15ème législature

Question N° 1159
de M. Jean-Luc Lagleize (Mouvement Démocrate (MoDem) et Démocrates apparentés - Haute-Garonne )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Travail, emploi et insertion
Ministère attributaire > Travail, emploi et insertion

Rubrique > transports aériens

Titre > Reconversion des emplois aéronautiques

Question publiée au JO le : 01/12/2020
Réponse publiée au JO le : 09/12/2020 page : 10934

Texte de la question

M. Jean-Luc Lagleize attire l'attention de Mme la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion sur la reconversion inévitable d'une partie des emplois aéronautiques. La crise sanitaire de la covid-19 a porté un véritable coup d'arrêt au transport aérien, tant en France que dans l'Union européenne et dans le monde entier. En conséquence, c'est aussi l'ensemble du secteur aéronautique qui souffre et fait face à des difficultés financières et une perte de chiffre d'affaires qui pourraient mettre en jeu sa survie. Même en considérant l'hypothèse optimiste de la distribution prochaine d'un vaccin, le coronavirus a bouleversé tellement profondément les modes de vies que les prévisions n'anticipent pas de retour des échanges aériens au niveau pré-crise avant quatre ou cinq ans. Les conséquences pour les entreprises de la filière aéronautique française, qui représente 300 000 emplois et 58 milliards d'euros de chiffre d'affaires, sont directes et mettent en péril le savoir-faire de cette industrie d'excellence, ainsi que ses capacités d'innovation technologique. Certaines entreprises industrielles du secteur se font déjà racheter par des investisseurs étrangers cherchant à conquérir de nouveaux marchés. Des donneurs d'ordre aux sous-traitants, toutes les entreprises sont actuellement dans des situations extrêmement préoccupantes : d'ici quelques mois, des licenciements pourraient toucher près de la moitié des employés de l'aéronautique de la région Occitanie. Face à cette catastrophe, il est impératif de réagir ! Or les dispositifs comme l'activité partielle sont malheureusement inadaptés car ils ne pourront jamais perdurer pendant encore quatre ou cinq ans. Les territoires vont ainsi connaître une très forte progression du chômage. Il faut donc planifier, ensemble, une reconversion industrielle à grande échelle d'un nombre important d'emplois du secteur aéronautique. M. le député propose donc à Mme la ministre de créer un ambitieux dispositif de détachement financé par l'État et les régions qui permettrait de détacher des salariés actuellement à l'arrêt vers d'autres secteurs d'avenir, comme la robotisation industrielle, les mobilités du futur, ou encore l'intelligence artificielle. De cette manière, l'État ne financerait pas des salariés pour qu'ils restent chez eux, mais pour qu'ils construisent l'avenir de la France ! Un tel dispositif, crucial pour l'industrie aérospatiale et transposable dans d'autres secteurs et d'autres régions, permettrait de développer de nouvelles filières d'excellence dans les territoires tout en sauvegardant de précieuses compétences. Il l'interroge ainsi sur la mise en œuvre rapide d'un tel dispositif.

Texte de la réponse

SECTEUR DE L'AÉRONAUTIQUE


Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Lagleize, pour exposer sa question, n°  1159, relative au secteur de l'aéronautique.

M. Jean-Luc Lagleize. Ma question, adressée à Mme la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, porte sur l'inévitable reconversion d'une partie des emplois aéronautiques.

La crise sanitaire de la covid-19 a porté un véritable coup d'arrêt au transport aérien, tant en France que dans l'Union européenne et dans le monde entier. L'ensemble du secteur aéronautique souffre ; les difficultés financières, la perte de chiffre d'affaires, pourraient compromettre sa survie. Le coronavirus a si profondément bouleversé nos modes de vie que, même dans l'hypothèse optimiste de la distribution prochaine d'un vaccin, le retour des échanges aériens à leur niveau précédant la crise n'est pas prévu avant quatre ou cinq ans.

Alors que la filière aéronautique française représente 300 000 emplois et 58 milliards d'euros de chiffre d'affaires, ses entreprises subissent de plein fouet les conséquences de cette crise, qui mettent en péril le savoir-faire de cette industrie d'excellence, ainsi que ses capacités d'innovation technologique. Certaines sont déjà rachetées par des investisseurs étrangers cherchant à conquérir de nouveaux marchés à bas prix. Des donneurs d'ordre aux sous-traitants, toutes se trouvent dans des situations extrêmement préoccupantes : dans la région Occitanie, près de la moitié des employés du secteur pourraient être licenciés d'ici à quelques mois.

Face à cette catastrophe, nous devons impérativement réagir. Or nos dispositifs, comme l'activité partielle, sont inadaptés : ils ne pourront jamais perdurer pendant quatre ou cinq ans. Nos territoires vont connaître une très forte progression du chômage. Il nous faut donc planifier ensemble une reconversion industrielle à grande échelle : je vous propose de créer un dispositif ambitieux, financé par l'État et les régions, de détachement d'employés de l'aéronautique vers des secteurs d'avenir, comme la robotique industrielle, les mobilités du futur, l'intelligence artificielle. L'État ne paierait plus ces salariés sans activité pour qu'ils restent chez eux, mais pour qu'ils nous aident à construire l'avenir. Un tel dispositif, crucial pour l'industrie aérospatiale, transposable à d'autres secteurs et d'autres régions, permettrait de développer de nouvelles filières d'excellence dans nos territoires tout en sauvegardant de précieuses compétences. Comment pourrions-nous l'appliquer rapidement ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des retraites et de la santé au travail.

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État chargé des retraites et de la santé au travail. Monsieur le député, la filière aéronautique est stratégique dans notre pays, et je connais votre engagement sur ce sujet à l'Assemblée nationale, notamment au sein du groupe d'étude Secteur aéronautique et spatial, que vous coprésidez. Je connais également l'importance de cette filière pour votre territoire, la Haute-Garonne – où j'ai eu l'occasion de me rendre pour parler du projet de réforme des retraites –, et pour l'ensemble des élus Toulousains.

Je partage votre préoccupation sur l'importance de l'impact de la crise sanitaire sur les entreprises et les emplois de la filière aéronautique. Disons-le, la reprise du trafic aérien sera très progressive et s'étalera sur plusieurs années. On pourrait souhaiter qu'elle soit plus rapide, mais il faut aussi être réaliste au regard de la crise sanitaire.

Pour ce qui est de la préservation du tissu économique et de la reconversion des entreprises et des emplois, je commencerai par rappeler que le Gouvernement a mis en place un large éventail de solutions pour accompagner les entreprises, dont le secteur aéronautique a su se saisir. Dès le mois de mars 2020, le régime d'activité partielle renforcée a été activé pour préserver les emplois touchés par la crise sanitaire. Dans le cadre de ce dispositif, ce sont plus de 17 millions d'heures travaillées qui ont été indemnisées, avec un engagement de 244 millions d'euros vis-à-vis des salariés de la filière aéronautique qui étaient au chômage partiel.

Depuis l'été, afin d'accompagner les entreprises qui connaissent des baisses durables d'activité, nous mettons en œuvre l'activité partielle dite de longue durée, reposant sur une négociation des partenaires sociaux soit au sein des branches, soit au sein des entreprises. De grands groupes de l'aéronautique comme Thales, Safran ou Airbus ont pu en bénéficier. J'ai moi-même récemment reçu la direction de Safran pour travailler avec elle à la mise au point détaillée de son accord d'entreprise, pris notamment pour accompagner la transformation de l'entreprise.

Nous avons également mobilisé le Fonds national de l'emploi – FNE – pour former les salariés en activité partielle de longue durée, ce qui représente près d'un milliard d'euros au sein du plan France relance. Je vous rejoins sur le constat d'un impact différencié de la crise au sein des entreprises d'un même bassin d'emploi : c'est une réalité économique. C'est pourquoi, lors de la conférence du dialogue social du 26 octobre dernier, nous avons mis en œuvre, en lien avec les partenaires sociaux, une solution proche de celle que vous proposez. Il s'agit du dispositif dit de transition collective, s'adressant aux salariés dont les emplois sont menacés et qui se tournent vers un métier porteur localement, grâce à une formation ou à une démarche de validation des acquis de l'expérience.

L'État finance tout ou partie du projet de reconversion, en fonction de la taille de l'entreprise. Pour les TPE-PME, l'État prend en charge 100 % de la rémunération de la formation des salariés en reconversion. Les premiers parcours de transition collective seront mis en place au sein de territoires pilotes et mobiliseront l'ensemble des acteurs de l'emploi et de la formation sur un bassin d'emploi. Un appel à manifestation a été lancé le 28 novembre dernier, et j'imagine que votre territoire va se saisir de ce dispositif et manifester son intérêt.

Monsieur le député, soyez assuré de l'engagement du Gouvernement pour accompagner les territoires qui sont durement touchés par les conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire.