14ème législature

Question N° 94188
de M. Jean-Pierre Giran (Les Républicains - Var )
Question écrite
Ministère interrogé > Affaires sociales et santé
Ministère attributaire > Affaires sociales et santé

Rubrique > bioéthique

Tête d'analyse > recherche

Analyse > génome. encadrement.

Question publiée au JO le : 22/03/2016 page : 2240
Réponse publiée au JO le : 14/06/2016 page : 5321

Texte de la question

M. Jean-Pierre Giran attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur l'avenir des tests génétiques en France. En effet, les progrès de la génétique sont source de promesses extraordinaires pour la médecine et l'oncologie commence déjà à utiliser les possibilités offertes par la connaissance du génome. Cependant, les médecins n'ont plus l'apanage de la génétique et plusieurs entreprises privées commencent à s'intéresser aux profits qui pourraient être tirés de cette nouvelle source de données. Cette appropriation de la génétique par des acteurs industriels peut susciter de nombreuses questions. C'est pourquoi il lui demande de bien vouloir lui indiquer l'analyse qu'elle fait de la situation en France et les réponses réglementaires qu'elle entend prendre afin d'éviter tout abus ou dérapages qui pourraient survenir du fait de l'utilisation de ces données génétiques.

Texte de la réponse

Ces dernières années, la recherche en génétique a accompli des progrès considérables, qui ont ouvert de nouvelles opportunités mais également donné naissance à de nouveaux questionnements éthiques. Une nouvelle technique d'ingénierie du génome appelée « CRISPR-Cas9 » offre la possibilité d'insérer, de retirer et corriger l'ADN avec une relative simplicité, une efficacité jusqu'ici sans égal et un coût moindre. Cet outil, encore expérimental, devrait permettre d'améliorer les connaissances en génétique de façon remarquable. Si les procédures s'améliorent et que leur innocuité pour les patients est démontrée, la thérapie génique somatique (qui concerne les cellules somatiques, c'est-à-dire toutes les cellules à l'exception des cellules germinales) pourrait prendre son essor avec, à la clef, l'espoir légitime de traiter certaines maladies monogéniques ainsi que certaines formes de cancer. Cependant, la possible application de ces nouvelles technologies à la modification de la lignée germinale, à des fins thérapeutiques ou à des fins d'amélioration des particularités d'un individu, soulève de sérieuses questions éthiques. En effet, modifier le génome d'embryons humains, c'est aussi modifier celui de ses futurs gamètes et donc de toute sa descendance potentielle à la différence des thérapies géniques classiques qui ne concernent qu'une partie seulement des cellules défaillantes d'un individu. Le Gouvernement est particulièrement attentif à ces risques. Le comité international de bioéthique, rattaché à l'UNESCO, a appelé à un moratoire sur cette technologie appliquée aux cellules germinales et à un débat public plus large sur les modifications génétiques de l'ADN humain. En effet, certains pays n'imposent pas d'interdictions légales à de telles expériences sur la lignée germinale. Tel n'est pas le cas de la France. La France, par les lois de bioéthique successives dont elle s'est dotée et la ratification de la convention d'Oviedo en 2011, a interdit toute modification du patrimoine héréditaire de l'espèce humaine (Articles 16-4 du code civil, L. 2151-2 du code de la santé publique et 13 de la convention d'Oviedo). En particulier, l'article 13 de la convention d'Oviedo dispose que : « Une intervention ayant pour objet de modifier le génome humain ne peut être entreprise que pour des raisons préventives, diagnostiques ou thérapeutiques et seulement si elle n'a pas pour but d'introduire une modification dans le génome de la descendance. ». Enfin, indépendamment du corpus juridique bioéthique en vigueur en France qui interdit ces pratiques, le Président du comité consultatif national d'éthique (CCNE) va être saisi pour qu'une réflexion éthique en contexte français soit formalisée sur cette question, sans préjudice de la réflexion en cours dans certaines instances européennes voire internationales.