14ème législature

Question N° 3837
de M. Arnaud Viala (Les Républicains - Aveyron )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social
Ministère attributaire > Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social

Rubrique > travail

Tête d'analyse > droit du travail

Analyse > réforme. perspectives.

Question publiée au JO le : 07/04/2016
Réponse publiée au JO le : 07/04/2016 page : 2728

Texte de la question

Texte de la réponse

LOI TRAVAIL


M. le président. La parole est à M. Arnaud Viala, pour le groupe Les Républicains.

M. Arnaud Viala. Monsieur le Premier ministre, je veux vous raconter une petite histoire vraie. (« Ah ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mon nom est Jacques, j'ai cinquante-trois ans, je travaille depuis trente-deux ans dans une PME du bâtiment et des travaux publics. J'y ai vu se succéder trois générations de patrons d'une même famille, qui avaient tous leur entreprise vissée au cœur et aux tripes.

Aujourd'hui, que vois-je ? Tous les matins, au moment du café, mon patron arrive en larmes parce qu'il croule sous les charges, ne trouve pas de boulot et n'arrive plus à joindre les deux bouts. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Yves Fromion. Eh oui !

M. Arnaud Viala. Son père, âgé de quatre-vingt-cinq ans, qui avait pour habitude de nous rendre visite une fois par semaine, est effondré de devoir vendre, un à un, les biens acquis tout au long d'une vie de labeur, afin de tenter de sauver la boîte familiale.

M. Pascal Popelin. Quelle farce !

Un député du groupe socialiste, républicain et citoyen. Arrêtez les violons !

M. Yves Fromion. Écoutez-le donc !

M. Arnaud Viala. Mes collègues et moi-même sommes morts d'angoisse à l'idée que notre entreprise coule, à l'idée de ne plus avoir de travail mais surtout de perdre cette partie de nous-mêmes.

M. Laurent Furst. Monsieur Sapin, il faut vous réveiller !

M. Arnaud Viala. Et face à cette situation, qu'est-ce que j'entends ? Je vous entends, monsieur le Premier ministre, nous présenter comme remède à nos problèmes la loi travail, qui prévoit l'augmentation du temps de décharge syndicale et la rémunération du temps passé dans les associations. J'entends vos ministres en charge du budget continuer de justifier les coups de cutter qu'ils ont assénés aux collectivités territoriales alors qu'elles nous fournissaient 70 % de notre charge de travail. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains.)

M. Jean Lassalle. Très bien !

M. Arnaud Viala. J'entends votre ministre chargée de l'éducation nationale parler d'apprentissage tout en continuant de faire peser sur les entreprises désireuses de former des apprentis ou des stagiaires des contraintes telles qu'elles n'en prennent plus. J'entends les particuliers, nos clients d'hier, nous dire qu'ils ne peuvent plus investir, parce qu'ils ont peur de l'avenir, peur du chômage, peur du vide.

Des Jacques, des Didier, des Marie dans mon cas, il y en a plus de 16 millions en France, dans les plus de 3,5 millions de TPE et PME qui font vivre nos territoires, même les plus ruraux, comme celui de l'Aveyron – particulièrement cher à mon cœur –, auxquels vous n'apportez aucune solution.

Comment faut-il s'y prendre, monsieur le Premier ministre, pour que vous les entendiez ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union des démocrates et indépendants.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le député, je ne connais pas Jacques mais je serais ravie de le rencontrer, peut-être chez vous, en Aveyron. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Quoi qu'il en soit, Jacques a dû ressentir, notamment grâce au pacte de responsabilité et au crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, le CICE,…

M. Bernard Deflesselles. Le CICE ? Vous plaisantez !

Mme Myriam El Khomri, ministre. …l'effet des allégements de charges. Peut-être Jacques a-t-il fait partie des 878 employeurs de l'Aveyron qui ont bénéficié de l'aide « embauche PME », mise en place voilà deux mois ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

Peut-être Jacques a-t-il bénéficié du plan « tout pour l'emploi », mis en œuvre par le Premier ministre l'été dernier, qui visait justement à apporter des aides en faveur de l'apprentissage pour les jeunes mineurs et a permis de geler certains seuils. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Peut-être Jacques sera-t-il aussi rassuré d'entendre ce que j'ai à lui dire au sujet de mon projet de loi.

Un député du groupe Les Républicains. Vous feriez mieux de regarder la réalité en face !

Mme Myriam El Khomri, ministre. Faciliter la vie des entrepreneurs, notamment des TPE et PME, est en effet essentiel car, nous le savons, ce sont ces entreprises qui nous permettront de créer de l'emploi. Pour Jacques et les autres, qui ne disposent pas d'une armée d'experts juridiques, nous prévoyons donc des accords types de branche, qui seront directement applicables au sein des entreprises. Et, vous qui connaissez les organisations patronales comme l'UPA – l'Union professionnelle artisanale –, vous savez aussi à quel point la réaffirmation des branches est essentielle pour les petites entreprises : passer de 700 à 200 branches permettra d'éviter la concurrence déloyale. Ces deux innovations sont inscrites dans le texte.

Permettez-moi de vous dire que Jacques pourra en outre moduler son temps de travail, aujourd'hui au-delà de vingt-huit jours et demain sur neuf semaines.

En précisant la définition du motif de licenciement économique, ce projet de loi clarifiera également le droit, ce qui offrira à Jacques et aux autres une plus grande lisibilité. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Au-delà de la loi travail, nous mettons en œuvre cette priorité depuis 2012. Jacques peut ressentir à quel point nous agissons. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur quelques bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

M. Jean-Frédéric Poisson. Il va être content, Jacques !

M. Éric Straumann. Il pourra être licencié !

M. Laurent Furst. Jacques va bientôt vous dire « au revoir » !