15ème législature

Question N° 1781
de Mme Sophie Auconie (UDI, Agir et Indépendants - Indre-et-Loire )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > crimes, délits et contraventions

Titre > politique pénale en matière de viol

Question publiée au JO le : 21/03/2019
Réponse publiée au JO le : 21/03/2019 page : 2724

Texte de la question

Texte de la réponse

POLITIQUE PÉNALE EN MATIÈRE DE VIOL


M. le président. La parole est à Mme Sophie Auconie.

Mme Sophie Auconie. Madame la ministre de la justice, c'est avec révolte que je m'adresse à vous. J'en appelle à votre humanité et à votre sens de la justice, pour mettre fin à un système qui punit plus lourdement le voleur de voitures que le voleur de vies.

Vendredi dernier, le tribunal correctionnel du Mans rendait un jugement inacceptable : il condamnait un grand-père, récidiviste et ayant commis un viol sur sa petite-fille âgée de 8 ans, à seulement huit mois de prison avec sursis, requalifiant son acte inhumain – ce crime – en agression sexuelle.

Lors du procès, le procureur déclarait ne pas avoir le moindre doute quant à la culpabilité du prévenu. Puisqu'il est nécessaire de le rappeler inlassablement, vu que rien ne change, rien n'évolue, je le redis : non, le viol n'est pas un délit ; le viol est un crime. (Applaudissements sur tous les bancs.) Il est même reconnu par les conventions internationales et européennes, ainsi que par l'OMS, l'Organisation mondiale de la santé, comme un problème de société et de santé publique majeur.

Cette scandaleuse affaire de correctionnalisation nous laisse sans voix et nous prouve à nouveau que la loi Schiappa ne change rien à la situation judiciaire actuelle (« Eh oui ! » sur quelques bancs du groupe LR), extrêmement défaillante en matière de sanction des violences sexuelles sur mineurs.

M. Éric Straumann. On vote des lois inutiles !

Mme Sophie Auconie. Madame la ministre, alors que ce violeur incestueux encourait théoriquement vingt ans de réclusion pour viol devant une cour d'assises, il a été condamné par un tribunal correctionnel à huit mois seulement, et avec sursis !

M. Éric Straumann. Quelle politique pénale !

Mme Sophie Auconie. Cette affaire nous rappelle l'urgence d'instituer un seuil d'âge, avec une infraction spécifique précisant que tout acte de pénétration commis par un adulte sur un enfant est un viol et doit, par conséquent, être jugé comme tel. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-Agir, LR, SOC, GDR et FI.)

Madame la ministre, je vous compte parmi les sages et je sais que vous êtes fine juriste. Comment, alors, expliquer à cette victime, si courageuse,…

M. le président. Merci, madame la députée.

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la députée, vous m'interrogez sur le jugement rendu par le tribunal correctionnel du Mans à propos des faits d'agression sexuelle dénoncés par une jeune fille à l'encontre de son grand-père et commis voilà une dizaine d'années, alors qu'elle était âgée de 8 ans.

Comme vous le savez, j'ai pour principe de ne pas commenter une affaire judiciaire en cours. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Or, celle que vous évoquez est précisément en cours, car le parquet a décidé d'interjeter appel du jugement rendu en l'espèce par le tribunal correctionnel. Permettez-moi toutefois quelques observations générales sur cette affaire.

En dépit de l'ancienneté des faits, qui remontent à une dizaine d'années, et des dénégations du prévenu, il faut souligner que le tribunal a effectivement reconnu celui-ci coupable du chef d'agression sexuelle sur mineur de moins de 15 ans par ascendant et n'a donc à aucun moment mis en doute l'absence de consentement de la victime au regard de son jeune âge au moment des faits.

Mme Sophie Auconie. Un viol : huit mois de prison avec sursis !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux . Compte tenu notamment de l'âge actuel du prévenu, qui a plus de 70 ans, le tribunal a prononcé une peine d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve. Cette peine, il faut le préciser, est inférieure à celle qui était requise par le parquet. C'est pourquoi ce dernier a décidé de faire appel.

Madame la députée, soyez assurée que la politique pénale menée en matière de lutte contre les infractions sexuelles commises sur mineur constitue une priorité pour mon ministère, comme je l'ai rappelé dans une récente circulaire de politique pénale à l'attention des procureurs généraux et des procureurs de la République. Par ailleurs, cette volonté s'inscrit dans le prolongement du vote par le Parlement de la loi du 3 août 2018, qui a fait évoluer la définition des infractions de viol et d'agression sexuelle.

Mme Sophie Auconie. Non ! Cette affaire en est la preuve !

Mme Huguette Bello. Cela a évolué aux assises, pas en correctionnelle !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux . Une mission d'évaluation va être confiée à Mme Alexandra Louis, qui fera avant l'été un bilan de la situation. Je vous rappelle enfin que la mise en place des tribunaux criminels départementaux permettra également une évolution. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

M. le président. Mes chers collègues, permettez-moi de dire aux absents qu'ils ont tort… et aux présents qu'il vaut mieux arriver à l'heure, afin d'éviter les allées et venues pendant les questions et les réponses. (Applaudissements sur divers bancs.)