14ème législature

Question N° 1339
de M. Christian Eckert (Socialiste, républicain et citoyen - Meurthe-et-Moselle )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Premier ministre
Ministère attributaire > Premier ministre

Rubrique > impôts et taxes

Tête d'analyse > politique fiscale

Analyse > réforme. perspectives.

Question publiée au JO le : 20/11/2013
Réponse publiée au JO le : 20/11/2013 page : 11743

Texte de la question

Texte de la réponse

RÉFORME FISCALE


M. le président. La parole est à M. Christian Eckert, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Christian Eckert. Monsieur le Premier ministre, le débat fiscal est aujourd'hui au centre du débat politique, et c'est tant mieux. Devant la passion, les caricatures, les exagérations et les corporatismes, deux attitudes sont possibles : ou bien tendre le dos en attendant la prochaine loi de finances, ou bien affronter le débat. C'est à cette seconde option que vous nous invitez.

L'urgence, à notre arrivée, c'était de combler les déficits, de retrouver notre souveraineté par rapport aux marchés financiers et à nos partenaires européens, mais aussi de redresser les comptes publics et de redonner de la compétitivité à notre appareil productif. Ce fut le sens des dix-huit mois qui viennent de s'écouler : nous avons demandé un effort aux Français, que nous avons voulu le plus juste possible, mais qui trouve aujourd'hui ses limites, et nous avons aussi – ce qui n'a pas été suffisamment dit – réalisé des économies budgétaires jusque-là inégalées.

M. Alain Marty. N'importe quoi !

M. Christian Eckert. Le déficit public s'est ainsi réduit de 30 % en deux ans : c'est une étape, mais elle ne saurait suffire.

Vous avez donc annoncé une seconde étape, qui passe par une remise à plat de notre fiscalité, laquelle est mal comprise, complexe et peu lisible. Il ne faut pas saucissonner le sujet…

M. Philippe Meunier. C'est ce que vous faites depuis dix-huit mois !

M. Christian Eckert. …en traitant un jour des entreprises, un jour des ménages, un jour de l'immobilier et un jour de la TVA. Ce débat doit associer tous les acteurs : actifs, retraités, entrepreneurs, ménages, organisations syndicales. Nous devons aller vers la convergence et la progressivité de l'impôt. Cela pourrait passer par la mise en place de la retenue à la source : c'est à ce grand mouvement que vous nous invitez.

Au fond, quel impôt, fondement républicain, voulons-nous, au service de quel modèle de société ? Pour nos services publics, la protection sociale, la redistribution et la péréquation ?

Monsieur le Premier ministre, pourriez-vous nous préciser le calendrier, le périmètre et la méthode de votre réforme, même si nous avons compris qu'il y aura concertation et association du Parlement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur le rapporteur général de la commission des finances, votre question soulève un problème de fond. Dans une démocratie, dans un État républicain comme le nôtre, la question de l'impôt n'est pas une question secondaire, ni une affaire individuelle. C'est la contribution de chacun à un effort et à un projet collectifs. Cette contribution doit donc être comprise, claire, efficace et juste.

M. Philippe Gosselin. C'est bien le problème !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre . Le moment est donc venu, mesdames et messieurs les députés, après les efforts légitimes qui ont été demandés aux Français pour redresser nos comptes publics et remettre en marche notre appareil productif, de remettre à plat un système devenu, au fil des décennies, complexe, voire illisible, au point que nos concitoyens ont parfois le sentiment qu'il n'est pas toujours efficace, et même souvent injuste.

C'est cette question que je veux aborder, et dont je veux faire une nouvelle étape. C'est à ce travail que je convie tous ceux qui sont concernés, en particulier l'Assemblée nationale et le Sénat, que j'appelle à se mobiliser pour trouver la bonne réponse. La bonne réponse, c'est un impôt plus progressif, un impôt plus simple, un impôt auquel on adhérera plus volontairement, parce qu'on en comprendra le sens, un impôt par lequel on se mobilisera pour le redressement et la réussite de la nation. Voilà l'enjeu, voilà le défi !

M. Alain Marty. Toujours plus d'impôts !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre . C'est une œuvre difficile, mais nous ne partons pas de rien. Depuis sa prise de fonction, notre gouvernement a engagé plusieurs réformes pour introduire plus de justice fiscale. Je pense à la tranche d'impôt à 45 % sur les revenus supérieurs à 150 000 euros,…

M. Régis Juanico. Très bien !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. …je pense au rétablissement de l'ISF et à la fin du bouclier fiscal,…

M. Régis Juanico. Très bien !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. …je pense aussi aux mesures qui mettent sur le même plan la fiscalité du travail et la fiscalité du capital,…

M. Philippe Meunier. Nous sommes sauvés !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre . …je pense, enfin, aux débuts d'une fiscalité écologique.

Mais ce qu'il nous reste à faire va mobiliser tous les groupes parlementaires…

M. Philippe Meunier et Plusieurs députés du groupe UMP . Assez !

M. le président. S'il vous plaît !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. …de gauche, comme de droite. Tous devront dire clairement quel est le niveau de dépenses publiques qu'ils souhaitent. Tous devront dire quel est le niveau de services publics qu'ils souhaitent, et en face, le niveau de contribution le plus juste et le plus efficace qu'ils souhaitent. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs des groupes écologiste et RRDP.) C'est donc à ce débat de clarification que j'appelle le Parlement.

M. Philippe Meunier. Avec Ayrault, c'est l'impôt !

M. Dominique Tian. Et les autres questions ?

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre . Des chantiers ont déjà été engagés, et il en va du financement de nos services publics, du financement de l'État, de celui de la sécurité sociale et des collectivités locales. Mais au-delà de la question de la fiscalité, se pose également la question de la contribution, à travers les cotisations pour l'assurance-maladie et pour la retraite.

M. Philippe Meunier. Arrêtez-le !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Mesdames et messieurs les députés, j'ai bien l'intention d'en discuter avec chacune et chacun d'entre vous. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) J'exposerai ma méthode dans quelques jours et m'adresserai à la fois aux institutions parlementaires – je vous consulterai, monsieur le président de l’Assemblée nationale –, aux présidents des commissions, mais aussi aux groupes parlementaires, que j'inviterai, qu'ils soient de droite, du centre ou de gauche, à me dire comment ils voient l'avenir et quel sens ils donnent au prélèvement fiscal et social. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP –Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Meunier. Un Français sur dix, on s'en souvent encore ! Vous n'êtes plus crédible !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre . Chacun devra faire face à ses responsabilités, car il s'agit là d'une question profondément politique, d'une question démocratique, qui engage, comme je l'ai dit à l'instant, la cohésion nationale et républicaine. Avant d'entamer la consultation du Parlement, je vais recevoir dans les prochains jours les partenaires sociaux… (Mêmes mouvements.)

M. Philippe Meunier. Assez !

M. le président. On se calme !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre . …le patronat, les grandes, les moyennes et les petites entreprises, mais aussi les salariés et les représentants des syndicats, parce que le défi, c'est l'efficacité économique, la progressivité de l'impôt, la juste répartition de l'effort, l'investissement, les services publics, la justice fiscale et sociale.

M. Jean-François Lamour. C'est tout le contraire !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre . Tel est l'enjeu de cette nouvelle étape, et je vous invite tous à y participer, car c'est l'intérêt de la France ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)