15ème législature

Question N° 1820
de M. Mustapha Laabid (La République en Marche - Ille-et-Vilaine )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > crimes, délits et contraventions

Titre > lutte contre la prostitution des mineurs

Question publiée au JO le : 28/03/2019
Réponse publiée au JO le : 28/03/2019 page : 3161

Texte de la question

Texte de la réponse

LUTTE CONTRE LA PROSTITUTION DES MINEURS


M. le président. La parole est à M. Mustapha Laabid.

M. Mustapha Laabid. Madame la garde des sceaux, il y a quelques mois, j'ai reçu dans ma permanence, à Rennes, deux mamans très courageuses dont les filles, âgées de treize et quatorze ans, étaient victimes de proxénètes. J'ai écouté le désespoir et la colère de ces mères inconsolables face à une situation dont je tairai ici les détails glauques et sordides.

La situation qui motive l'appel à l'aide de ces deux mamans n'est pas un cas unique : elle est partagée par des milliers de familles en France, où il y aurait aujourd'hui 5 000 à 8 000 mineurs victimes de proxénètes, et le phénomène est en pleine expansion.

J'ai pris l'initiative d'auditionner des juges pour enfants, des procureurs, des policiers, la brigade des mineurs, des professionnels de l'aide sociale à l'enfance et des associations comme le COFRADE, le Conseil français des associations pour les droits de l'enfant, ou ACPE – Agir contre la prostitution des enfants –, engagées contre la prostitution des mineurs. Ils tirent tous la sonnette d'alarme.

Souvent, inconsciemment – pour se protéger de l'horreur, peut-être –, notre premier réflexe est d'imaginer qu'il s'agit de migrants qui viennent d'Afrique ou d'Europe de l'Est. Ainsi, nous nous sentons un peu moins concernés. Pourtant, mes chers collègues, le phénomène touche aussi des enfants nés en France, scolarisés en France, et de toutes les catégories sociales.

Qu'ils soient mineurs étrangers ou mineurs français, pris dans un réseau ou non, nous devons agir maintenant et frapper fort ! (Applaudissements sur tous les bancs.) Aujourd'hui, devant un juge, un proxénète risque moins qu'un trafiquant de drogue. En outre, internet facilite la prostitution des mineurs : annonces en ligne, Airbnb, Uber, compte Nickel, voilà les nouveaux outils des réseaux mafieux qui investissent ce marché très lucratif.

Ce modèle inédit d'exploitation des mineurs appelle des adaptations. Madame la ministre, quel arsenal mettre en œuvre pour endiguer le phénomène ? (Mêmes mouvements.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. La situation que vous décrivez, monsieur le député, est absolument intolérable ; vous avez raison de le souligner. Le ministère de la justice est particulièrement mobilisé contre la prostitution des mineurs.

Vous l'avez dit, nous sommes confrontés à de véritables réseaux transnationaux qui relèvent de la criminalité organisée. La lutte contre la traite des êtres humains, cet esclavage moderne, est donc pour moi une priorité.

Après des circulaires très fermes adressées aux parquets en 2015 et 2016, les services de la chancellerie sont aujourd'hui très mobilisés. Ils travaillent en étroite collaboration avec leurs partenaires et homologues européens. Par exemple, jeudi dernier, une réunion avec nos homologues roumains à ce sujet s'est tenue dans les services de la chancellerie.

Par ailleurs, un travail interministériel est également conduit dans le cadre de l'élaboration des plans nationaux de lutte contre la traite des êtres humains, coordonnés par la mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains. Un nouveau plan est d'ailleurs en voie de finalisation.

Vous avez raison de souligner que la prostitution des mineurs se développe aujourd'hui très largement du fait des réseaux sociaux et qu'elle touche des enfants issus de milieux différents. Une prise de conscience est nécessaire ; par votre action, vous y contribuez beaucoup, ce dont je vous remercie.

Notre arsenal juridique national est aujourd'hui solide et je ne suis pas certaine qu'il soit nécessaire de modifier nos textes. Au niveau européen, en revanche, il faut améliorer l'accès des magistrats et des enquêteurs aux preuves électroniques afin de mieux identifier ceux qui créent – souvent à l'étranger – des sites internet favorisant ce type de prostitution des mineurs ainsi que les individus qui se connectent à ces sites. Ce travail est engagé ; j'espère qu'avec vous, mesdames et messieurs les députés, nous pourrons faire en sorte que les textes nécessaires soient adoptés rapidement. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et SOC.)