Question orale n°1277 : Principe de non-discrimination et d'égal accès au service cantine scolaire

15ème Législature

Question de : M. Aurélien Pradié (Occitanie - Les Républicains)

M. Aurélien Pradié interroge Mme la secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées, sur le principe de non-discrimination et d'égal accès au service de restauration scolaire. Les collectivités organisent librement un service de restauration scolaire, facultatif mais cependant à vocation sociale. Entre les usagers du service existent des différences de situations appréciables. Une commune peut donc, sans méconnaître le principe d'égalité devant le service, mettre en place une tarification différenciée qui s'appuie sur le quotient familial, en fonction du revenu des parents et de la composition du foyer. Elle peut tout aussi bien ne pas appliquer ces tarifs sur la base du quotien familial aux enfants ne résidant pas dans la commune. Cependant, le principe d'égalité devant le service trouve ses limites lorsque les différenciations tarifaires sont disproportionnées ou la restriction au service excessive. Récemment, le Défenseur des droits est venu rappeler le principe de non-discrimination des enfants face au service de cantine en raison de leur situation ou de celle de leur famille, résultant de l'article L 131-13 du code de l'éducation (décision du Défenseur des droits n° 2018-095). En effet, un enfant en situation de handicap bénéficie d'un projet personnalisé de scolarisation établi par la MDPH qui prévoit une affectation en classe ULIS. Le choix d'affectation dans une autre commune que celle de résidence des parents ne relève pas de la décision des parents. Dans ces conditions, cet enfant ne peut se voir appliquer le tarif extérieur de non résident car, alors, cette pratique crée un désavantage et une discrimination indirecte du fait du handicap de l'enfant. La collectivité se doit de lui appliquer le tarif en fonction du quotient familial malgré le fait qu'il soit extérieur à la commune. C'est à cette condition qu'il n'y aura pas de discrimination, que le service de cantine soit facultatif ou non (décision du tribunal administratif de Toulouse du 8 novembre 2019 n° 1802210). Dans le respect de la libre administration des communes, il convient cependant de veiller à l'application des principes de non-discrimination des élèves dans l'accès au service de cantine en primaire, affirmés par le Défenseur des droits et la jurisprudence administrative. Il lui demande comment elle entend mettre fin à cette discrimination à l'égard des enfants en situation de handicap ; une position uniforme et nationale doit être adaptée urgemment.

Réponse en séance, et publiée le 17 février 2021

ACCÈS DES ÉLÈVES HANDICAPÉS AUX CANTINES SCOLAIRES
Mme la présidente. La parole est à M. Aurélien Pradié, pour exposer sa question, n°  1277, relative à l'accès des élèves handicapés aux cantines scolaires.

M. Aurélien Pradié. L'objectif de l'inclusion de tous les enfants, y compris donc des enfants différents, au sein de l'école de la République est un objectif que nous partageons. C'est un objectif essentiel, non seulement pour les enfants en situation de handicap et pour leurs familles, mais aussi pour l'idée que nous nous faisons de la République et de l'école de la République.

L'inclusion concerne non seulement le temps scolaire, sur lequel notre attention est focalisée, mais également les temps péri et extra-scolaire, que nous oublions parfois. Sur le temps périscolaire, la cantine et la restauration collective sont essentielles, car c'est principalement dans ces lieux que se fait l'inclusion sociale de ces enfants, et c'est souvent de celle-ci que les enfants en situation de handicap sont privés.

La tarification est l'un des freins que l'on peut observer sur ce plan. J'ai eu connaissance de plusieurs situations concernant des familles ayant demandé à bénéficier du dispositif ULIS, les unités localisées pour l'inclusion scolaire. Or ce dispositif n'existe pas dans toutes les écoles, si bien que les familles ne disposent pas du choix géographique pour scolariser leur enfant en ULIS.

Bien souvent, les communes pratiquent des tarifs différents selon que l'on est ressortissant de la commune – habitant de la commune, contribuable de la commune – ou bien que l'on vient de l'extérieur. Il arrive souvent que les familles n'aient pas le choix et doivent mettre leur enfant en ULIS en dehors de leur commune de résidence : elles se voient appliquer une tarification inégale au regard de leur situation.

Une telle inégalité est insupportable. La Défenseure des droits, comme le Défenseur des droits qui l'a précédée, l'ont d'ailleurs dénoncée dans plusieurs décisions. Cela relève du choix des communes, mais pas seulement. Je vous demande de fixer un cadre national clair, pour que toutes les communes puissent appliquer la même tarification pour les enfants en situation de handicap qui n'ont pas le choix de leur lieu de scolarisation : il n'est pas possible qu'ils soient victimes d'une discrimination supplémentaire. Avec cette question, je lance un appel : il est grand temps d'adopter un cadre national qui permette de mettre un terme à cette situation, qui n'est pas acceptable.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées.

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées. Je partage avec vous les notions d'équité territoriale, de société inclusive et de non-discrimination, pour des causes que, parfois, les parents ne choisissent pas, cela est indéniable. Le maillage des ULIS s'est amélioré de façon extrêmement importante, notamment pour le primaire. Pour autant, il arrive en effet qu'il n'y ait aucune ULIS dans l'école, le collège ou le lycée dont dépend l'enfant.

L'article 72 de la Constitution pose un problème majeur, en ce qu'il dispose que « les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l'ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon. Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s'administrent librement par des conseils élus et disposent d'un pouvoir réglementaire pour l'exercice de leurs compétences ». En l'espèce, les collectivités organisent librement le service de la restauration scolaire. Il relève donc de leur responsabilité d'appliquer le principe de non-discrimination et de veiller à inclure pleinement les élèves en situation de handicap, en ne leur appliquant pas un tarif de résidents extérieurs à la commune. C'est tout l'enjeu du travail que nous menons avec les collectivités.

La sensibilisation des collectivités est essentielle. C'est la raison pour laquelle l'État porte le message suivant : tous les enfants en situation de handicap sont des élèves de droit commun de l'école de la République, et l'équité territoriale est structurante pour mettre en place une école inclusive sur l'ensemble de ses aspects.

Je vous propose d'avancer sur cette question avec les collectivités, pour faire suivre d'effets les principes d'uniformisation et de non-discrimination. Cependant, cela ne sera possible que grâce à un dialogue avec les collectivités locales. Nous avons déjà un levier, non pas sur la cantine, mais sur le périscolaire, avec les fonds de territoire, dont la CNAF – Caisse nationale des allocations familiales – peut disposer, pour éviter les discriminations et pour renforcer les équipes d'animation. Il nous faut travailler aussi sur les tarifs de cantine. Il reste donc du travail, et ce travail doit s'appuyer tant sur l'indispensable principe de différenciation que sur celui de l'équité.

Mme la présidente. La parole est à M. Aurélien Pradié.

M. Aurélien Pradié. Vous avez raison, madame la secrétaire d’État, les collectivités sont libres de leur administration. Mais la République, l'État, la nation sont aussi les garants de la non-discrimination.

Les deux aspects sont parfaitement compatibles. Nous pouvons tout à fait déterminer un cadre de non-discrimination, comme l'a d'ailleurs fait le Défenseur des droits, sans pour autant empiéter sur les règles constitutionnelles relatives aux compétences des collectivités. Nous ne pouvons pas rester spectateurs, car ces situations sont de plus en plus nombreuses et difficiles. Par conséquent, il ne faut pas évacuer le moyen légal d'un revers de la main. Les mots ne suffiront pas à assurer l'inclusion.

Par ailleurs, nous disposons aussi de moyens matériels et financiers. Je précise à cet égard que le temps des cantines scolaires fait partie du temps périscolaire : il n'en est pas exclu, ce qui signifie qu'il est tout à fait possible que l'État mobilise des moyens spécifiques pour compenser le coût supplémentaire auprès des communes. Seuls quelques dizaines d'enfants par ULIS sont concernés, ce qui est tout à fait accessible financièrement.

Je suis à votre disposition pour y travailler, car je ne crois pas que cela pourra se faire isolément. Il faut que les membres du Gouvernement comme les parlementaires se penchent sur cette question pour l'évacuer, et je sais que l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité y est disposée. N'évacuons pas le cadre légal, qui fait aussi partie des outils dont disposent une secrétaire d'État et un député.

Données clés

Auteur : M. Aurélien Pradié (Occitanie - Les Républicains)

Type de question : Question orale

Rubrique : Personnes handicapées

Ministère interrogé : Personnes handicapées

Ministère répondant : Personnes handicapées

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 9 février 2021

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