14ème législature

Question N° 1446
de M. Dominique Potier (Socialiste, républicain et citoyen - Meurthe-et-Moselle )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Affaires sociales et santé
Ministère attributaire > Affaires sociales et santé

Rubrique > assurance maladie maternité : généralités

Tête d'analyse > conventions avec les praticiens

Analyse > médecins. dépassements d'honoraires.

Question publiée au JO le : 26/04/2016
Réponse publiée au JO le : 04/05/2016 page : 3042

Texte de la question

M. Dominique Potier attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur le niveau des dépassements d'honoraires médicaux dont l'enveloppe totale continue de croître : 2,8 milliards d'euros en 2015, soit une augmentation de 6,6 % en deux ans, après une augmentation de 6,4 % entre 2010 et 2012. Au-delà de ce constat alarmant, la situation est loin d'être homogène au sein de la profession : si les médecins généralistes jouent le jeu de la modération - répondant favorablement à l'incitation du nouveau contrat d'accès aux soins (CAS) créé en décembre 2012, par lequel 11 400 médecins se sont engagés à limiter le niveau de leurs compléments d'honoraires - les dépassements ont bondi chez les spécialistes de secteur 1 de 19 % en deux ans. Le cas le plus symptomatique étant celui des radiologues de secteur 1 dont les dépassements sont passés de 16 à 30 millions d'euros. Lorsque ces dépassements atteignent de tels niveaux, c'est le principe même d'égalité qui est bafoué, en particulier dans certains territoires où il n'est plus possible de consulter des médecins qui pratiquent les tarifs de la sécurité sociale. Ces abus ne sont pas acceptables et doivent être combattus. Si la généralisation du tiers payant permettra à nombreux concitoyens de ne plus renoncer aux soins pour des raisons financières, il lui demande quels dispositifs - de sanction ou d'incitation - peuvent être mis en place pour mettre fin à ces « privilèges ». Plus généralement et pour appréhender cet enjeu majeur dans une vision de long terme, alors que 97 % des budgets de santé sont investis dans le curatif, il l'interroge sur les pistes envisagées pour investir dans une véritable politique de prévention en santé.

Texte de la réponse

DÉPASSEMENTS D'HONORAIRES MÉDICAUX


Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Potier, pour exposer sa question, n°  1446, relative aux dépassements d'honoraires médicaux.

M. Dominique Potier. Madame la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion, le niveau des dépassements d'honoraires médicaux continue de croître. C'est une immense déception, une immense source d'indignation. Les dépassements d'honoraires ont atteint 2,8 milliards d'euros en 2015. L'augmentation, déjà supérieure à 6 % entre 2010 et 2012, se poursuit à un rythme constant depuis que nous sommes aux responsabilités.

Au-delà de ce constat alarmant, il faut examiner la situation en détail et saluer l'instauration des contrats d'accès aux soins, qui ont permis à plus de 11 000 médecins généralistes de jouer le jeu et de limiter le niveau de leurs compléments tarifaires.

Pourtant, dans certains secteurs, on frôle le scandale : ainsi, chez les radiologues de secteur 1, les dépassements d'honoraires ont quasiment doublé en deux ans, passant de 16 à 30 millions d'euros. Lorsque ces dépassements atteignent un tel niveau, madame la secrétaire d'État, c'est le principe même de l'égalité qui est bafoué, puisque les patients de certains territoires ne peuvent plus trouver d'offre au tarif de la Sécurité sociale dans une proximité raisonnable.

Aujourd'hui, l'indécence de ces privilèges heurte profondément nos concitoyens. J'ai pu m'en rendre compte lors de rencontres dans l'ensemble des communes de ma circonscription : c'est l'un des sujets qui revenaient très fréquemment. On pourrait faire le parallèle avec d'autres privilèges et d'autres indécences : je pense au scandale des paradis fiscaux, qui heurte profondément tous nos concitoyens à qui l'on demande aujourd'hui de faire des efforts pour la justice, pour le rétablissement du pays, pour les comptes publics.

Il s'agit donc d'un scandale symbolique, et même d'un scandale pratique pour les patients qui n'ont pas accès à des tarifs réglementés.

Comment peut-on mettre fin à ces privilèges ? Tout d'abord, par l'éducation des parties prenantes, en rappelant aux médecins eux-mêmes le sens de leur engagement. Ensuite, en assurant la diversité de l'offre de soins sur les territoires et peut-être en sanctionnant les professionnels qui ont ces comportements que nous condamnons tous.

Je profite de cette question sur les dépassements d'honoraires pour évoquer l'une de mes autres passions : celle de la prévention en santé publique. La loi de modernisation de notre système de santé, que nous avons votée très largement et qui est l'une de nos fiertés lors de cette législature, met en valeur cette politique de santé publique, mais il y a encore du chemin à faire. Lors de la conférence internationale de l'Organisation mondiale de la santé organisée l'année dernière, nous avons appris qu'à l'échelle mondiale, 97 % des actions sanitaires étaient curatives et 3 % étaient préventives. En France, le partage est plus équilibré – 93 % d'actions curatives, 7 % d'actions préventives –, mais nous sommes encore loin du compte !

Nous savons tous qu'un investissement public massif en la matière aurait un rendement inégalé, non seulement pour le bien-être de nos concitoyens, mais aussi pour les comptes de la Sécurité sociale ; il permettrait également d'éviter toutes les dérives que nous dénonçons vers la privatisation des services de santé, ainsi que les abus que je dénonçais tout à l'heure. Le ministère des affaires sociales et de la santé est en train d'élaborer des indicateurs qui permettront de mieux évaluer l'enjeu d'un investissement en la matière.

Nous devrons mieux coordonner nos politiques publiques. Les contrats locaux de santé vont dans ce sens, mais il faudrait y intégrer les politiques de l'alimentation, les projets alimentaires territoriaux défendus par notre collègue Brigitte Allain, et la lutte contre les pesticides que j'ai moi-même portée auprès du Premier ministre, du ministre de l'agriculture et de la ministre de l'environnement. Il faudrait coordonner les politiques d'environnement, d'alimentation, d'hygiène, de sport, et faire de nos régions des territoires d'excellence sur ces sujets. Il y a là matière à un récit citoyen qui pourrait nous mobiliser, au-delà des générations, au-delà de la ville ou de la campagne, et même au-delà des catégories sociales qui composent notre société. Je crois véritablement qu'il s'agit d'un investissement important.

Je veux enfin faire le lien entre l'indécence des dépassements d'honoraires et la carence d'investissements publics en matière de santé. Et si nous luttions contre tous les dysfonctionnements du système de santé ? Contre les dépassements d'honoraires, contre le recours abusif à l'intérim dans les hôpitaux, qui devient aujourd'hui quasiment une rente, et contre quelques autres malfaçons ? Il y aurait peut-être là matière à mener, à budget constant, une politique de prévention sanitaire authentique, porteuse de promesses pour nos concitoyens et pour la République.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Vous avez raison, monsieur le député : la politique de santé est une politique au champ large, très interministérielle, qui peut également concerner le travail, le sport, l'alimentation… C'est effectivement ce que défend Marisol Touraine depuis 2012 : nous insistons particulièrement sur l'importance de la politique de prévention, qu'il faudrait privilégier à la politique curative.

Quant à la lutte contre les dépassements d'honoraires, elle fait pleinement partie de l'action de la ministre de la santé. L'avenant no 8 à la convention médicale, signé dès octobre 2012, a ainsi permis d'endiguer la progression de ces dépassements et de favoriser l'accès à des tarifs opposables. Le contrat d'accès aux soins incite en effet les médecins à pratiquer des dépassements raisonnables en contrepartie d'avantages sociaux et, pour les patients, d'un meilleur remboursement par l'assurance maladie obligatoire. Un tiers des médecins de secteur 2 en a conclu un, et 17 % des installations en secteur 2 se font aujourd'hui dans le cadre d'un contrat d'accès aux soins.

Parallèlement, l'avenant n°  8 renforce le dispositif sanctionnant les dépassements jugés excessifs. Ces sanctions peuvent mener jusqu'à la suspension temporaire du conventionnement du médecin. Entre 2013 et 2015, près de 1 700 médecins ont fait l'objet d'une action de la part de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés – CNAMTS – dans le cadre du contrôle des pratiques tarifaires excessives.

Alors que depuis plus de vingt ans, les dépassements progressaient de façon continue, ils ont commencé à baisser à la fin 2012. De très bons résultats doivent naturellement être soulignés chez les médecins signataires du contrat d'accès aux soins. Ainsi, entre 2012 et septembre 2015, leur taux de dépassement a diminué globalement de 7 points pour les seuls médecins spécialistes ; leur taux d'actes à tarif opposable a lui augmenté de 8 points.

En définitive, la part des dépenses de santé restant à la charge des ménages est en baisse constante depuis 2012.

S'agissant de la prévention, Mme la ministre a demandé au directeur de la CNAMTS de faire du développement de la prévention l'un des axes prioritaires de la négociation conventionnelle en cours avec les médecins. Ainsi, la rémunération sur objectifs de santé publique – ROSP – des médecins doit davantage valoriser les actions de sensibilisation qu'ils mènent pour de meilleures habitudes de vie et des évolutions de comportement de leurs patients.

Dans les semaines à venir, il y aura, nous l'espérons tous, des modifications dans ce domaine.