus l'enceinte de sécurité, sans parler des suicides, de plus en plus difficiles à prévenir. Le manque de surveillants se fait cruellement sentir.

Selon les chiffres de la direction interrégionale des services pénitentiaires de Marseille, le taux de couverture des surveillants est de 85,9 %, avec vingt postes vacants. Ce taux, qui serait l'un des plus bas de France – la moyenne s'élevant à 93,7 % –, impacte directement la sécurité du personnel comme la prise en charge des détenus.

Enfin, cet établissement, construit en 1992, a été initialement doté de méthodes et de moyens modernes comme la vidéosurveillance, les réseaux radios, le verrouillage automatique des portes ou le brouilleur d'ondes. Mais tous ces équipements sont devenus obsolètes : ils n'ont jamais fait l'objet ni d'une maintenance efficace ni d'un renouvellement adapté à l'évolution des technologies. Or la conception même du bâtiment ne permet pas de s'en passer.

Monsieur le garde des sceaux, contrairement à votre prédécesseur, vous avez prononcé des déclarations très volontaristes, très en pointe, sur ce sujet, qui ont fait naître en nous des espérances. Mais concrètement, quels moyens comptez-vous mettre en œuvre immédiatement pour rassurer le personnel pénitentiaire et répondre aux exigences de sécurité sans lesquelles ce centre pénitentiaire peut devenir, je le crains, une bombe à retardement ?

Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, je vous remercie de m'avoir posé cette question, qui m'a permis de me pencher également sur le dossier de la maison d'arrêt de Grasse. Celle-ci compte 135 personnels de surveillant. Je vous demande d'être mon intermédiaire auprès d'eux, notamment auprès de son chef d'établissement, M. Guillaume Piney, afin de les saluer et de les féliciter pour leur travail.

Vous avez à la fois raison et tort. Le taux de couverture en personnel est faible, bien qu'il soit légèrement supérieur à celui que vous avez cité : selon les chiffres qui m'ont été donnés, il se monte à 88,5 %. Cependant, nous sommes d'accord sur la sur-occupation des lieux, qui est de 50 % : le 1er mars 2016, on comptait 860 personnes détenues pour une capacité de 574 places. Dès lors qu'il y a peu de personnel pour beaucoup de détenus, il faut agir ; la situation étant évidemment intenable, j'ai pris des décisions de trois ordres.

D'abord, à la maison d'arrêt de Grasse, nous allons ouvrir 13 postes supplémentaires, que je prends sur les 136 alloués à la direction interrégionale de Marseille. Ces postes financés par le programme de lutte antiterroriste, puisque, je le rappelle, un certain nombre de décisions en ce sens ont malheureusement dû être prises et que nous allons recruter 540 personnels de surveillance supplémentaires en 2016 puis 525 en 2017.

Et je veux faire davantage car la situation me paraît urgente. Une nouvelle promotion sortira de l'École nationale d'administration pénitentiaire en juin. J'ai demandé que des surveillants stagiaires – bien que stagiaires, il s'agit de personnels dédiés à la surveillance – soient affectés dans l'établissement à la date du 4 juin prochain.

J'ai aussi demandé qu'un nouvel organigramme soit établi pour améliorer l'organisation des services, puisque l'étude réalisée en janvier par la direction de l'administration pénitentiaire avait formulé des préconisations à cet égard. Le directeur interrégional et le chef d'établissement vont réorganiser les services, afin que les personnels puissent exercer leur métier difficile dans de meilleures conditions.

Concernant la sur-occupation, j'ai demandé à la direction inter-régionale de porter une attention particulière à la politique d'affectation. C'est la raison pour laquelle, depuis deux mois, trente et un détenus ont quitté la maison d'arrêt de Grasse pour être incarcérés dans d'autres établissements dépendant de cette direction.

J'en viens enfin aux mesures de sécurité. Le bâtiment a vingt-quatre ans, puisqu'il a été ouvert en 1992. Il est donc dans des conditions convenables, comparé à d'autres, comme celui de Troyes, que nous avons évoqué tout à l'heure. Néanmoins, c'est vrai, certains équipements de sécurité, devenus caducs, doivent être changés. Je vous annonce que 3 millions d'euros vont être affectés à la maison d'arrêt de Grasse, notamment pour remplacer la vidéosurveillance, les interphones, les télécommunications et les dispositifs d'ouverture des portes.

S'il advenait que ces travaux n'étaient pas concrétisés, je compterai sur votre vigilance pour m'en aviser.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles-Ange Ginesy.

M. Charles-Ange Ginesy. D'un mot,…

Mme la présidente. Oui, car le temps qui vous est imparti est écoulé.

M. Charles-Ange Ginesy. …je vous remercie, monsieur le garde des sceaux, pour votre réponse. Soyez assuré que je transmettrai ces bonnes nouvelles au personnel, aux représentants du syndicat et à la direction de l'établissement, qui sont très mobilisés.