14ème législature

Question N° 4118
de M. Jean Leonetti (Les Républicains - Alpes-Maritimes )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Premier ministre
Ministère attributaire > Premier ministre

Rubrique > Union européenne

Tête d'analyse > États membres

Analyse > influence de la France.

Question publiée au JO le : 30/06/2016
Réponse publiée au JO le : 30/06/2016 page : 4843

Texte de la question

Texte de la réponse

RÔLE DE LA FRANCE EN EUROPE


M. le président. La parole est à M. Jean Leonetti, pour le groupe Les Républicains.

M. Jean Leonetti. Monsieur le Premier ministre, dans le prolongement de la réponse que vous venez d'apporter, je veux vous dire que, comme beaucoup, j'ai écouté, hier, votre discours avec beaucoup d'intérêt, et j'ai noté que nous avions au moins une convergence sur la gravité de la situation et l'urgence d'y répondre.

Cependant, comme le dit Edgar Morin : « À force de sacrifier l'essentiel à l'urgence, on finit par oublier l'urgence de l'essentiel ». Or l'Europe a très souvent réagi en urgence aux crises en oubliant l'essentiel, à savoir les peuples, les nations.

Ma question porte sur deux sujets, qui me paraissent aujourd'hui essentiels. Le premier, que vous avez évoqué, est celui des frontières. Nous voulons des frontières sûres et stables. Monsieur le Premier ministre, vous avez laissé Angela Merkel négocier seule avec la Turquie la gestion des frontières et des réfugiés. Même si nous devons avoir un partenariat privilégié avec ce grand peuple, dont nous partageons aujourd'hui la peine, la Turquie ne fait pas partie de l'Europe, et nous devons l'affirmer clairement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains.)

M. François Rochebloine. Très bien !

M. Jean Leonetti. Le second sujet essentiel est l'identité européenne. L'Europe n'est pas uniquement un marché commercial et financier ; l'Europe, c'est une âme. À Paris, à Berlin, à Madrid ou à Bruxelles, nous avons en commun un même héritage, une même destinée. Nous avons la même idée de la dignité de la personne humaine, de l'ouverture à la modernité, du refus du fanatisme et de l'amour de la liberté. Ces idées doivent s'incarner dans de grands projets, qui rejettent les normes de détail qui encombrent les réglementations de nos entreprises, pour faire en sorte que nous donnions une espérance à la jeunesse, au travers de la culture, de l'éducation, de l'innovation, du numérique et que nous portions enfin une espérance européenne.

Monsieur le Premier ministre, depuis quatre ans, vous avez déserté la scène européenne. La voix de la France doit redevenir audible. Quelle est votre position…

M. le président. Merci, monsieur Leonetti.

La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur Leonetti, vous avez été ministre chargé des affaires européennes en 2011, pendant plusieurs mois, et vous connaissez donc bien ces sujets et la machine européenne. Dès lors, pourquoi dire qu'il n'y aurait qu'un seul sujet sur lequel nous pourrions nous accorder, c'est-à-dire sur le constat, le fait que l'on n'a pas suffisamment écouté les peuples ?

Je pourrais aisément vous renvoyer au précédent quinquennat, et nous pourrions nous mettre d'accord aussi sur ce point : c'est sous la présidence de Nicolas Sarkozy que l'on a décidé d'adopter le traité de Lisbonne, en dépit du référendum et du choix du peuple français en 2005. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Un député du groupe socialiste, écologiste et républicain. Eh oui !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Mais, par-delà ces aspects, vous avez traité de deux sujets. Le premier renvoie, au fond, à la question de savoir ce qu'est l'Europe. J'ai essayé de le dire hier ; d'autres voix – je pense à François Fillon – ont également fait écho à mes propos.

Nous sommes un espace, une culture, une civilisation, une histoire, avec son cortège de drames, car c'est en Europe que sont nées les pires idéologies au XXe siècle, qui ont conduit au désastre. C'est pour cette raison qu'un certain nombre d'hommes ont décidé de la construction européenne après la Deuxième Guerre mondiale et la Shoah. Nous sommes donc cet espace de civilisation, une culture caractérisée par nos libertés, par le progrès, par l'égalité entre les femmes et les hommes.

Cet espace de progrès est évidemment contenu dans des frontières, qui peuvent nous permettre aussi de défendre un modèle social. C'était cela, aussi, l'Europe, sous l'impulsion du modèle social français et du modèle rhénan allemand. Nous l'avons toujours défendu. Il est contenu, je le répète, dans un espace, ce qui ne nous empêche pas de bâtir de grandes alliances stratégiques avec la Russie, la Turquie, le Proche et le Moyen-Orient, ou encore l'Afrique, pour ne parler que de nos voisins. Je pense que nous pouvons nous mettre d'accord là-dessus également, à condition qu'il s'agisse d'un modèle généreux, ouvert et tourné résolument vers l'avenir. C'est cette idée de l'Europe que, je crois, nous pouvons défendre.

Nous pouvons d'autant plus la défendre, monsieur Leonetti – je l'ai dit hier en réponse aux orateurs – qu'un débat se tiendra en 2017 sur l'idée que l'on se fait de la France dans l’Union européenne. Sans vouloir caricaturer le débat, ceux qui sont désireux que la France continue de compter dans ce modèle européen s'opposeront à ceux qui, tels le Front national ou d'autres, qui se sont exprimés hier, pris par leur élan aux seules fins de politique interne, voudront que la France sorte de l’Union européenne. Ce sera l'un des clivages essentiels en 2017.

L'autre sujet est celui des frontières. J'ai répondu à ce propos à Guillaume Bachelay. Ne créons pas des débats là où il n'y en a pas. Les frontières européennes ont sans conteste connu une situation difficile, avec la crise des réfugiés. Ce drame épouvantable nous oblige aussi à mettre en œuvre pleinement notre modèle en matière d'asile. Ce problème est incontestable. Il a fallu la force et la combativité de la France, du Président de la République, du ministre de l'intérieur… (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme Claude Greff. Pas vraiment !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …pour faire avancer nos propositions. S'il n'y avait plus d'espace Schengen, les frontières nationales reviendraient, évidemment, ce qui marquerait la fin du modèle européen que vous évoquiez. Les décisions qui ont été prises au niveau européen doivent donc être mises en œuvre.

Monsieur Leonetti, pourquoi vouloir toujours terminer par une note négative ? C'est par la voix du Président de la République, qui a décidé de l'intervention française, c'est par l'action de la France que, d'une certaine manière, l'Europe a pu faire en sorte que nous sauvions le Mali. C'est toujours la France et ses armées qui interviennent aujourd'hui au Levant ; c'est encore la voix de la France qui a permis de faire en sorte que la Grèce reste dans la zone euro. Oui, c'est grâce à la voix de la France, monsieur Leonetti ! (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et sur plusieurs bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

M. Christian Jacob. Calmez-vous un peu !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur Jacob, puisque vous étiez peu entouré hier lors du débat, je veux rappeler que, grâce, notamment, à la majorité, à la gauche (Vives exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains) et à certains orateurs de l'opposition, tels François Fillon, c'est une certaine idée de l'Europe qui s'est fait entendre.

M. Christian Jacob. Arrêtez, c'est stérile !

M. le président. S'il vous plaît, mes chers collègues !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Je vous le dis très clairement et très sereinement : il y en a assez de ces mises en cause du Président de la République dans l'hémicycle (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains – Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste),…

M. le président. S'il vous plaît mes chers collègues !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …il y en a assez de ceux qui remettent en cause en permanence la voix de la France ! Soyez un peu plus fiers, dans ces moments-là, où tout se bouscule, de ce que fait la France et de ce qu'incarne François Hollande ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)