14ème législature

Question N° 37125
de Mme Marie-Hélène Fabre (Socialiste, républicain et citoyen - Aude )
Question écrite
Ministère interrogé > Agriculture, agroalimentaire et forêt
Ministère attributaire > Agriculture, agroalimentaire et forêt

Rubrique > agroalimentaire

Tête d'analyse > abattage

Analyse > politiques communautaires. perspectives.

Question publiée au JO le : 17/09/2013 page : 9546
Réponse publiée au JO le : 15/10/2013 page : 10776

Texte de la question

Mme Marie-Hélène Fabre alerte M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt sur la concurrence tarifaire déloyale pratiquée par les abattoirs de viande allemands. Elle lui rappelle qu'il n'existe pas de salaire minimal en Allemagne et qu'aucun accord de branche n'est venu en fixer un pour ce secteur dans ce pays. Par ailleurs, au moyen de sociétés fictivement installées dans des pays de l'est, un nombre considérable de travailleurs serait employé, à très bas tarifs (4-5 euros de l'heure) et dans des conditions peu conformes aux normes internationales du travail, non pas à titre provisoire comme le permet la législation, mais à titre permanent. Ces pratiques sociales qui semblent généralisées dans ce secteur et largement tolérées, ont pour conséquence d'évincer les salariés permanents de ces entreprises et conduisent à la destruction d'emplois décents dans les autres pays producteurs de viande, y compris la France. Aussi, et pour mettre fin à ce dumping social intolérable, il lui semble nécessaire de mettre en place un salaire minimum pour l'ensemble des pays européens dans ce secteur. Par ailleurs, un recadrage et une application stricte de la directive européenne sur le détachement des salariés lui semblent également impératifs. Aussi elle aimerait connaître son sentiment sur ces questions et les pistes de travail qu'il envisage.

Texte de la réponse

Les raisons expliquant le différentiel de coût de main-d'oeuvre entre la France et l'Allemagne dans les secteurs de l'agroalimentaire, et notamment des industries de la viande, font l'objet d'un examen attentif de la part du Gouvernement français qui vise à s'assurer que ce différentiel ne résulte pas de pratiques non conformes au droit communautaire, au regard notamment du principe de concurrence loyale et du respect des droits des travailleurs. En raison de la pénurie de main-d'oeuvre dans ces secteurs, les entreprises allemandes ont recours à de la main-d'oeuvre étrangère, issue notamment des nouveaux États membres. Ce recours a tout d'abord été rendu possible par une dérogation aux restrictions concernant le libre accès au marché du travail allemand, en vigueur jusqu'au 30 avril 2011. Ces restrictions ont été levées définitivement le 1er mai 2011 pour les ressortissants de huit nouveaux États membres, en dehors de la Roumanie et de la Bulgarie. La main-d'oeuvre étrangère travaillant ainsi, en principe temporairement, dans les entreprises allemandes est constituée de salariés détachés par des entreprises situées dans les nouveaux États membres et qui exercent leur activité en qualité soit de sous-traitants, soit d'entreprises de travail temporaire. L'activité de ces entreprises est encadrée par deux directives, la directive 96/71/CE du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services et la directive 2008/104/CE du 19 novembre 2008 relative au travail intérimaire. S'agissant des conditions de travail et d'emploi dont bénéficient les salariés détachés dans les entreprises qui les occupent, la directive 96/71/CE fait obligation aux États membres de veiller, soit par des dispositions législatives ou réglementaires, soit par des accords collectifs d'application générale, à ce que ces salariés bénéficient d'un socle de garanties impératives, parmi lesquelles figurent les taux de salaire minimal. Une loi de transposition de la directive en droit allemand dispose que le salaire des travailleurs détachés ne doit pas être inférieur à celui que perçoit un travailleur allemand sur un poste identique. Toutefois, il convient de rappeler qu'en Allemagne, le salaire minimum obligatoire n'est pas fixé légalement mais par des accords de branches. Il peut aussi être différencié par Land. Le caractère obligatoire des accords est limité aux employeurs membres du syndicat signataire au sein de chaque branche, à moins d'être rendu d'application générale par décision d'extension du Gouvernement. Or, les secteurs de l'agriculture et des industries de la viande ne bénéficient pas d'un accord de branche prévoyant un salaire minimum. Il n'existe donc pas dans ces secteurs de salaire minimum obligatoire tant pour les salariés allemands que pour les étrangers. Cette situation pourrait être appelée à évoluer à deux titres. D'une part, le Gouvernement allemand s'est récemment déclaré favorable à l'instauration de salaires planchers par branche, ce qui constitue une première avancée, d'autre part, du fait de la publication, par la Commission européenne le 21 mars 2012, d'une proposition de directive visant à renforcer l'effectivité de la mise en oeuvre de la directive de 1996. Ce texte, soutenu par le Gouvernement français, propose différentes mesures destinées à permettre une information plus précise et plus accessible des acteurs du détachement, à préciser les critères du détachement et à faciliter le contrôle et les sanctions des entreprises qui ne respectent pas les droits des salariés détachés et les règles encadrant la prestation de service transnationale. Cette révision de la directive dite « détachement des travailleurs » est actuellement discutée au sein du groupe de travail des questions sociales du Conseil de l'Union européenne et sera ensuite examinée par le Parlement européen.