14ème législature

Question N° 1445
de Mme Luce Pane (Socialiste, républicain et citoyen - Seine-Maritime )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Logement et habitat durable
Ministère attributaire > Logement et habitat durable

Rubrique > logement

Tête d'analyse > habitat insalubre

Analyse > lutte et prévention.

Question publiée au JO le : 26/04/2016
Réponse publiée au JO le : 04/05/2016 page : 3048

Texte de la question

Mme Luce Pane interroge Mme la ministre du logement et de l'habitat durable sur la question de la lutte contre l'habitat insalubre dans le parc privé. L'habitat insalubre se caractérise par le danger qu'il fait peser sur ses occupants ou sur les personnes extérieures. C'est un problème de santé et de sécurité publique et au-delà c'est un problème pour les quartiers qui pâtissent de la multiplication de telles habitations occupées ou abandonnées, parfois même squattées. Le nombre estimé de logements indignes occupés dans le parc privé en métropole à 430 000 logements. Les villes comme les campagnes sont touchées et les communes de la 3ème circonscription de Seine-Maritime sont concernées. Elles disposent en effet d'un parc de logements individuels important, parfois vieillissant, qui nécessiterait des travaux qui se révèlent souvent incompatibles avec le niveau de revenus des propriétaires. Les pouvoirs publics interviennent, notamment à travers des opérations incitatives classiques (OPAH, PIG, etc.). Mais les moyens pour lutter contre l'habitat indigne sont limités. D'abord, il n'est pas toujours facile d'identifier l'habitat indigne. Ensuite, les dispositifs de lutte contre de telles habitations restent lourds et difficiles à mettre en œuvre. Les travaux de réhabilitation nécessaires coûtent chers pour des propriétaires souvent pauvres ou sont refusés par ceux qui louent sciemment et de façon malhonnête des logements insalubres. Alors que le Gouvernement a fait de la lutte contre l'habitat indigne une priorité, elle aimerait savoir ce qu'elle compte mettre en œuvre pour accélérer et améliorer la lutte contre l'habitat indigne, aux côtés des collectivités locales.

Texte de la réponse

LUTTE CONTRE L'HABITAT INSALUBRE


Mme la présidente. La parole est à Mme Luce Pane, pour exposer sa question, n°  1445, relative à la lutte contre l'habitat insalubre.

Mme Luce Pane. Ma question s'adresse à Mme la ministre du logement et de l'habitat durable. L'habitat insalubre se caractérise par le danger qu'il représente pour ses occupants ou pour des personnes extérieures. C'est un problème de santé et de sécurité publique ; au-delà, c'est un problème pour notre cadre de vie, qui pâtit de la multiplication de telles habitations – qu'elles soient occupées, abandonnées, ou même squattées.

On estime le nombre de logements indignes occupés dans le parc privé en métropole à 430 000, répartis à parts égales entre locataires privés et propriétaires occupants. Les villes comme les campagnes sont touchées ; les communes de la circonscription où je suis élue sont elles aussi, naturellement, concernées. Elles disposent en effet d'un parc privé de logements individuels important. Ces logements sont parfois vieillissants ; ils ont alors besoin de travaux, mais ceux-ci se révèlent souvent trop onéreux pour les propriétaires.

Les pouvoirs publics interviennent : environ 10 000 situations sont traitées chaque année. Il s'agit notamment de réhabilitation de logements dans le cadre d'opérations incitatives classiques comme les OPAH – opération programmée d'amélioration de l'habitat –, les PIG – programmes d'intérêt général – et les MOUS – maîtrise d'œuvre urbaine et sociale. Il peut aussi s'agir d'actions coercitives menées par les services de l'État et les maires.

Malgré cela, on observe un décalage entre le nombre estimé de logements privés indignes et le nombre de procédures réellement engagées. Ce décalage témoigne des limites actuelles de la lutte contre l'habitat indigne.

Les services de l'État et les collectivités locales disposent aujourd'hui d'une bonne connaissance des dispositifs incitatifs et coercitifs, mais ils sont lourds, et longs à mettre en œuvre. Souvent, les dispositifs incitatifs à la réhabilitation des logements ne suffisent pas à convaincre les propriétaires de faire des travaux. Il est vrai que les travaux de réhabilitation coûtent cher ; surtout pour des propriétaires impécunieux ou plongés dans des difficultés sociales. Ils sont par ailleurs refusés par ceux qui louent sciemment, de façon malhonnête, des logements insalubres : marchands de sommeil, filières clandestines, etc.

La lutte contre l'habitat indigne a été jugée prioritaire à plusieurs reprises par le Gouvernement, qui a déjà agi en ce sens. La loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi ALUR, y a contribué. Les outils de lutte contre l'habitat indigne ont ainsi été renforcés, mais l'identification et la mise en œuvre de ces dispositifs est toujours épineuse.

C'est pourquoi je voudrais savoir quelles mesures Mme la ministre du logement et de l'habitat durable compte prendre pour améliorer et pour accentuer la lutte contre l'habitat indigne, aux côtés des collectivités locales.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la biodiversité.

Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État chargée de la biodiversité. Madame la députée, je vous prie d'excuser Mme la ministre du logement, qui est retenue par une réunion sur la question de l'hébergement des réfugiés en France. La lutte contre l'habitat indigne est une priorité pour le Gouvernement. Les pouvoirs publics disposent déjà de nombreux outils, de moyens importants : le Gouvernement s'attache, depuis plusieurs années, à les consolider.

Pour améliorer le repérage des habitats indignes, et pour rendre les actions plus incitatives, le Gouvernement a notamment conforté le budget de l'Agence nationale de l'habitat, l'ANAH, depuis plusieurs années. Cela a permis de traiter 9 573 logements indignes ou très dégradés en 2015. L'action incitative est complémentaire et indissociable de la coercition. Des actions telles que les opérations programmées d'amélioration de l'habitat, ou les programmes d'intérêt général, sont ainsi indispensables pour identifier de façon systématique les habitats indignes. Ces situations sont traitées soit de façon incitative, grâce aux subventions de l'ANAH, soit de manière coercitive, en ayant recours aux polices spéciales de lutte contre l'habitat indigne.

Pour faciliter le repérage, le Gouvernement utilise en outre, depuis 2013, un outil informatique de repérage et de traitement de l'habitat indigne, qui a vocation à rassembler l'ensemble des adresses de logements indignes et non décents. Pour consolider l'action coercitive, la loi ALUR a instauré de nombreuses mesures visant à contraindre les propriétaires à effectuer des travaux dans les logements. La lutte contre l'habitat indigne va s'intensifier car depuis la fin de l'année 2015 et la publication du décret d'application concerné, les autorités publiques peuvent prononcer des astreintes administratives dans le cadre des procédures de police administrative relatives à l'insalubrité, au péril ou aux hôtels meublés.

Le Gouvernement favorise par ailleurs des approches innovantes s'appuyant sur les procédures d'expropriation, ou des dispositifs de portage immobilier pour enrayer les phénomènes de dévalorisation et de dévitalisation urbaine, qui font le lit de l'habitat indigne – en zone urbaine comme en zone rurale. J'en donnerai deux exemples : les opérations de résorption de l'habitat insalubre irrémédiable ou dangereux et de restauration immobilière financées par l'ANAH ; les opérations de requalification de copropriétés dégradées d'intérêt national.

Afin d'améliorer l'efficacité de la lutte contre l'habitat indigne, le Gouvernement continuera à favoriser l'émergence de l'intercommunalité comme acteur unique spécialisé dans la lutte contre l'habitat indigne. C'est ce niveau qui doit disposer des outils d'incitation et de coercition. Par le projet de loi « Égalité et citoyenneté », nous proposons de consolider les dispositions instaurées par l'article 75 de la loi ALUR, pour transférer les compétences en matière d'habitat indigne en favorisant l'émergence de services intercommunaux spécialisés.

Mme la présidente. La parole est à Mme Luce Pane.

Mme Luce Pane. Madame la secrétaire d'État, je remercie Mme la ministre du logement pour sa réponse. Tous ces éléments nous seront utiles dans la lutte contre l'habitat indigne.

Je tiens à souligner que beaucoup d'efforts financiers ont été réalisés dans le cadre de gros programmes, tels que les programmes nationaux pour la rénovation urbaine. En matière d'habitat indigne, les procédures de péril représentent un coût important pour les collectivités locales, que cette compétence relève de la commune ou de l'intercommunalité. Il faut étudier des solutions pour les aider sous ce rapport : lutter contre l'habitat indigne, cela ne signifie pas seulement détruire des logements vétustes pour reconstruire des logements neufs, mais aussi entretenir, rénover, réhabiliter les logements existants, c'est-à-dire reconstruire la ville sur elle-même.