14ème législature

Question N° 3691
de M. Philippe Goujon (Les Républicains - Paris )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > système pénitentiaire

Tête d'analyse > établissements

Analyse > sécurité. moyens.

Question publiée au JO le : 03/03/2016
Réponse publiée au JO le : 03/03/2016 page : 1561

Texte de la question

Texte de la réponse

POLITIQUE CARCÉRALE


M. le président. La parole est à M. Philippe Goujon, pour le groupe Les Républicains.

M. Philippe Goujon. Monsieur le garde des sceaux, hier, répondant à notre collègue Élie Aboud sur l'attitude « inacceptable », disiez-vous, d'un détenu qui s'était filmé avec son smartphone, un joint à la main, et avait diffusé la vidéo sur les réseaux sociaux, vous attendiez de l'opposition des propositions. Merci de cette ouverture d'esprit, à laquelle votre prédécesseur ne nous avait guère habitués ! (Protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) Ce serait pourtant de salut public, selon votre propre constat. Je vous cite : « Honnêtement, ce que je découvre est pire que ce que je craignais. »

Le syndicat UFAP-UNSA se désole : « Il y a autant de portables en prison que de détenus, mais l'administration est dépassée et laisse faire. » En cinq ans, le nombre de portables en prison a triplé, favorisant les évasions, les pressions sur les victimes, la gestion des trafics, mais aussi la radicalisation.

Puisque vous estimez que « les prisons sont dans un état conforme à celui de la justice » – je vous cite, monsieur le garde des sceaux –, construisez d'abord les 20 000 places manquantes, renforcez les moyens humains et ne conditionnez pas les aménagements de peine au taux d'occupation ! Au lieu de rejeter ma proposition de loi visant à garantir l'isolement électronique des détenus, introduisez dans le projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé l'interdiction légale des portables et d'internet, la systématisation des fouilles et la vidéosurveillance des parloirs ! Systématisez les scanners corporels, les filets anti-projections et les brouilleurs de dernière génération, promis depuis quatre ans ! Enfin, si vous avez accepté notre amendement intégrant le renseignement pénitentiaire dans le second cercle de la communauté du renseignement, permettez aussi l'utilisation des techniques spéciales du renseignement pour localiser et écouter ces appareils !

Monsieur le garde des sceaux, vous êtes à la croisée des chemins. Pour sortir les prisons de leur état de passoire et le pays de la délinquance, il vous faudra renier l'action désastreuse de votre prédécesseur, qui a fait de la prison l'exception et de l'impunité un principe. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) Si vous en avez peut-être l'intention, en aurez-vous le pouvoir et l'audace ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, j'ai demandé hier à Élie Aboud des propositions. Vous m'en faites : je vous remercie. Vous avez été le rapporteur de la loi qui a créé le contrôleur général des lieux de privation de liberté et votre connaissance du milieu carcéral vous a permis d'aborder en deux minutes cinq sujets : le renseignement pénitentiaire, les aménagements de peine, les constructions de places de prison, la sécurisation des établissements et la systématisation des fouilles. Ce sont autant de sujets sur lesquels il est important que nous puissions débattre.

Comme je veux être précis, je ne peux pas être complet. Je me limiterai donc à deux sujets ; pour le reste, nous continuerons le débat ultérieurement, y compris tout à l'heure lors de l'examen du projet de loi relatif à la procédure pénale.

J'ai déjà dit hier combien je pensais qu'il fallait lutter efficacement contre l'utilisation des téléphones en prison. Depuis la conversation que nous avons eue hier, notamment avec vous, je m'interroge : n'aurions-nous pas intérêt à mener une expérimentation dans une maison d'arrêt, pour permettre l'installation d'un téléphone dans chaque cellule, sous le contrôle de l'autorité, comme le prévoit le code de procédure pénale ? Cela existe déjà dans d'autres pays, et cela fonctionne. Peut-être cela pourrait-il marcher en France, et peut-être pourrions-nous conduire une expérimentation.

Plusieurs députés du groupe Les Républicains . Très bien !

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. S'agissant de la construction de places de prison, vous avez voté comme législateur, en décembre 2015, une disposition qui prévoit qu'en 2025, 80 % des détenus soient emprisonnés dans des cellules individuelles. Pour cela, il faut construire 12 000 places de prison.

M. Marc Le Fur. Eh oui ! Enfin !

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Cela coûte 2,5 millions d'euros. Il faudra donc que vous preniez des décisions, et il faudra que nous fassions des propositions.

M. Jean-Louis Dumont. Construisons plutôt des logements HLM !

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Parce que ma responsabilité dépasse les quatorze mois durant lesquels je serai garde des sceaux, je ferai des propositions au Premier ministre sur ce sujet. Nous aurons l'occasion d'en reparler, y compris dans le cadre du débat budgétaire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur quelques bancs du groupe Les Républicains.)