14ème législature

Question N° 92421
de M. Hervé Féron (Socialiste, républicain et citoyen - Meurthe-et-Moselle )
Question écrite
Ministère interrogé > Affaires étrangères
Ministère attributaire > Affaires étrangères

Rubrique > audiovisuel et communication

Tête d'analyse > journalistes

Analyse > protection. perspectives.

Question publiée au JO le : 19/01/2016 page : 405
Réponse publiée au JO le : 19/04/2016 page : 3284
Date de changement d'attribution: 12/02/2016

Texte de la question

M. Hervé Féron attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères et du développement international au sujet de l'engagement de la France en faveur de la liberté de la presse et de la protection des journalistes dans le monde. Le 29 décembre 2015, un communiqué faisant suite au rapport 2015 de Reporters sans frontières (RSF) sur les journalistes tués dans le monde appelait à « la pleine mise en œuvre de la résolution 2222 adoptée le 27 mai 2015 par le Conseil de sécurité sur la protection des journalistes dans les conflits armés ». À la lecture de ce rapport, on réalise que même dans les zones exemptes de conflit, la nécessité de lutter contre la corruption et les intimidations étatiques ou non-étatiques exercées sur les médias de communication se fait urgente. En effet, les multiples avancées juridiques promues par l'Organisation des Nations Unies (ONU) ne se sont pas traduites dans les faits puisque le nombre de journalistes tués ne cesse d'augmenter chaque année. La France en a fait les frais le 7 janvier 2015, mais ce sont au total 110 journalistes qui ont été tués dans le monde cette année selon RSF. Un an plus tard, l'annonce de l'exécution de la journaliste kurde syrienne Ruqia Hassan par l'entité terroriste Daech met à jour une réalité tangible : le métier de journaliste en zone de conflits est plus que jamais à très hauts risques, notamment pour les journalistes locaux qui représentent 90 % des victimes selon le Comité pour la sécurité des journalistes. Mais on ne peut laisser les zones contrôlées par des acteurs non-étatiques ou terroristes sans contrepoids sur le terrain, au risque qu'elles deviennent de véritables zones noires où seule la propagande ciblée règnerait, devenant une véritable arme de guerre. Par ailleurs, la situation des femmes journalistes est sujette à des préoccupations différentes de celle des hommes, notamment au vu des violences qui leur sont faites, croissantes à l'échelle internationale. En outre, l'élargissement des nouveaux moyens de communication a ouvert la voie à des net-citoyens ou citoyens-journalistes qui sont également engagés dans une démarche d'information, ce qui rend ces derniers aussi sujets à diverses pressions. C'est le cas du citoyen Raif Badawi, emprisonné depuis 2012 en Arabie saoudite, après avoir été condamné pour « insulte à l'islam » et « atteinte à la réputation du Royaume » pour les propos tenus sur son blog. Alors même que le droit international s'est particulièrement développé sur les questions du droit à l'information, de la protection des civils, du respect des droits de l'Homme et de l'importance de ne pas céder aux pressions de ceux qui prônent la violence et l'intolérance depuis la Convention de Genève de 1949, aucune condamnation n'est prononcée dans 90 % des affaires ayant trait à des assassinats de journalistes, selon un document distribué par la présidence lituanienne du Conseil de l'ONU le 1er mai 2015 en amont des débats autour de la protection des journalistes. Ce n'est ainsi pas le manque de lois qui pose problème, mais bien l'échec de leur mise en œuvre et dans l'investigation, la poursuite et la condamnation des crimes commis contre les journalistes de la part des États membres. Cette impunité est une grande menace au droit à l'information et à la liberté de la presse. La résolution 2222 (2015) de l'ONU, adoptée dans la lignée de la résolution 1738 (2006), semble dès lors ne pas constituer une grande avancée en termes d'action. 2016 sera peut-être l'occasion, pour les dix ans de la résolution 1738, d'évaluer l'efficacité du Plan d'action promu en 2012 par l'UNESCO. Dans ce cadre, il souhaiterait savoir quel système de protection, à l'échelle de l'État, est envisagé pour la protection des journalistes en zone de conflit armé ou non, plus particulièrement en ce qui concerne les femmes, pour faciliter l'exercice de leur métier. Par ailleurs, il souhaiterait également connaître les moyens concrets qui vont être mis en place dans un but de protection des acteurs de l'information non professionnels, net-citoyens et autres citoyens-journalistes.

Texte de la réponse

La France défend le respect du principe de la liberté d'expression et son corollaire, la liberté de la presse dans ses relations bilatérales et dans les enceintes internationales. Cet enjeu fait l'objet d'un dialogue étroit avec la société civile, dont l'association Reporters sans frontière (RSF). Au plan international, à l'initiative de plusieurs Etats, dont la France, le Conseil de sécurité a adopté plusieurs résolutions sur la protection des civils et des journalistes dans les conflits armés. La résolution 2222 adoptée par le Conseil de sécurité le 27 mai 2015 constitue une avancée importante, avec une attention particulière à la lutte contre l'impunité pour les auteurs de crimes contre les journalistes ainsi qu'à la menace posée par les groupes terroristes. Par ailleurs, l'Assemblée générale des Nations unies a adopté le 23 novembre 2015 une résolution relative à la protection des journalistes et la lutte contre l'impunité, présentée notamment par la France et soutenue par 82 Etats. Le texte renforce la protection des journalistes, y compris dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et lors des manifestations. Il étend également le champ de cette protection aux autres professionnels des médias. Il introduit de nouveaux éléments opérationnels, appelant les Etats à prévenir les violences et les menaces contre les journalistes et à lutter contre l'impunité, à travers la conduite d'enquêtes impartiales, rapides, approfondies, indépendantes et effectives. Enfin en 2013, lors de la 68ème session de l'Assemblée générale des Nations unies, la France a obtenu que la date du 2 novembre soit celle choisie pour célébrer la journée internationale pour la lutte contre l'impunité des crimes commis contre les journalistes, en hommage aux deux journalistes de RFI assassinés en 2013. A titre bilatéral, la France s'exprime régulièrement, y compris publiquement, pour rappeler son attachement au respect des libertés et droits fondamentaux. La France est ainsi très préoccupée par la situation du blogueur Raef Badawi. Elle l'a souligné à plusieurs reprises, et a exhorté les autorités saoudiennes à un geste de clémence. A titre national, la France contribue au financement de la Maison des Journalistes à Paris qui accueille et accompagne depuis 2002 des journalistes menacés dans leur pays d'origine. La France continue de rappeler son attachement au caractère absolu de la liberté d'expression et de la presse. Elle continuera de mobiliser la communauté internationale ainsi que les principaux acteurs concernés pour maintenir ce sujet parmi les priorités des enceintes internationales.