14ème législature

Question N° 92544
de M. William Dumas (Socialiste, républicain et citoyen - Gard )
Question écrite
Ministère interrogé > Intérieur
Ministère attributaire > Intérieur

Rubrique > sécurité routière

Tête d'analyse > permis de conduire

Analyse > auto-écoles. concurrence. perspectives.

Question publiée au JO le : 19/01/2016 page : 450
Réponse publiée au JO le : 07/06/2016 page : 5097

Texte de la question

M. William Dumas attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur le développement de plateformes dématérialisées qui proposent aux aspirants conducteurs de les mettre en contact avec des soi-disant enseignants « bénévoles », censés les aider à obtenir en quelques clics et à bas coût le permis de conduire. Très récemment, avec la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, une réforme ambitieuse du permis de conduire a été votée, accélérant la démarche qualité initiée dans les écoles de conduite. Elle vise principalement à réduire les coûts et les délais de l'examen au permis de conduire, tout en ne contrevenant pas aux impératifs de sécurité routière. Dans ce cadre, il a été rappelé que l'éducation routière devait être dispensée par des équipes pédagogiques formées, dans le cadre d'écoles de conduite agréées, qui disposent des moyens adéquats pour assurer l'accueil et le suivi des élèves. Or force est de constater que se développent des plateformes, start-ups, qui proposent de mettre en relation les aspirants conducteurs avec des « bénévoles », professeurs de conduite indépendants. Les élèves sont alors invités à louer les voitures double-commande de ces enseignants, plus vraiment « bénévoles », censés les préparer à passer le permis en candidat libre. Contrairement aux écoles de conduite traditionnelles, qui doivent faire face à des obligations de tous ordres et proposent des formations conformes aux exigences réglementaires en matière de sécurité routière, ces plateformes n'offrent aucune garantie, ni aucune homogénéité quant au contenu de la formation. Alors même que la route constitue la première cause de mortalité chez les jeunes de 18-24 ans, on peut en effet douter que l'apprentissage du permis se limite au simple déplacement d'un véhicule. Même s'il faut reconnaître que le système d'apprentissage de la conduite peut être amélioré à certains égards, - la loi « croissance et activité » avait d'ailleurs pour objet de réduire les délais et les coûts relatifs à l'examen du permis de conduire -, le modèle proposé par cette start-up semble donc loin d'être optimal. Pour toutes les raisons énoncées ci-dessus et face à l'inquiétude légitime des professionnels des écoles de conduite qui considèrent cette concurrence des plateformes dématérialisées comme déloyale, il souhaiterait savoir quelles mesures vont être mises en place, non seulement pour garantir aux aspirants conducteurs une formation de qualité, mais aussi pour harmoniser la réglementation afin qu'elle soit la même pour tous les acteurs de l'éducation routière. Aussi, il lui demande de lui indiquer ses intentions en la matière.

Texte de la réponse

L'enseignement, à titre onéreux, de la conduite et de la sécurité routière, constitue une activité réglementée dans les conditions définies par le code de la route : il ne peut être organisé que dans le cadre d'un établissement agréé, sous la responsabilité d'un exploitant responsable de la conformité du fonctionnement de l'établissement aux exigences réglementaires et de celle de l'enseignement au programme fixé par l'autorité administrative. Au sein de cet établissement, l'enseignement est dispensé par un enseignant de la conduite et de la sécurité routière titulaire d'une autorisation d'enseigner. Le non-respect de ces dispositions est passible de sanctions administratives mais également pénales, au titre des infractions définies respectivement par les articles L. 212-4 et L. 213-6 du code de la route. La loi no 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques contient plusieurs mesures visant à moderniser les relations entre les élèves et les écoles de conduite, notamment la possibilité pour ces dernières de conclure des contrats sous une forme dématérialisée, sous réserve de la réalisation préalable d'une évaluation de l'élève par un enseignant dans le local ou dans un véhicule de l'établissement. En revanche, cette loi n'a pas modifié l'obligation précitée d'organisation de l'enseignement dans le cadre d'un établissement agréé. C'est au regard de ces dispositions que la légalité de l'activité des plates-formes dématérialisées apparues récemment dans le secteur de l'enseignement de la conduite doit être appréciée. A cet égard, de nombreuses interrogations ont été suscitées par le fonctionnement de certaines de ces plates-formes proposant à des candidats libres au permis de conduire une mise en relation avec des enseignants de la conduite censément bénévoles, mais louant un véhicule d'apprentissage à l'élève, la plate-forme se rémunérant par une commission perçue sur le prix de la location du véhicule. Or l'enseignement doit être considéré comme dispensé à titre onéreux dès lors qu'il fait l'objet d'une rémunération de la part de l'élève, quel que soit le système de tarification et quelle que soit la qualification donnée au versement. Ainsi, un tel schéma constitue un contournement de l'obligation de dispenser l'enseignement de la conduite à titre onéreux dans le cadre d'un établissement agréé. Deux décisions de justice l'ont confirmé, l'une rendue à l'encontre d'une plate-forme, la seconde concernant un enseignant. La principale société concernée a depuis cessé cette activité. Plus généralement, l'enseignement de la conduite, comme beaucoup d'autres secteurs, doit aujourd'hui faire face aux transformations de l'économie et à l'arrivée de nouveaux acteurs qui s'appuient notamment sur les nouvelles technologies, la mise en relation de l'offre et de la demande par des plate-formes dématérialisées et surtout le recours à des travailleurs non salariés. Certains de ces nouveaux acteurs ont obtenu l'agrément permettant légalement de commercialiser des prestations d'enseignement de la conduite, d'autres non. Attentif à ces évolutions et soucieux d'assurer le respect du droit et le maintien d'un encadrement effectif de l'apprentissage de la conduite, le ministre de l'intérieur a adressé une instruction le 25 mars dernier aux préfets de département, afin que soient diligentées des opérations de contrôle, en s'appuyant sur le fonctionnement du comité opérationnel anti-fraude (CODAF), présidé conjointement par le préfet et le procureur de la République. Ces opérations de contrôle cibleront d'une part les offres d'enseignement de la conduite à titre onéreux en dehors du cadre d'un établissement agréé et d'autre part le respect par les écoles de conduite titulaires d'un agrément de l'ensemble des obligations qui leur incombent, non seulement au titre de l'agrément délivré en application de l'article L. 213-1 du code de la route, mais également au regard du droit du travail s'agissant des relations avec les enseignants attachés à l'établissement.