15ème législature

Question N° 1705
de M. Loïc Prud'homme (La France insoumise - Gironde )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Intérieur
Ministère attributaire > Intérieur

Rubrique > ordre public

Titre > maintien de l'ordre lors des manifestations

Question publiée au JO le : 06/03/2019
Réponse publiée au JO le : 06/03/2019 page : 1772

Texte de la question

Texte de la réponse

MAINTIEN DE L'ORDRE LORS DES MANIFESTATIONS


Mme la présidente. La parole est à M. Loïc Prud'homme.

M. Loïc Prud'homme. Monsieur le Premier ministre, samedi, j'ai expérimenté physiquement les violences policières dénoncées depuis des semaines. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Je quittais tranquillement la manifestation des gilets jaunes quand, sans raison, les forces de l'ordre ont chargé et, après que j'ai décliné mon identité de député, m'ont asséné plusieurs coups de matraque. (Mêmes mouvements.)

Ceci est révélateur de la dérive autoritaire du Gouvernement. Chaque samedi, de plus en plus de citoyennes et citoyens pacifiques sont frappés, mutilés, mis en garde à vue, à cause d'une doctrine de maintien de l'ordre qui ne fait qu'exacerber la violence. De fait, vous utilisez la police et la justice pour réprimer toute contestation sociale (Applaudissements sur les bancs du groupe FI et sur plusieurs bancs du groupe GDR), par exemple en prolongeant abusivement des gardes à vue de gilets jaunes sans aucun fondement.

Lors du vote, il y a quelques jours, de la proposition de loi visant à renforcer et garantir le maintien de l'ordre public lors des manifestations, dite « anti-casseurs », notre collègue Charles de Courson s'inquiétait avec nous de la dérive possible de l'autorité administrative, de triste mémoire. Il avait raison : la loi n'est pas définitivement votée, mais nous y sommes déjà. La préfet de la Gironde s'est empressé de réagir samedi et cautionne le matraquage d'un élu de la République par les forces de l'ordre. (Exclamations sur les bancs du groupe FI.)

M. Jean-Luc Mélenchon. C'est scandaleux !

M. Loïc Prud'homme. Il a fait un amalgame, à dessein, s'agissant de la réalité légale qui prévaut lors de manifestations, déclarées ou non, dans le but de limiter arbitrairement le droit constitutionnel de manifester (Applaudissements sur les bancs du groupe FI et sur plusieurs bancs du groupe GDR), tout cela sans aucune protestation du ministre de l'intérieur, qui délègue la basse besogne.

Monsieur le Premier ministre, dois-je maintenant me cacher pour éviter la répression politique et l'arbitraire (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM), à l'instar de nombreux syndicalistes ou militants écologistes que vous traquez sans répit (Applaudissements sur les bancs du groupe FI), de Paris à Bure, de Strasbourg à Bordeaux ? Dois-je m'enfuir en courant devant des forces de l'ordre censées garantir notre sécurité ? Je m'y refuse. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

Je vous demande si vous approuvez ces façons d'agir, notamment les propos tenus à mon endroit par le préfet de la Gironde. Si ce n'est pas le cas, monsieur le Premier ministre, je vous demande solennellement de relever le préfet Didier Lallement de ses fonctions. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI. – Protestations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

Je vous demande enfin ce que vous comptez faire immédiatement pour garantir les libertés constitutionnelles qui nous concernent toutes et tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l'intérieur. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur. Monsieur le député, la blessure que vous avez montrée sur les réseaux sociaux suscite votre émotion, mais aussi la mienne.

Il faudrait revenir sur les faits que vous avez évoqués et qui m'ont aussi été rapportés par les forces de police. D'ailleurs, ils ont aussi été filmés par les forces de police, et je vous indique d'emblée qu'un dépôt de plainte permettrait à celles et ceux qui seraient mis en cause de produire l'ensemble des images à leur disposition. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe FI.) Nous verrions ainsi une réalité un peu différente de celle que vous avez évoquée. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs du groupe FI.)

Il est essentiel, monsieur le député, de rappeler de quoi nous parlons. Samedi dernier, à Bordeaux, comme cela se produit depuis de trop nombreuses semaines, la fin de la manifestation a été émaillée d'incidents. Hélas, c'est classique à Bordeaux, comme vous le savez. On a observé des dégradations sur la place Pey-Berland, des bris de vitres dans les abris du tramway, des jets de projectiles en direction des forces de l'ordre, ou encore des jets d'excréments. (Exclamations sur les bancs du groupe FI.)

M. Ugo Bernalicis. Quel est le rapport ?

M. Christophe Castaner, ministre . Comme le leur avait demandé le préfet de la Gironde, sous mon autorité que j'assume pleinement, les forces de l'ordre ont organisé la dispersion de la manifestation de la manière la plus rapide possible, afin d'éviter que les violences constatées au fil des semaines écoulées ne se reproduisent. (Exclamations sur les bancs du groupe FI.) Elles ont notamment interdit la manifestation dans la rue où vous vous trouviez, monsieur le député,…

Mme Mathilde Panot. Il partait !

M. Christophe Castaner, ministre . …non pas ceint d'une écharpe tricolore, mais d'un gilet jaune.

Mme Muriel Ressiguier. Et alors ?

M. Christophe Castaner, ministre . Par deux fois, monsieur le député, vous êtes revenu vers les forces de sécurité – vous ne regagniez donc pas votre véhicule. À un moment, je le sais, vous avez eu l'occasion d'exciper de votre carte de député, qui n'a d'ailleurs pas été reconnue. Vous devez vous en souvenir, puisqu'un policier vous a répondu : « Moi aussi, je suis flic ! » (Rires et exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – Protestations sur les bancs du groupe FI.) Sur ces bases, il y a eu une confrontation physique, que je regrette.

Monsieur le député, nous devons toute la transparence à la représentation nationale, mais aussi à l'opinion publique.

Mme Danièle Obono. Vous cautionnez donc le matraquage de M. Prud'homme ?

M. Christophe Castaner, ministre . Très clairement, il me semble que la place d'un député n'est pas dans un lieu où il a été interdit de manifester (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Jean-Paul Lecoq. On va où on veut !

M. Christophe Castaner, ministre . …et qu'il n'est pas convenable pour un député de baisser le bouclier de protection des forces de l'ordre. (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe LaREM, dont plusieurs députés se lèvent. – Vives exclamations sur les bancs du groupe FI.)

Mme Muriel Ressiguier. Honte à vous !

Mme la présidente. Merci de conclure, monsieur le ministre.

M. Christophe Castaner, ministre . Un échange avec nos hommes devrait nous permettre d'avancer dans la bonne direction. (Applaudissements continus sur les bancs du groupe LaREM.)

M. Loïc Prud'homme. Vous êtes un menteur, monsieur le ministre ! (Les députés du groupe FI quittent l'hémicycle.)