15ème législature

Question N° 14447
de M. Éric Alauzet (La République en Marche - Doubs )
Question écrite
Ministère interrogé > Premier ministre
Ministère attributaire > Solidarités et santé

Rubrique > santé

Titre > Politique transversale de lutte contre l'antibiorésistance

Question publiée au JO le : 20/11/2018 page : 10359
Réponse publiée au JO le : 09/07/2019 page : 6474
Date de changement d'attribution: 27/11/2018
Date de signalement: 25/06/2019
Date de renouvellement: 18/06/2019

Texte de la question

M. Éric Alauzet appelle l'attention de M. le Premier ministre sur les enjeux sanitaires de la politique de lutte contre l'antibiorésistance. Il est clairement établi que la résistance aux antibiotiques entraîne une augmentation de la mortalité, d'après certaines estimations elle pourrait ainsi être la cause de 10 millions de décès par an dans le monde à l'horizon 2050. En France, on constate une augmentation des infections aux bactéries résistantes qui sont responsables d'au moins 160 000 infections et de 12 500 décès d'après les données de l'Assurance maladie, l'ANSES, l'ANSM et Santé publique France. Les principales causes de l'antibiorésistance sont connues : la surconsommation d'antibiotiques et la transmission croisée des bactéries résistantes (avec le milieu, d'humain à humain ou d'humain à animaux). Agir contre ces deux causes représente un enjeu de santé publique majeur mais aussi un véritable enjeu économique et de maîtrise des dépenses de santé. En effet, au-delà d'un coût humain et écologique difficilement quantifiable, l'antibiorésistance entraîne la hausse des dépenses de soin : prolongation des hospitalisations et traitements, prescriptions inutiles ou inadaptées d'antibiotiques... Ce coût augmente au fur et à mesure que le phénomène progresse et pourrait atteindre un pic de 100 000 milliards dans le monde à l'horizon 2050. Dans l'immédiat et pour la France uniquement, les seules prescriptions inutiles d'antibiotiques entraînent des surcoûts s'élevant à plusieurs dizaines de millions d'euros. Notons que des mesures efficaces peuvent être prises rapidement pour lutter contre le phénomène, le cas des vétérinaires offre certaines pistes utiles, et protéger la santé des Français d'aujourd'hui et de demain. C'est d'ailleurs le sens d'une action développée par plusieurs experts pluridisciplinaires (monde médical, vétérinaire, environnemental, cliniciens, chercheurs, etc.), qui ont dévoilé à l'occasion de la Semaine mondiale de la lutte contre l'antibiorésistance un « mode d'emploi » permettant à chacun (élu, professionnel de santé, citoyen) d'agir. Alors, il lui demande quelles actions transversales pourraient être mises en place afin de proposer une véritable politique globale de lutte contre l'antibiorésistance allant de la sensibilisation des Français à la lutte contre les rejets d'antibiotiques dans l'environnement en passant par des mesures d'hygiène visant à réduire la transmission et des mesures de « juste prescription » des antibiotiques.

Texte de la réponse

Depuis le début des années 2000, la France mène une politique de maîtrise de l'antibiorésistance. Plusieurs plans antibiotiques ont été mis en œuvre en santé humaine, animale et dans l'environnement. Ces actions ont été accentuées depuis 2015. Si l'antibiorésistance s'est hissée au rang des priorités parmi les menaces sanitaires au niveau mondial, elle demeure cependant un danger sous-évalué par le grand public et les professionnels eux-mêmes (médecins, professionnels de santé, vétérinaires, éleveurs, agronomes, écologues, évolutionnistes, hydrologues, …). Le phénomène reste encore peu visible, alors que l'image traditionnelle de « toute puissance » des antibiotiques perdure. En conséquence, les antimicrobiens sont encore insuffisamment perçus comme un bien commun, fragile et menacé, qu'il faut préserver. Pour ces raisons, le premier Comité Interministériel pour la Santé (CIS) a été consacré à la préparation et à l'adoption, en novembre 2016, d'une feuille de route interministérielle visant à maîtriser l'antibiorésistance. Celle-ci se compose de 40 actions réparties en 13 mesures phare, regroupées en 5 axes. Elle a pour objectif de réduire l'antibiorésistance et ses conséquences sanitaires, notamment en diminuant la consommation d'antibiotiques de 25 % d'ici 2020. La feuille de route est interministérielle et aborde des actions aussi bien en santé humaine, en santé animale et en santé des écosystèmes. Elle intègre les plans sectoriels spécifiques à savoir le programme national d'actions de prévention des infections associées aux soins (Propias) et le plan EcoAntibio2 consacré à l'utilisation des antibiotiques dans le secteur vétérinaire, le Plan national santé environnement 3. Son suivi est assuré par un comité interministériel qui se réunit régulièrement. Concrètement, il s'agit de mettre en œuvre des actions de : - Sensibilisation et de communication auprès du grand public et des professionnels de santé : lancement d'un programme de sensibilisation à la prévention de l'antibiorésistance. A ce jour une identité visuelle interministérielle a été lancée (« les antibiotiques : ils sont précieux, utilisons-les mieux ») ainsi qu'un premier document socle sur le concept « une seule santé ». Le ministère des solidarités et de la santé a également publié sur ses réseaux sociaux des messages de sensibilisation en novembre et décembre 2018. L'accent est notamment porté sur l'éducation pour la santé des jeunes et l'information des propriétaires d'animaux via par exemple des logiciels éducatifs ;  -Formation des professionnels de santé et incitations au bon usage des antibiotiques en médecine humaine et vétérinaire : amélioration de la formation des professionnels de santé au bon usage des anti-infectieux ; renforcement de l'encadrement de la prescription des antibiotiques lié à l'évolution des logiciels d'aide à la prescription ; amélioration de la pertinence des traitements, notamment grâce à l'usage accru des tests rapides d'orientation diagnostique ; modification des conditionnements de certains antibiotiques afin de mieux les adapter aux durées de traitement ; développement des mesures de prévention, en particulier la vaccination.  -Recherche et d'innovation en matière de maîtrise de l'antibiorésistance : Structuration et coordination des efforts de recherche, de développement et d'innovation sur l'antibiorésistance et ses conséquences ; mise en œuvre d'une politique proactive de partenariats public-privé et d'accompagnement de l'innovation ; Valorisation et préservation les produits contribuant à la maîtrise de l'antibiorésistance. Dans ce cadre, plusieurs projets relatifs à la lutte contre l'antibiorésistance ont été sélectionnés par la BPI France lors du récent concours national à l'innovation. De plus, un programme prioritaire de recherche doté de 40 Millions d'euros, dédié à la lutte contre la résistance aux antibiotiques a été annoncé par le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation en novembre 2018. Les enjeux sont bien de structurer les réseaux de recherche et les observatoires afin de renforcer les efforts et d'assurer la coordination de recherche entre les secteurs de la santé humaine, animale et de l'environnement sous le pilotage d'un conseil stratégique transdisciplinaire.  -Mesure et de surveillance l'antibiorésistance : renforcement de la surveillance de l'antibiorésistance et de la consommation d'antibiotiques ; diffusion plus large et plus accessible des données de surveillance « one health » avec une publication annuelle des résultats synthétiques. Développement au niveau européen et national de nouveaux indicateurs (globaux et spécifiques) visant à mesurer l'antibiorésistance et l'exposition aux antibiotiques conjointement chez l'homme, l'animal et dans l'environnement, travail dont une partie est en cours de réalisation au cours de l'action conjointe Européenne sur la résistance aux antibiotiques et les infections associées aux soins (EU-JAMRA), lancée en septembre 2017 et que la France coordonne.