15ème législature

Question N° 1121
de M. Philippe Latombe (Mouvement Démocrate (MoDem) et Démocrates apparentés - Vendée )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Éducation nationale, jeunesse et sports
Ministère attributaire > Éducation nationale, jeunesse et sports

Rubrique > enseignement

Titre > Dépendance du ministère de l'éducation vis-à-vis des GAFAM

Question publiée au JO le : 17/11/2020
Réponse publiée au JO le : 25/11/2020

Texte de la question

M. Philippe Latombe attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports sur la dépendance de l'éducation nationale aux GAFAM. Dans un appel d'offres publié au mois d'août 2020, le ministère de l'éducation nationale débloque des budgets pour le renouvellement de licences pour des produits Microsoft et services associés. Le montant total de cet accord est estimé à 8,3 millions d'euros pour une période initiale de 12 mois, renouvelable par accord tacite jusqu'à 48 mois maximum. Il s'agit cette fois d'équiper les agents des services centraux et déconcentrés des ministères, ce qui, selon les évaluations du marché public, représente 800 000 postes de travail et 80 000 serveurs. Force est de constater que l'éducation nationale s'enfonce ainsi un peu plus dans sa dépendance aux GAFAM. Il s'agit en effet d'un engrenage enclenché depuis longtemps, et le débat n'est pas nouveau puisque l'usage de Classroom, iCloud, Facebook ou Office 365 ont libre cours dans les salles de classe. Si la loi ESR de 2013 prévoit d'utiliser les logiciels libres en priorité, dans les faits, il n'en est rien. Ces politiques de logiciel et matériel sont déjà anciennes ; en revanche, ce qui est nouveau, c'est le recours aux clouds des GAFAM à qui l'on confie les données personnelles et scolaires des élèves et des enseignants. L'on sait que ces données sont particulièrement sensibles et nombreuses, et en disent beaucoup sur chaque élève et sur son histoire personnelle. Connaissant les pratiques commerciales des GAFAM, leur modèle économique reposant sur l'exploitation opaque des données, leurs liens étroits avec la NSA (Agence nationale de la sécurité des États-Unis), il semble donc particulièrement naïf et dangereux de les leur livrer ainsi. Ces débats sur la dépendance de l'éducation nationale à Microsoft n'ont rien de nouveau mais celui-ci vient faire écho aux critiques similaires énoncées récemment à l'égard du projet Health Data Hub, ou au contrat Open bar négocié, il y a quelques années, entre le ministère de la défense et la filiale irlandaise de Microsoft. À ces critiques, il est souvent répondu que ce serait trop cher ou trop compliqué. En Bulgarie, tous les logiciels d'État sont en open source et la France, sixième puissance mondiale ne saurait y parvenir, ne saurait disposer d'un cloud sécurisé ? En tant que rapporteur d'une mission parlementaire sur la souveraineté numérique, il s'inquiète particulièrement de cette situation et souhaite savoir comment il envisage d'y remédier.

Texte de la réponse

DÉPENDANCE DE L'ÉDUCATION NATIONALE À L'ÉGARD DES GAFAM


Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Latombe, pour exposer sa question, n°  1121, relative à la dépendance de l'éducation nationale à l'égard des GAFAM – Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft.

M. Philippe Latombe. Par votre intermédiaire, madame la ministre déléguée chargée des sports, je souhaite appeler l'attention du Gouvernement, en particulier de M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports sur la dépendance de l'éducation nationale à l'égard des GAFAM.

Dans le cadre d'un appel d'offres publié au mois d'août dernier, le ministère de l'éducation nationale va débloquer des budgets pour le renouvellement de licences pour des produits Microsoft et des services associés. Le montant total de cet accord est estimé à 8,3 millions d'euros pour une période initiale de douze mois, renouvelable tacitement jusqu'à quarante-huit mois maximum. Il s'agit d'équiper les agents des services centraux et déconcentrés des ministères, ce qui représente, d'après les évaluations du marché public, environ 800 000 postes de travail et 80 000 serveurs.

Force est de constater que l'éducation nationale s'enfonce ainsi un peu plus dans sa dépendance à l'égard des GAFAM. L'engrenage est enclenché depuis longtemps, et le débat n'est pas nouveau, puisque Classroom, iCloud, Facebook et Office 365 ont libre cours dans les salles de classe. La loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche prévoit que l'on utilise en priorité des logiciels libres mais, dans les faits, il n'en est rien.

Ces politiques d'acquisition de matériel et de logiciels sont déjà anciennes. Ce qui est nouveau, en revanche, c'est le recours aux clouds – nuages de données – des GAFAM. On leur confie les données personnelles et scolaires des élèves et des enseignants, qui sont, on le sait, particulièrement sensibles et nombreuses, et en disent beaucoup sur chaque élève et sur son histoire personnelle. Connaissant les pratiques commerciales des GAFAM, leur modèle économique – qui repose sur l'exploitation opaque des données – et leurs liens étroits avec la NSA, l'Agence nationale de la sécurité des États-Unis, il semble particulièrement naïf et dangereux de les leur livrer ainsi.

Le débat sur la dépendance de l'éducation nationale à l'égard de Microsoft n'a, je l'ai dit, rien de nouveau, mais des critiques similaires lui ont récemment fait écho au sujet du projet Health data hub ou du contrat Open bar, négocié il y a quelques années entre le ministère de la défense et la filiale irlandaise de Microsoft.

À ces critiques, il est souvent répondu qu'il serait trop cher ou trop compliqué de faire autrement. Pourtant, en Bulgarie, tous les logiciels d'État sont des logiciels libres – en open source. La France, sixième puissance mondiale, ne saurait-elle parvenir au même résultat ? Ne saurait-elle en outre disposer d'un cloud sécurisé ? En tant que rapporteur de la mission d'information sur la souveraineté numérique nationale et européenne, je m'inquiète particulièrement de cette situation et souhaite savoir comment le Gouvernement envisage d'y remédier.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des sports.

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée chargée des sports. Pour ses systèmes d’information, le ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports s’appuie sur une diversité de solutions informatiques, notamment sur des logiciels libres – qui représentent 98 % de la base du parc des serveurs installés – et des produits d’un grand nombre d’éditeurs ou distributeurs.

S’agissant des logiciels libres, le ministère s’appuie sur un marché propre pour bénéficier des solutions Red Hat Linux et sur un marché interministériel pour bénéficier d’un support assistance sur certains logiciels libres. Il dispose par ailleurs d’un pôle de compétences logiciels libre et ne se contente pas de consommer du logiciel libre, puisqu’il en produit lui-même, avec des agents ou des prestataires.

La passation du marché que vous avez mentionné a essentiellement pour objectif de couvrir les besoins de maintenance, principalement pour les postes de travail Windows et Office et les serveurs associés à la gestion des postes de travail. Il concerne le ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports et celui de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, plus précisément leurs administrations centrales, les académies, les établissements d’enseignement supérieur et de recherche et plusieurs opérateurs. Au travers de ce marché commun, l'ensemble de ces services peuvent optimiser leurs processus d’achat et mutualiser leurs besoins.

Ce marché, qui intervient dans le cadre d’un renouvellement, et donc, de la pérennisation d’investissements déjà engagés, est composé de deux lots : le lot n° 1 porte sur la fourniture de solutions Microsoft et le lot n°2 sur des prestations de services associés aux solutions Microsoft.

Pour répondre à une partie de leurs besoins, les acteurs que je viens de citer investissent depuis plusieurs années dans des solutions de gestion des postes de travail et des serveurs d’infrastructures Microsoft ou dans les solutions collaboratives, et en assurent l’évolution constante, pour faciliter l’exercice de leurs missions pédagogique, administrative et de recherche.

Le groupement de ces acteurs permet de bénéficier de tarifs éducation avantageux sur le support ou sur les droits d’usages pour toutes les parties prenantes, conditions plus favorables que celles qui sont faites à d’autres secteurs. Il permet en outre de bénéficier, sur le lot no 2, de tarifs de prestations de services attractifs eu égard au volume d’activité potentiellement généré par les bénéficiaires.

Enfin, le ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports met en place de nombreux outils collaboratifs fondés sur des solutions libres ou open source : la plateforme M@gistère de formation ouverte à distance, utilisée par plus de 250 000 enseignants chaque année, l’espace collaboratif Tribu, qui sert à partager des documents, et une solution de visioconférence et de classe virtuelle qui est encore en phase de test et sera pleinement opérationnelle au début de l'année 2021 – elle est fondée sur la solution open source BigBlueButton.

L’ensemble de ces développements se fait en concertation avec les autres ministères, en particulier la direction interministérielle du numérique. Le ministère est également partie prenante du programme de cloud souverain européen Gaia-X, lancé par la France et l’Allemagne, qui vise à construire une infrastructure de données fiable et sécurisée pour l'Europe.