14ème législature

Question N° 3905
de M. Christophe Sirugue (Socialiste, républicain et citoyen - Saône-et-Loire )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Premier ministre
Ministère attributaire > Premier ministre

Rubrique > travail

Tête d'analyse > droit du travail

Analyse > réforme. perspectives.

Question publiée au JO le : 11/05/2016
Réponse publiée au JO le : 11/05/2016 page : 3238

Texte de la question

Texte de la réponse

PROJET DE LOI TRAVAIL


M. le président. La parole est à M. Christophe Sirugue, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Christophe Sirugue. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Plusieurs députés du groupe Les Républicains. Il va enfin répondre !

M. Christophe Sirugue. Monsieur le Premier ministre, le monde du travail a changé. (« Allô ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. S'il vous plaît, mes chers collègues !

M. Christophe Sirugue. Il est marqué non seulement par une évolution de l'individualisation à l'intérieur de l'entreprise, par les enjeux de la mondialisation, mais également par les évolutions qu'ont connues des pans entiers de notre industrie. Le monde du travail se caractérise aussi aujourd'hui par l'émergence d'emplois ne relevant ni du salariat, ni du régime des travailleurs indépendants. Nous devons impérativement prendre en compte ces évolutions, que ce soit pour donner à nos entreprises la capacité de se battre dans le contexte concurrentiel que nous connaissons…

Plusieurs députés du groupe Les Républicains. Baratin !

M. Christophe Sirugue. …ou pour assurer une protection aux salariés et aux travailleurs de notre pays.

C'est pourquoi nous nous sommes engagés en faveur du projet de loi travail. Nous en avons corrigé les éléments que nous contestions, et nous l'avons fait évoluer en y intégrant des droits nouveaux dont bénéficieront un grand nombre de salariés et de travailleurs de notre pays. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Ce texte, qui a évolué, permet de prendre en compte des enjeux que beaucoup soulignent depuis longtemps.

M. Éric Straumann. Vous faites à la fois les questions et les réponses !

M. Christophe Sirugue. Je pense aux enjeux relatifs à la concurrence du travail détaché, au droit à la déconnexion - chacun sait que le numérique est venu interférer dans nos échanges.(« Allô ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

Monsieur le Premier ministre, nous avons voulu élaborer un texte qui bouge, un texte cohérent. Nous avons voulu réformer. Pouvez-vous nous dire ce que vous comptez faire de l'ensemble de ce texte que nous avons défendu ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, et sur quelques bancs du groupe écologiste et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (« Ah ? » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le député, cher Christophe Sirugue, en vous répondant, je réponds également, d'une certaine manière, à la question que M. Censi a posée il y a un instant.

M. Guy Geoffroy. Il serait temps !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Nous nous trouvons en effet dans un moment important.

M. Claude Goasguen. De blocage !

M. Dominique Dord. De recul !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Le Président de la République, l'ensemble du Gouvernement et moi-même le mesurons. En effet, l'Assemblée nationale a commencé l'examen d'un texte important pour l'avenir de notre pays (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains),…

M. Michel Herbillon. Et pour l'avenir de votre majorité !

M. le président. S'il vous plaît, mes chers collègues, écoutez la réponse !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …pour notre modèle social et pour la consolidation de notre économie.

M. Marc-Philippe Daubresse. Vous nous empêchez de voter !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Le moment est aussi important car notre pays est traversé par des contestations, des incompréhensions et des désaccords. Il s'agit aujourd'hui de savoir sur quel terrain nous conduisons les réformes dans notre pays.

M. Guy Geoffroy. Sur des sables mouvants !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Avec Myriam El Khomri et l'ensemble du Gouvernement, nous avons l'ambition, l'exigence de trouver le chemin de la réforme…

M. Michel Herbillon. Le chemin de la reculade !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …et de montrer que le dialogue peut payer à tous les niveaux.

Vous venez de le rappeler, monsieur le député : le projet de loi travail a évolué depuis deux mois. Pour autant, il reste cohérent.

Plusieurs députés du groupe Les Républicains. Mais non !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Il affirme la confiance dans le dialogue, au sein de l'entreprise, avec les organisations syndicales et les salariés. Il pose la première pierre d'une véritable sécurisation des parcours professionnels, avec le compte personnel d'activité.

M. Éric Straumann. C'est du vent !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Il sécurise les conditions de licenciement, en particulier dans les PME. Vous l'avez rappelé : il crée le droit à la déconnexion pour les salariés.

M. Guy Geoffroy. C'est vous qui êtes déconnecté !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Il donne pour la première fois un cadre aux salariés exerçant dans les plates-formes. Il met en place des dispositifs efficaces de lutte contre le travail détaché. Il prévoit la création de plusieurs dispositifs en faveur de la jeunesse. Voilà les principaux éléments que vous connaissez parfaitement, monsieur le rapporteur Sirugue.

Nous assumons le fait d'avoir construit, en faisant évoluer le texte depuis sa présentation initiale, un accord avec l'ensemble des organisations syndicales réformistes. Nous assumons le fait d'avoir construit un projet de loi visant à rendre notre économie plus agile, plus réactive et plus orientée vers l'emploi qui est, bien sûr, notre priorité.

Aujourd'hui, nous disposons d'un texte cohérent, équilibré (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains), qui est le fruit d'un compromis.

Avec ce texte, nous assumons le fait d'ouvrir encore plus nettement une possibilité qui n'est en aucune manière porteuse d'insécurité pour les salariés : un accord signé majoritairement par les organisations syndicales ou un salarié mandaté n'entraîne jamais un recul des droits ou des garanties des salariés.

M. Christian Jacob. Lisez-vous le texte arbitré par le Président de la République ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. C'est la grande nouveauté et la protection inédite offerte aux salariés par ce texte : pour être validé, un accord doit être majoritaire.

Aujourd'hui, après de nombreux échanges, ce compromis a permis de réunir très largement le groupe majoritaire. (« Ah ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme Catherine Vautrin. Il n'y a pas de majorité !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Et pourtant, certains refusent de s'inscrire dans cette dynamique du compromis. (« Oh ! » sur les bancs du groupe Les Républicains et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union des démocrates et indépendants.) Certains voudraient imposer l'idée selon laquelle une négociation au niveau de l'entreprise, même régie par le principe majoritaire, reviendrait à soumettre les salariés à l'arbitraire.

M. Guy Geoffroy. Allez-y ! Annoncez le recours au 49-3 !

M. Manuel Valls, Premier ministre. J'entends cette position lorsqu'elle rejoint une conviction de fond, mais je ne la partage pas. Ce n'est pas l'opinion du Gouvernement, ni celle de l'ensemble des organisations réformistes qui, depuis trente-cinq ans, construisent les grandes lois sociales de notre pays.

M. Jean Leonetti. Allez ! 49-3 !

M. Manuel Valls, Premier ministre. La conjonction des oppositions, y compris de ceux qui ne respectent pas les décisions très majoritaires de leur groupe, peut empêcher l'adoption de ce texte.

Mme Bérengère Poletti. La faute à qui ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. Le spectacle donné hier soir en séance ne me semble pas rendre justice au travail effectué par les parlementaires de tous les bancs depuis deux mois. (Vives exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l'Union des démocrates et indépendants. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Jean-François Copé. Nous n'y sommes pour rien !

M. Patrice Verchère. Scandaleux !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Parce que la réforme doit aboutir, parce que le pays doit avancer, parce que les relations sociales et les droits des salariés doivent progresser, le Conseil des ministres, qui s'est réuni il y a un instant (« Ah ? » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains), sous la présidence du Président de la République, m'a autorisé à engager la responsabilité du Gouvernement. (« Ah ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.) Je le ferai tout à l'heure, avec responsabilité, bien sûr, mais aussi avec confiance, car je suis convaincu que le texte élaboré collectivement est bon pour notre pays. Il est surtout un acte de confiance dans le dialogue…

M. Guy Geoffroy. C'est un tract !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …et un pari dans la capacité des partenaires sociaux à le faire vivre. Il est, tout simplement, une affirmation de notre vision de la démocratie sociale. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, et sur plusieurs bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste. – Huées sur les bancs du groupe Les Républicains.)