14ème législature

Question N° 4125
de Mme Isabelle Le Callennec (Les Républicains - Ille-et-Vilaine )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social
Ministère attributaire > Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social

Rubrique > retraites : généralités

Tête d'analyse > réforme

Analyse > compte pénibilité. modalités. réglementation.

Question publiée au JO le : 30/06/2016
Réponse publiée au JO le : 30/06/2016 page : 4848

Texte de la question

Texte de la réponse

COMPTE PÉNIBILITÉ


M. le président. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec, pour le groupe Les Républicains.

Mme Isabelle Le Callennec. Dans le projet de loi travail, il n'y a pas que l'article 2 : il y a aussi l'article 21, qui vise à sanctuariser le compte pénibilité au sein du compte personnel d'activité. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Manuel Valls, Premier ministre. Très bien !

Mme Isabelle Le Callennec. Ce compte pénibilité cristallise les mécontentements – c'est peu de le dire ! – en particulier dans l'agriculture, l'industrie et le BTP.

Mme Laure de La Raudière. C'est une usine à gaz !

Mme Isabelle Le Callennec. Il alourdira dangereusement les charges qui pèsent déjà sur toutes les entreprises. Non seulement c'est une bombe à retardement sur le plan financier, mais c'est aussi un casse-tête à mettre en œuvre : il y a 260 pages de textes d'application !

Au 1er juillet, soit dans deux jours, chaque entreprise devra s'équiper d'un chronomètre pour mesurer le temps écoulé entre les différents gestes répétitifs, d'un rapporteur pour mesurer la position des membres supérieurs, d'une balance pour évaluer les charges soulevées, poussées ou tractées, d'un logiciel pour faire évaluer les risques chimiques par des laboratoires indépendants et « cofraqués » – c'est-à-dire reconnus par le COFRAC, le Comité français d'accréditation.

Il faudra en conséquence se poster derrière chaque salarié pour procéder, par cycle et au cours d'une journée, à l'observation des tâches et à l'évaluation individuelle des facteurs d'exposition ; il faudra recourir à un laboratoire indépendant pour mesurer les vibrations au poste de travail ; il faudra enfin dégager du temps pour recenser les évaluations et calculer les cotisations pour les organismes sociaux à leur place. Sans compter que ce dispositif entraînera inévitablement des contentieux, peu propices à l'amélioration du dialogue social dans les entreprises.

Nous partageons l'objectif d'améliorer les conditions de travail. Mais le compte personnel de prévention de la pénibilité – ou C3P – plombera littéralement la compétitivité des entreprises françaises – et vous le savez très bien, monsieur le Premier ministre. Allez-vous enfin y renoncer ? À défaut, il faudra cesser de dire que vous aimez les entreprises ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. François Rochebloine. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Madame la députée, il y a en effet deux visions, deux projets de société différents. Le Sénat a supprimé, dans le projet de loi travail, non seulement le compte engagement citoyen, mais aussi le compte personnel de prévention de la pénibilité,…

Mme Laure de La Raudière. Il a bien fait !

Mme Myriam El Khomri, ministre. …ce qui est tout à fait conforme à la vision que vous avez développée à l'instant. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Que signifie la pénibilité ? Que l'espérance de vie d'une certaine partie des salariés est beaucoup moins longue que celle des autres. C'est cela, la réalité ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. S'il vous plaît !

Mme Myriam El Khomri, ministre. Dans le cadre de la réforme des retraites, quatre facteurs de pénibilité ont été identifiés. Au total, 500 000 personnes au sein de 26 000 entreprises ont ainsi pu bénéficier de points de pénibilité. (« Mensonges ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

C'est une mesure de justice sociale : les personnes qui ont accompli des travaux pénibles peuvent partir plus tôt à la retraite, ou accéder à un premier niveau de qualification et changer de métier. Ce n'est pas là le modèle social que vous proposez. (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Philippe Meunier. Vous êtes des fossoyeurs !

M. Sylvain Berrios. Qu'en dit Macron ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Les organisations patronales estiment que c'est trop compliqué, et qu'il faut alléger les charges pour les entreprises. C'est pourquoi, afin de faciliter le travail des chefs d'entreprise, nous avons supprimé la fiche individuelle, mais à une condition : que les branches professionnelles fixent des référentiels. Le ministère de la santé et le ministère du travail se tiennent totalement à la disposition des branches professionnelles pour les aider dans cette tâche.

Certaines branches l'ont fait : dans les boissons, par exemple, il y a un référentiel homologué par le ministère du travail. D'autres ne l'ont pas fait. Nous ne savons pas si c'est de la mauvaise volonté, ou si c'est à cause de la complexité du processus. Quoi qu'il en soit, nous sommes prêts à aider les entreprises, car nous savons bien que sans référentiel de branche, les choses seront beaucoup plus compliquées pour les chefs d'entreprise.

Enfin, permettez-moi de vous dire que je condamne les propos de Pierre Gattaz, qui a appelé à ne pas respecter la loi. Il n'est pas possible, dans un État de droit, d'appeler à ne pas respecter la loi…

M. le président. Merci, madame la ministre.