14ème législature

Question N° 93893
de M. Alain Bocquet (Gauche démocrate et républicaine - Nord )
Question écrite
Ministère interrogé > Affaires étrangères
Ministère attributaire > Affaires étrangères

Rubrique > relations internationales

Tête d'analyse > sécurité

Analyse > armement nucléaire. réduction. attitude de la France.

Question publiée au JO le : 08/03/2016 page : 1829
Réponse publiée au JO le : 05/04/2016 page : 2682

Texte de la question

M. Alain Bocquet attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères et du développement international sur la résolution « A/RES/70/33 » des Nations Unies, destinée à faire avancer les négociations multilatérales sur le désarmement nucléaire. Elle a été votée par 138 États à l'Assemblée générale de l'ONU en décembre 2015. Elle met en place sur l'année 2016 un groupe de travail à composition non limitée pour relancer le désarmement nucléaire. Ce groupe de travail va se réunir lors de trois sessions en 2016 pour travailler principalement pour étudier sur le fond les mesures juridiques concrètes et efficaces et les dispositions et normes juridiques nécessaires à l'instauration d'un monde exempt à jamais d'armes nucléaires. Il travaillera également sur des mesures visant à éliminer tout risque d'utilisation de ces armes par accident, par erreur, sans autorisation ou à dessein. La France, qui a voté négativement à cette résolution a affiché son refus de participer à ce groupe de travail. Il lui demande de vouloir bien lui faire connaître les raisons d'une telle position et quel risque il pourrait y avoir à y participer, autre que celui de potentiellement faire avancer les négociations.

Texte de la réponse

La France est pleinement mobilisée en faveur du désarmement nucléaire. Elle a un bilan exemplaire en la matière : elle est le premier Etat doté d'armes nucléaires, avec le Royaume-Uni, à avoir ratifié le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires (TICE) ; elle a diminué de moitié son arsenal nucléaire total depuis la fin de la Guerre froide ; elle a démantelé la composante terrestre de sa dissuasion ; elle a réduit d'un tiers sa composante aéroportée ; elle a démantelé de manière irréversible ses installations de production de matières fissiles pour les armes nucléaires et ses sites d'essais nucléaires. La France sait qu'il ne suffit pas de proclamer le désarmement nucléaire immédiat et total : le désarmement ne peut progresser qu'en prenant en compte le contexte stratégique et les impératifs de sécurité qui en découlent. L'approche française est donc une approche réaliste, qui s'inscrit dans le cadre d'un processus graduel. La France défend, dans ce contexte, deux priorités complémentaires : l'entrée en vigueur au plus tôt du TICE, qui limite le développement qualitatif des arsenaux nucléaires ; le lancement de la négociation sur un Traité interdisant la production de matières fissiles pour des armes nucléaires ou d'autres dispositifs explosifs nucléaires (FMCT), qui permettra de limiter le développement quantitatif des arsenaux nucléaires. A l'opposé de cette approche pragmatique et responsable se trouvent les tenants d'une approche idéologique du désarmement nucléaire, qui s'attachent aux mots plutôt qu'aux actes. L'objectif qu'ils défendent est celui d'une interdiction totale des armes nucléaires, qu'ils sont prêts à voir se réaliser même sans le soutien des Etats qui possèdent l'arme nucléaire, pourtant principaux acteurs du processus et en dépit des crises de prolifération nucléaire (RPDC aujourd'hui, Libye, Syrie, Irak et Iran auparavant). La résolution A/RES/70/33 votée à l'Assemblée générale des Nations unies inscrivait le groupe de travail sur le désarmement nucléaire dans cette approche radicale du désarmement, déconnectée du contexte stratégique. Elle plaçait par ailleurs les travaux du groupe dans un cadre non consensuel, hors de la Conférence du désarmement, seule enceinte multilatérale dans ce domaine. La France considère que, dans ces conditions, le groupe de travail ne pourra pas déboucher sur des discussions constructives menant à des progrès concrets. La France a donc voté contre cette résolution, comme les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la Russie et la Chine, et n'a pas souhaité, dans la continuité logique de cette prise de position, participer à ce groupe de travail. Elle reste engagée dans la poursuite de ses efforts pour faire progresser le désarmement nucléaire.