14ème législature

Question N° 829
de M. Christian Kert (Union pour un Mouvement Populaire - Bouches-du-Rhône )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > justice

Tête d'analyse > fonctionnement

Analyse > Aix-en-Provence. création d'un pôle judiciaire. perspectives.

Question publiée au JO le : 20/01/2015 page : 267
Réponse publiée au JO le : 28/01/2015 page : 329

Texte de la question

M. Christian Kert attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur la situation du pôle judiciaire de la Ville d'Aix-en-Provence qui assume une vocation judiciaire historique et constitue l'un des pôles juridiques les plus importants de notre pays. Depuis plusieurs années, l'état du patrimoine immobilier présente des conditions indignes pour un exercice serein de la justice. L'éparpillement des juridictions dans toute la ville, la vétusté et le délabrement des bâtiments, l'accueil précaire des familles, la sécurité insuffisante constituent le quotidien des professionnels et des justiciables. Devant cette situation d'urgence matérielle, un projet de création d'un pôle judiciaire moderne et dimensionné aux besoins des juridictions a été lancé en 2005. Depuis, il ne cesse de connaître des vicissitudes diverses qui font que, dix années plus tard, la première pierre n'a toujours pas été posée. Pourtant, une première phase de réalisation a été engagée avec la démolition des bâtiments accueillant le tribunal de grande instance et le remplacement par des solutions d'accueil provisoires. De plus, un courrier en date du 18 mars 2013 et émanant des services du ministère et à la signature de la ministre confirmait « que le démarrage des travaux de construction sur le site « Carnot » est bien prévu au second trimestre 2014 pour une livraison du nouveau palais de justice au quatrième trimestre 2016 ». Or, sans aucune concertation avec les élus et le personnel judiciaire, un arbitrage budgétaire défavorable a été rendu à la fin de l'année 2014 reportant de deux années au moins le lancement des travaux. Il s'agit ici d'une véritable atteinte à l'exercice même de la justice pour des milliers de concitoyens sachant que le volume d'affaires traitées est l'un des plus importants de France. Il est à craindre que le ministère de la justice n'ait pas pris la mesure de la situation critique que connaît la communauté judiciaire de la ville alors que d'autres tribunaux de grande instance de moindre importance comme Tulle ou Digne et ne rencontrant pas de telles difficultés matérielles ont vu confirmer leurs dotations. C'est pourquoi, il paraît nécessaire de reconsidérer cet arbitrage et de donner une véritable visibilité budgétaire sur le financement des travaux. Il est à noter que la ville d'Aix-en-Provence se propose d'amorcer les travaux avec le vote d'une délibération par laquelle la ville se substitue au ministère de la justice pour le financement à charge pour l'État d'un remboursement échelonné.

Texte de la réponse

AVENIR DU PÔLE JUDICIAIRE D'AIX-EN-PROVENCE


M. le président. La parole est à M. Christian Kert, pour exposer sa question n° 829 sur l'avenir du pôle judiciaire d'Aix-en-Provence.

M. Christian Kert. Mon collègue Jean-David Ciot a bien présenté les enjeux de ces travaux. Permettez-moi d'insister, monsieur le ministre, sur l'éparpillement des structures judiciaires dans la ville d'Aix-en-Provence,…

M. François Rebsamen, ministre. Tout à fait !

M. Christian Kert. …suite à la démolition partielle de l'ancien TGI. De ce fait, la justice est rendue dans de très, très mauvaises conditions. Il faut que les services de Mme la garde des sceaux en prennent conscience. Il me semble que la Chancellerie ne se rend pas compte que le volume des affaires traitées par la cour d'appel d'Aix-en-Provence est l'un des plus importants de France et que Mme la garde des sceaux n'a pas pris la mesure de la situation critique que connaît la communauté judiciaire de la ville.

Par ailleurs, je voudrais insister sur un point que Jean-David Ciot n'a pas soulevé : alors même qu'il revenait sur le financement des travaux à Aix-en-Provence, le ministère de la justice participait au financement d'autres TGI de moindre importance quantitative – je ne parle bien sûr pas de la qualité de la justice qui y est rendue – comme à Digne, dans les Alpes-de-Haute-Provence, ou encore, exemple des plus symboliques, à Tulle, où personne semble-t-il ne demandait la réouverture d'un TGI mais où, ô miracle, on a trouvé le financement nécessaire à cette opération.

M. François Rebsamen, ministre. C'est normal qu'il y ait des miracles à Tulle ! (Sourires.)

M. Christian Kert. C'est pourquoi Jean-David Ciot et moi, députés d'Aix-en-Provence, demandons que l'arbitrage qui nous a été imposé en cours d'exercice budgétaire soit revu. Mon collègue rappelait que la ville, très sensible à la situation judiciaire du TGI, avait accepté de faire un effort financier pour la réalisation du projet. Il nous paraîtrait inconvenant que le ministère de la justice ne suive pas l'exemple de la ville d'Aix-en-Provence.

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur Kert, je vous remercie de votre question et je vous prie d'excuser l'absence de Mme la garde des sceaux, qui participe actuellement, aux côtés du Président de la République, à une cérémonie en mémoire des déportés au camp d'Auschwitz, dont nous commémorons aujourd'hui le soixante-dixième anniversaire de la libération. La garde des sceaux m'a demandé de vous faire savoir qu'elle ne sous-estime bien évidemment pas la difficulté rencontrée par la communauté judiciaire d'Aix-en-Provence.

Compte tenu des difficultés fonctionnelles des juridictions d'Aix-en-Provence, il avait été décidé en 2005 de construire un nouveau palais de justice. Le site Carnot a été retenu et cette opération a été confiée à l'Agence publique pour l'immobilier de la justice, l'APIJ. Afin de lancer effectivement ce projet, la garde des sceaux l'a fait inscrire dans la programmation budgétaire.

Pour que ce projet aboutisse, la démolition des bâtiments existants et la reconstruction d'un nouvel immeuble sont nécessaires. La réalisation de cette opération immobilière s'élève à 48,7 millions d'euros et nécessite, il est vrai, des « opérations tiroirs » assez classiques, en plusieurs phases, avec le relogement provisoire de certains services. Le tribunal pour enfants et les services civils ont déjà déménagé dans des bâtiments modulaires installés sur le site Pratési en octobre 2009. Quant aux services du parquet, ils ont été relogés en 2013, également dans des bâtiments modulaires, ce qui a permis la démolition des bâtiments de l'ancien tribunal de grande instance.

L'effort d'économie budgétaire engagé par le Gouvernement, auquel le ministère de la justice contribue malgré les opérations que vous avez rappelées, monsieur Kert, et qui n'ont pas la même ampleur que celle d'Aix-en-Provence, a contraint la garde des sceaux à reporter ce projet au prochain budget triennal, afin de lui assurer un financement sécurisé à la hauteur des crédits nécessaires. Le projet lui-même, qui est d'ailleurs, me dit-elle, de grande qualité, n'est nullement remis en cause. Je rappelle que les budgets triennaux sont négociés lors des années paires : dès 2016, vous aurez donc une visibilité sur ce projet qui est, pour la garde des sceaux, une priorité.

En revanche, afin d'améliorer les conditions de travail des personnels et d'accueil des justiciables et de financer un programme d'entretien, la garde des sceaux a décidé de financer dès cette année des mesures conservatoires à hauteur de 400 000 euros.

Enfin, s'agissant de la proposition de financement de la commune d'Aix-en-Provence, la garde des sceaux me demande de vous confirmer que les services de la Chancellerie en examinent attentivement la faisabilité juridique et financière, car une telle opération n'est pas fréquente. En effet, la proposition de la municipalité ne consiste pas en une contribution classique au financement du projet, ce qui en réduirait le coût pour l'État, mais en une avance de fonds remboursable par l'État, avec des intérêts qui renchérissent le coût global du projet. Je ne dis pas que cette proposition n'est pas intéressante, mais je rappelle que, budgétairement, un tel endettement est consolidé dans la dette globale des administrations publiques, dont les collectivités territoriales font partie.

En conclusion, la garde des sceaux tient à vous rassurer quant à l'avenir de ce projet, élaboré en concertation avec les élus locaux. Il faudra trouver les modalités de financement les plus sécurisées pour le réaliser, tout en préservant la volonté de redressement des finances publiques du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Christian Kert.

M. Christian Kert. Je rejoins les propos de mon collègue. Monsieur le ministre, nous sommes satisfaits d'entendre que Mme la garde des sceaux a bien pris en compte la proposition de la ville. Bien entendu, il convient de vérifier la faisabilité du montage, mais cette opportunité doit être saisie. Tous les professionnels d'Aix-en-Provence appellent notre attention sur les très mauvaises conditions dans lesquelles la justice est actuellement rendue. Il faut que nous joignions tous nos efforts pour trouver une solution la plus rapide possible.<