14ème législature

Question N° 3004
de M. Philippe Goujon (Les Républicains - Paris )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Premier ministre
Ministère attributaire > Premier ministre

Rubrique > étrangers

Tête d'analyse > immigration

Analyse > politique européenne de l'immigration. perspectives.

Question publiée au JO le : 17/06/2015
Réponse publiée au JO le : 17/06/2015 page : 5783

Texte de la question

Texte de la réponse

POLITIQUE MIGRATOIRE


M. le président. La parole est à M. Philippe Goujon, pour le groupe Les Républicains.

M. Philippe Goujon. Ma question s'adresse au ministre de l'intérieur.

Chassés par les guerres ou la misère, c'est par dizaines de milliers que des migrants désemparés et exploités par des passeurs sans scrupule tentent de rejoindre nos côtes et de traverser les frontières, la France, l'Italie, la Grande-Bretagne, et l'Allemagne accueillant 80 % des réfugiés de toute l'Europe. Sixième cible migratoire au monde, la France a connu un doublement des demandes d'asile. Elle est devenue la principale source d'arrivée de clandestins puisque, alors que 75 % des demandes sont rejetées, seulement 1 % des déboutés est effectivement éloigné.

Comment faire face à un tel afflux quand, en une seule semaine, ce sont près de 1 500 clandestins qui ont été interpellés dans les seules Alpes-Maritimes ? Certainement pas en ouvrant, comme l'exige la maire de Paris, un centre d'accueil pour migrants, dont le seul effet sera un appel d'air migratoire sans précédent.

Plusieurs députés du groupe Les Républicains. Bien sûr !

M. Sylvain Berrios. C'est un scandale !

M. Philippe Goujon. A-t-on tant de logements, d'emplois, d'allocations à distribuer ? Monsieur le ministre, allez-vous céder à la pression d'Anne Hidalgo et de sa majorité et ouvrir un Sangatte bis en plein Paris ou suivrez-vous plutôt la Cour des comptes qui préconise l'expulsion des déboutés ?

Plutôt que des quotas, instaurerez-vous un blocus migratoire ? Favoriserez-vous une harmonisation européenne du droit d'asile ? Refonderez-vous Schengen ? Abandonnerez-vous, dans votre réforme de l'asile, les nouvelles facilités de regroupement familial renforçant l'attractivité migratoire de notre pays ? Si la France a vocation à sauver des vies en perdition en Méditerranée, elle doit avant tout dissuader les migrants de partir vers l'Europe. Au « Waterloo moral » dénoncé par les Verts, n'ajoutez pas, monsieur le ministre, une « Bérézina migratoire » pour la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le président, avant de répondre à M. Goujon, député de Paris, permettez-moi de rendre hommage à Carole Delga pour le travail qu'elle a eu l'occasion de faire, puisqu'elle va quitter le Gouvernement dans quelques heures pour se consacrer à la campagne électorale dans une grande région du Sud. Ne pouvant pas m'exprimer après, je voulais le faire, avec votre permission (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen. – « Et le président Bartolone ? » sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. S'il vous plaît ! Vous avez pu constater que je suis candidat à un endroit beaucoup moins éloigné que Carole Delga !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Et bien sûr je ne manquerai pas d'être ce soir aux côtés de Claude Bartolone, qui est engagé dans une autre campagne. (Exclamations prolongées sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Monsieur Goujon, comme M. Guibal tout à l'heure, vous posez une question sur un sujet particulièrement difficile et complexe. Annick Girardin a déjà donné un certain nombre d'éléments, mais il est vrai que l'afflux des migrants pose à l'Europe et à Schengen des questions sans précédent. Ces questions sont en train d'être traitées dans le cadre d'un conseil JAI – Justice et affaires intérieures –, en présence, bien sûr, de Bernard Cazeneuve – c'est la raison pour laquelle il n'est pas là. Mais cela pose pour l'Europe et pour les États membres de Schengen des questions sur leur capacité à faire face, en créant des mécanismes de solidarité et en assurant un contrôle des flux à l'arrivée.

La France est d'abord un pays de transit. Une part majoritaire des migrants ne cherche pas à s'y installer. Néanmoins, il y a – qui peut l'ignorer ? – des points de fixation sur lesquels il faut intervenir : c'est vrai du côté de Menton, c'est vrai à Calais, où nous menons une action particulièrement vigoureuse, et c'est le cas à Paris. Le Gouvernement annoncera ce mercredi, par la voix de Bernard Cazeneuve, des mesures permettant d'éviter que ne se forment des campements précaires qui sont indignes de notre pays et qui posent des problèmes sanitaires et de sécurité.

Faut-il mettre en place des centres d'accueil pour migrants ? Essayons de traiter ces sujets sans polémique : non, car les règles actuelles sont claires. Les personnes qui ont besoin d'une protection ont accès à des solutions d'hébergement : centres d'accueil de demandeurs d'asile, hébergements d'urgence. Les capacités doivent être adaptées aux besoins : ce sera au cœur du plan gouvernemental qui sera présenté demain. Mais cela doit se faire dans le cadre existant.

La réforme de l'asile, que vous allez discuter et qui est portée ici par Mme Sandrine Mazetier, a précisément pour objectif de rendre l'accès à l'hébergement plus fluide et mieux réparti sur le territoire. Les autres migrants, ceux qui ne sont pas réfugiés, ceux qui ne répondent pas aux critères fixés par ce droit fondamental qu'est le droit d'asile, n'ont pas vocation à rester en France. Ils doivent donc être reconduits à la frontière.

Des progrès peuvent être faits sur les aides au retour. Des efforts sont possibles, bien sûr – nous l'avons déjà fait pour le Sud ou à Calais –, pour utiliser au mieux les dispositifs existants et mieux faire travailler les services ensemble.

Enfin – Mme Annick Girardin l'a rappelé avec beaucoup de force et Laurent Fabius le souligne régulièrement –, il faut une politique en direction des pays d'Afrique, dont ces migrants économiques, de plus en plus nombreux, sont originaires. Cette politique, portée notamment par l’Union européenne, doit être beaucoup plus ambitieuse et prendre en compte le problème de l'émigration, qui est aussi un problème de développement.

Bref, sur toutes ces questions, la bonne réponse est à la fois de prévoir des dispositifs efficaces d'accueil et d'hébergement des demandeurs d'asile et une politique de très grande fermeté contre l'immigration irrégulière. L'évacuation des campements se poursuivra, dans le respect des droits des migrants, avec des solutions d'hébergement, mais sans céder à la menace d'un certain nombre de personnes, qui jouent un rôle particulièrement dangereux et qui mettent en danger les migrants eux-mêmes.

Les discussions au niveau européen doivent à présent aboutir. Il y va de l'avenir même de l'espace Schengen et de notre capacité à gérer correctement, humainement, ces crises. Fermeté et humanité, responsabilité et justice, voilà la politique du Gouvernement. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)