14ème législature

Question N° 70554
de M. Georges Ginesta (Union pour un Mouvement Populaire - Var )
Question écrite
Ministère interrogé > Intérieur
Ministère attributaire > Intérieur

Rubrique > sécurité publique

Tête d'analyse > sécurité des biens et des personnes

Analyse > délinquance et criminalité. lutte et prévention.

Question publiée au JO le : 02/12/2014 page : 10020
Réponse publiée au JO le : 10/03/2015 page : 1796

Texte de la question

M. Georges Ginesta attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur le développement de la criminalité en France. En effet le rapport annuel du Service d'information, de renseignement et d'analyse stratégique sur la criminalité organisée (Sirasco) a noté une professionnalisation croissante des circuits de blanchiment de l'argent de la criminalité. Les réseaux se comportent maintenant comme de véritables groupes industriels choisissant les activités les plus rentables et s'engouffrant dans les failles de la législation. Face à ce constat, il lui demande de bien vouloir lui indiquer les grands axes de sa politique de lutte contre la criminalité organisée.

Texte de la réponse

Le service d'information, de renseignement et d'analyse stratégique sur la criminalité organisée (SIRASCO) de la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) a établi une typologie des organisations criminelles. Il en ressort que 80 % des infractions liées à la criminalisé organisée sont imputables à des organisations criminelles créées en France et essentiellement composées de Français, les 20 % restant étant le fait d'organisations criminelles transnationales. Cette typologie distingue deux grandes catégories d'organisations criminelles. La première comprend les organisations traditionnelles dont les activités se rapportent au « grand banditisme » et qui se livrent notamment au blanchiment des avoirs criminels. Elles sont implantées sur le territoire national selon un axe nord-sud allant de Lille à Ajaccio en passant par le bassin parisien et les régions Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d'Azur (grand banditisme lillois ou roubaisien, milieu parisien historique représenté par la banlieue sud, milieux lyonnais et grenoblois, organisations corso-marseillaises, clans criminalisés de gens du voyage). Ces groupes criminels sont fortement impliqués dans des actions violentes d'importance visant des cibles particulières (vols à main armée, extorsions, exploitation des machines à sous et des cercles de jeux, trafic international de stupéfiants, blanchiment, escroqueries fondées sur des montages financiers sophistiqués...). La seconde catégorie est celle des groupes criminels issus des cités sensibles, que l'on observe sur l'ensemble du territoire national et qui sont structurés autour d'individus durablement ancrés dans la délinquance. Ces groupes se caractérisent par une mainmise territoriale (contrôle des accès des cités, utilisation des structures communes d'immeuble pour l'entrepôt de marchandises illicites, etc.), une activité majeure dans le trafic de produits stupéfiants et une criminalité d'accompagnement alimentant l'économie souterraine. Des groupes criminels étrangers (mafias russophones, italiennes, organisations criminelles balkaniques, asiatiques, turcophones, africaines, etc.) sont également actifs sur le territoire national. La lutte contre cette criminalité incombe à titre principal : - à la direction centrale de la police judiciaire, qui s'appuie aussi bien sur des structures centrales (offices et services centraux) que sur un maillage territorial constitué de onze directions interrégionales et régionales de la police judiciaire. Son organisation est régulièrement adaptée pour tenir compte des évolutions de cette criminalité. En témoignent, par exemple, la création de l'office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (octobre 2013), de la brigade nationale de lutte contre la criminalité organisée corse (octobre 2013) et plus récemment la mise en place d'une sous-direction de la lutte contre la cybercriminalité (mai 2014). Par ailleurs, dès 2013, des cellules territoriales de la plate-forme d'identification des avoirs criminels ont été déployées dans les services territoriaux de la DCPJ ; - à la sous-direction de la police judiciaire (SDPJ) de la gendarmerie nationale qui s'appuie également sur des structures centrales (offices centraux, Service Central de Renseignement Criminel, fort de 250 militaires, Institut de Recherches Criminelles de la Gendarmerie Nationale, Groupe d'Intervention de la Gendarmerie Nationale, ...) et sur le maillage territorial de ses 36 Sections de Recherches (dont 6 outre-mer). Au cours de l'année passée, la SDPJ a mis en place de véritables chaînes fonctionnelles, aux niveaux départemental, régional et national, dans les domaines stratégiques du renseignement criminel et de la captation des avoirs criminels. Sur le plan juridique, les enquêtes relevant de la criminalité et de la délinquance organisées sont diligentées sur la base des articles 706-73 et suivants du code de procédure pénale, qui confèrent aux officiers de police judiciaire des moyens d'investigation étendus (infiltration, enquête sous pseudonyme, garde à vue de 96 heures, interception de correspondances émises par la voie des télécommunications, sonorisation et fixation d'images de certains lieux ou véhicules, etc.). Sur le plan opérationnel, le recueil et le traitement des renseignements liés aux organisations criminelles sont réalisés par : - le SIRASCO. Grâce à la mise en place en 2013 d'antennes territoriales du SIRASCO, la DCPJ dispose d'informations encore plus fines lui permettant de mieux identifier et anticiper les phénomènes criminels ; - le Service Central de Renseignement Criminel (SCRC) de la gendarmerie nationale et les structures régionales et départementales de renseignement criminel. Au sein de la gendarmerie nationale, ces coopérations entre unités spécialisées et unités territoriales se réalisent dans le cadre de son système intégré. Ainsi, il arrive fréquemment que dans un souci d'efficacité, des phénomènes criminels bien identifiés et rapprochés soient pris en compte dans le cadre de structures d'enquête de circonstances dédiées (cellules ou groupes d'enquête). Au-delà, une coordination opérationnelle entre l'ensemble des forces de sécurité de l'État est indispensable. A l'échelon central, elle est notamment assurée par les offices centraux placés au sein de la police nationale ou de la gendarmerie nationale et chargés de la centralisation des informations et du renseignement en lien avec les structures territoriales des deux forces. Ces structures, dotées de personnels spécialisés dans les domaines relevant de la criminalité organisée apportent également une expertise et un soutien opérationnel aux services. Face à une criminalité fortement mobile et transnationale, la coopération internationale, pilotée par les offices centraux, facilite les liaisons avec les services répressifs ou de renseignement des pays étrangers et les organismes internationaux ou européens de coopération (Europol, Interpol...). Les services de police et unités de gendarmerie peuvent également s'appuyer sur la présence en France d'officiers de liaison étrangers. La section centrale de coopération opérationnelle de police, placée au sein de la DCPJ, administre, en relation avec le ministère de la justice et au profit de l'ensemble des forces de sécurité de l'État, les principaux outils de coopération internationale policière. Sur le plan statistique, on observe au cours des dix dernières années une diminution de 12,71 % des crimes et délits relevant de la « grande criminalité » constatés par les services de police et unités de la gendarmerie (19 051 faits constatés en 2004 contre 16 630 en 2013). Durant cette période, les vols à main armée commis à l'encontre des établissements financiers ont baissé de 82,20 % (871 faits en 2004, contre 155 en 2013), les vols de véhicules de transport de fret de 62,35 % (749 faits en 2004, contre 282 en 2013), les faits de fausse monnaie de 25,64 % (2 223 faits en 2004, contre 1 653 en 2014). Si les statistiques de cette grande criminalité sont en baisse, il faut toutefois noter qu'un certain nombre de groupes criminels organisés ont modifié leurs modes d'action. Les infractions commises peuvent ainsi sembler souvent plus s'inscrire dans une délinquance de proximité que dans la criminalité organisée. Pour autant, la mobilité extrême de ces malfaiteurs, le nombre très élevé de faits de basse intensité commis et les filières de recel et de blanchiment utilisées, relèvent bien de véritables organisations criminelles. A titre d'exemples, bon nombre de groupes criminels géorgiens, spécialisés dans les vols à main armée il y a encore peu, investissent aujourd'hui le champ des cambriolages et même des vols à l'étalage. En effet, le ratio « gains espérés/risques encourus » apparaît beaucoup plus favorable pour ce type de faits que pour des infractions beaucoup plus graves, tels que les trafics de stupéfiants ou la traite des êtres humains pour exemples. Face à cette évolution, les forces de l'ordre se sont organisées. Ainsi, le plan national de lutte contre les cambriolages et les vols à main armée de septembre 2013 comporte un volet spécifique, piloté par l'Office Central de Lutte contre la Délinquance Itinérante de la gendarmerie. De nombreuses équipes organisées ont d'ailleurs été démantelées peu après la publication de ce plan dont une, composée de Géorgiens, responsable d'au moins 2000 cambriolages perpétrés dans le grand Ouest de la France.