Question de : M. Guy Teissier (Provence-Alpes-Côte d'Azur - Les Républicains)

M. Guy Teissier appelle l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur la proposition de loi tendant à modifier l'article 689-11 du code de procédure pénale relatif à la compétence territoriale du juge français concernant les infractions visées par le statut de la Cour pénale internationale qui a été adoptée en première lecture au sénat le 26 février 2013. La France en adaptant en droit interne le Statut de Rome fondant la Cour pénale internationale (CPI), en 2010, a introduit quatre conditions restrictives et cumulatives à l'exercice de la compétence extraterritoriale du juge français. Ces conditions seraient telles qu'elles rendraient impossible la poursuite en France de présumés responsables des crimes au sens de la CPI. En effet le mécanisme de compétence extraterritoriale reste subordonné à quatre conditions qui en limitent la portée : l'exigence de résidence habituelle sur le territoire français, la double incrimination, le monopole des poursuites par le parquet, l'inversion du principe de complémentarité entre les juridictions nationales et la Cour pénale internationale. La proposition de loi votée au Sénat permettait de lever ces différentes restrictions. Or le Sénat a réintroduit l'une des principales restrictions qu'elle visait à lever, à savoir le monopole des poursuites du Parquet. Alors que notre pays doit demeurer un modèle pour la défense des droits de l'Homme, il lui demande sa position en la matière et souhaiterait savoir quand cette proposition de loi sera à l'ordre du jour à l'Assemblée nationale.

Réponse publiée le 5 avril 2016

La proposition de loi adoptée le 26 février 2013 par le Sénat a été soumise par le sénateur Jean-Pierre Sueur. Son rapport indique que le monopole des poursuites confiées au ministère public a pour effet de supprimer la possibilité pour toute partie civile, personne physique ou morale, de mettre en mouvement l'action publique pour des crimes contre l'humanité, crimes de guerre ou génocides. Il se réfère à la loi du 5 mars 2007 relative à l'équilibre de la procédure pénale qui a maintenu le principe de la mise en mouvement de l'action publique par la partie civile devant un juge d'instruction, à l'issue d'un délai de trois mois destiné à recueillir l'avis du parquet sur l'opportunité d'engager des poursuites ; il conclut que l'accès au juge pénal apparaît paradoxalement plus restreint pour les crimes contre l'humanité que pour les infractions de droit commun. Cette présentation doit être relativisée. En effet, la France connait de nombreux mécanismes de compétence extraterritoriale : la compétence dite « active », liée à la nationalité de l'auteur (article 113-6 du code pénal), la compétence dite « passive » liée à la nationalité de la victime (article 113-7 du code pénal), la compétence liée à un refus d'extradition résultant de l'article 113-8-1 du code pénal ou encore la compétence liée à une dénonciation officielle mais aussi la compétence quasi-universelle résultant de conventions internationales (ex : Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, adoptée à New York le 10 décembre 1984 ; Convention internationale pour la répression des attentats terroristes, ouverte à la signature à New York le 12 janvier 1998 ; Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, adoptée à New York, le 20 décembre 2006…). Ainsi, les restrictions légales apportées à la mise en mouvement de l'action publique trouvent leur cohérence dans le champ déjà très restreint de la mise en œuvre des dispositions de l'article 689-11. En effet, celles-ci ne sont susceptibles d'être actionnées que pour des faits commis à l'étranger par un auteur étranger, au préjudice de victimes dont aucune n'est française, en l'absence de demande d'extradition, en l'absence de dénonciation officielle, en l'absence de poursuite par la Cour pénale internationale et en l'absence d'applicabilité d'autres cas de compétence quasi universelle tels que des poursuites pour torture ou d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Dans ces conditions, en vue notamment d'assurer une cohérence de la politique pénale et de l'action des autorités judiciaires, confier le monopole des poursuites au seul ministère public apparaît nécessaire et équilibré étant précisé que, s'agissant de la mise en mouvement de l'action publique dans une procédure individuelle, le procureur de la République n'agit pas sous les ordres du ministre de la justice.

Données clés

Auteur : M. Guy Teissier (Provence-Alpes-Côte d'Azur - Les Républicains)

Type de question : Question écrite

Rubrique : Justice

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Dates :
Question publiée le 1er septembre 2015
Réponse publiée le 5 avril 2016

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