15ème législature

Question N° 1132
de Mme Danièle Cazarian (La République en Marche - Rhône )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Économie, finances et relance
Ministère attributaire > Économie, finances et relance

Rubrique > pharmacie et médicaments

Titre > Situation du site de Décines de l'entreprise GIFRER

Question publiée au JO le : 17/11/2020
Réponse publiée au JO le : 25/11/2020

Texte de la question

Mme Danièle Cazarian attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance sur la situation de la société Gifrer-Barbezat implantée à Décines-Charpieu et dont le propriétaire, le groupe belge Qualiver, a annoncé la suppression de 125 emplois et la fermeture de tous les ateliers de production le 22 septembre 2020. Ce site historique spécialisé dans la production d'unidoses stériles, d'antiseptiques et de d'extraits végétaux a été racheté en 2000 par le groupe belge Qualiver qui a pu bénéficier de son expertise précieuse et d'une marque reconnue en particulier dans l'antiseptie et les produits de soin matériel et infantile. Le chiffre d'affaires du site décinois est en augmentation constante depuis 2013. L'entreprise a joué un rôle crucial en cette année 2020 marquée par la crise sanitaire, l'ARS l'ayant classée parmi les entreprises fabricant de produits de première nécessité puisque trois des composantes de l'antiseptique officiel de l'OMS sont produits et vendus par Gifrer. De grands laboratoires pharmaceutiques ou vétérinaires français sont clients d'extraits végétaux Gifrer. Pour certains de ces extraits il n'existe à ce jour en France aucun fabricant alternatif et ces clients seraient amenés à se fournir en Chine ou en Inde si ces filières de production venaient à disparaître. La décision du groupe Qualiver a d'autant plus surpris les salariés de l'entreprise qu'au mois de juillet 2020, un plan de reconstruction du site (ateliers et services supports) - indispensable au regard de l'ancienneté des lieux - avait été présenté aux organisations syndicales. Prévoyant une reconstruction totale sur un foncier de 3 hectares pour un montant de 41 millions d'euros, ce plan d'investissement aurait tout à fait pu faire l'objet d'un financement fondé sur la cession de tout ou partie des 12 hectares de foncier en plein cœur de Décines sur lequel est actuellement implantée l'entreprise. Il est à craindre que le groupe Qualiver voit dans cette fermeture l'opportunité de vendre l'intégralité des 12 hectares de foncier qu'il a acquis avec l'entreprise Gifrer en 2000, tout en continuant de profiter de cette marque reconnue. Il est essentiel que l'État intervienne dans les discussions au regard du caractère éminemment stratégique de la production concernée. Alors que le Gouvernement s'est à plusieurs reprises prononcé en faveur de la relocalisation de l'industrie pharmaceutique en France, elle lui demande ce qu'il compte faire pour sauver un site de production aussi stratégique pour l'indépendance sanitaire de la France.

Texte de la réponse

SOCIÉTÉ GIFRER-BARBEZAT À DÉCINES-CHARPIEU


Mme la présidente. La parole est à Mme Danièle Cazarian, pour exposer sa question, n°  1132, relative à la société Gifrer-Barbezat à Décines-Charpieu.

Mme Danièle Cazarian. La société Gifrer-Barbezat, véritable institution décinoise, créée en 1912, est aujourd'hui en danger. Racheté en 2000 par le groupe belge Qualiver, le site va fermer tous ses ateliers de production et supprimer 125 emplois, conformément à une décision annoncée par le propriétaire en septembre dernier.

Cette décision est non seulement injustifiée, mais aussi particulièrement grave pour les intérêts stratégiques de la France. Injustifiée, car le site de Décines-Charpieu est rentable, ce dont témoigne l'augmentation constante du chiffre d'affaires depuis 2013. Grave pour les intérêts stratégiques de la France, car la société Gifrer-Barbezat participe à l'indépendance sanitaire de notre pays. Elle est en effet spécialisée dans la production de doses stériles d'antiseptique, de produits de soins infantiles et d'extraits végétaux. De grands laboratoires pharmaceutiques français se fournissent d'ailleurs en extraits végétaux Gifrer et s'inquiètent de l'annonce de cette fermeture, dans la mesure où il n'existe à ce jour en France aucun autre fabricant de ces produits et qu'ils seront donc obligés, à terme, de se tourner vers des fabricants chinois ou indiens.

En cette année marquée par la crise sanitaire liée à la covid-19, la société Gifrer-Barbezat s'est avérée d'autant plus essentielle qu'elle produit trois des composants de l'antiseptique officiel de l'Organisation mondiale de la santé. À ce titre, l'Agence régionale de santé – ARS – Auvergne-Rhône-Alpes l'a classée parmi les trois entreprises fabricant des produits de première nécessité. La décision du groupe Qualiver de fermer ce site de production est incompréhensible, voire inacceptable, sachant d'autant plus que le site se situe sur une propriété foncière de douze hectares en plein centre de Décines-Charpieu et qu'un projet de reconstruction des lignes de production de trois hectares, financé à travers la cession d'une partie du foncier, était encore envisagé en juillet dernier.

Malgré le confinement, le plan de sauvegarde de l'emploi est maintenu. Au regard du caractère stratégique de la production, il est essentiel que l'État intervienne dans les discussions en cours. Madame la secrétaire d'État, que compte faire le Gouvernement face à cette situation ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable.

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable. Madame la députée, par votre question, vous appelez l'attention du Gouvernement sur la situation de l'entreprise Gifrer-Barbezat, implantée à Décines-Charpieu, dans le département du Rhône, alors que son propriétaire, le groupe belge Qualiver, a annoncé le 22 septembre dernier la suppression de 125 emplois et la fermeture de tous les ateliers de production.

Cette entreprise est spécialisée dans la production de produits pharmaceutiques tels que liniment oléo-calcaire, sérum physiologique, antiseptiques et eau oxygénée. Elle a été sollicitée à bien des égards pendant la crise sanitaire, notamment afin de produire du gel hydroalcoolique pour l'ensemble des Français. C'est la raison pour laquelle, en effet, l'ARS Auvergne-Rhône-Alpes l'a classée parmi les trois entreprises fabricant des produits de première nécessité durant la première vague de l'épidémie de covid-19.

L'objectif d'indépendance et de souveraineté sanitaire de l'État mobilise le Gouvernement. Nous avons consacré des moyens importants à l'appel à projets de relocalisation du plan de relance pour remédier à la fragilité de certaines chaînes de valeur mondiales. Ce dispositif est doté d'une enveloppe de 100 millions d'euros pour 2020 et concerne aussi le secteur clé de la santé.

Madame Cazarian, le Gouvernement accorde toute son attention à la question que vous évoquez, celle du savoir-faire de ce type d'activité spécifique en France. La question est actuellement étudiée au niveau de la filière, avec les services économiques de l'État en région ainsi que le pôle entreprises, emploi, économie de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, s'agissant de l'aspect industriel comme du niveau d'emploi. Nous allons veiller à ce que la fermeture et le plan de sauvegarde de l'emploi de l'entreprise Gifrer-Barbezat ne constituent pas une opération immobilière au bénéfice du groupe Qualiver, qui conserverait la marque Gifrer-Barbezat tout en vendant le foncier. La question de la requalification des terrains dans le plan local d'urbanisme est ici posée. Les collectivités locales veillent, au travers des règles d'urbanisme, à ne pas altérer l'équilibre entre les zones résidentielles et les zones d'emploi.

Mme la présidente. La parole est à Mme Danièle Cazarian.

Mme Danièle Cazarian. Merci de ces précisions, madame la secrétaire d'État. Le cas de la société Gifrer-Barbezat démontre, en effet, que des mécanismes d'opportunité sont à l'œuvre, guidés sans doute par des intérêts financiers. Un risque majeur pèse sur les intérêts stratégiques de la France et sur la situation socio-économique des familles concernées. Souhaitons que le plan social et les pertes d'emploi puissent être évités et que le dialogue soit renoué entre les syndicats et la direction.