15ème législature

Question N° 2549
de M. Jean-Pierre Door (Les Républicains - Loiret )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Premier ministre
Ministère attributaire > Premier ministre

Rubrique > retraites : généralités

Titre > Réforme des retraites

Question publiée au JO le : 08/01/2020
Réponse publiée au JO le : 08/01/2020 page : 45

Texte de la question

Texte de la réponse

RÉFORME DES RETRAITES


M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. Monsieur le Premier ministre, vous n’avez pas répondu à la question de M. Woerth : en quelle année les cheminots devront-ils travailler jusqu’à 62 ans ?

Parler de réforme des retraites, c'est inquiéter 30 millions d'actifs sans pour autant rassurer 17 millions de retraités.

La droite a toujours été au rendez-vous sur la réforme des retraites. Si nous pourrions nous accorder avec le Gouvernement sur quelques points, nous n'acceptons pas tout. L'amateurisme de la méthode et le flou entretenu ont créé le désordre social. La facture économique qui en résulte pèse sur l'activité économique, notamment sur le secteur du tourisme, et plus généralement sur chaque Français. Certaines entreprises se trouveront en grande difficulté.

Monsieur le Premier ministre, à vouloir créer une caisse unique, vous allez éradiquer de la surface de la Terre des systèmes qui marchent bien et qui ne demandent rien. J'évoque ici les régimes autonomes des professions indépendantes – avocats, qui manifestent aujourd’hui, médecins, infirmières, dentistes, pharmaciens, kinésithérapeutes. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR ainsi que parmi les députés non inscrits.) Ce sont des centaines de milliers de professionnels qui se révoltent. Leurs régimes de retraite sont bien gérés ; ils sont dotés de réserves conséquentes, ils sont excédentaires et n’ont jamais reçu l’aide de l'État – qu’ils n’ont jamais demandée – mais participent aux efforts de solidarité. Ils appliquent également des taux de cotisations inférieurs à ceux des salariés.

Le Gouvernement ne répond pas à leurs interrogations. Personne ne les a reçus, et c’est pourquoi je vous pose leurs questions. Que se passera-t-il lorsque leurs caisses seront dissoutes ? Qui gérera leur trésorerie, leurs réserves, souvent constituées d'un patrimoine immobilier ? Quel sera leur niveau de retraite ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Je réponds avec d'autant plus de plaisir, monsieur le député, que vous me donnez l'occasion de répondre à la question de M. Woerth. (« Ah ! Enfin ! » sur les bancs du groupe LR.) J'avais déjà été long dans ma première réponse… (Exclamations sur les bancs du groupe LR. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

Les règles de transition prévues par la réforme ont été expliquées, présentées de façon très claire, et elles seront inscrites dans le projet de loi qui sera débattu ici même. Le principe que nous avons retenu – je reconnais qu'il n'est pas facile à garder en tête – c'est que les règles changent pour les gens qui sont, en 2020, à plus de dix-sept ans de leur départ à la retraite.

En créant ce système universel, nous avons voulu respecter les situations individuelles, les choix professionnels, et d'ailleurs souvent les choix familiaux, les choix d'investissement et d'organisation familiale qui ont pu être opérés légitimement par des femmes et des hommes qui, informés d'un régime existant, en ont tenu compte.

M. Christian Jacob. La question était claire !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Je crois, monsieur Jacob, que ma réponse l'est aussi. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.) Je le redis, la réforme s'appliquera à ceux qui sont en 2020 à plus de dix-sept ans de la retraite, autrement dit la génération 1975 pour le régime général, ou pour ceux des agents de la SNCF qui sont au statut, par exemple les agents de conduite, la génération 1985.

Je ne peux vraiment pas être plus clair. C'est un système universel ; c'est aussi un système qui permet des transitions souples. J'ai toujours dit que celles-ci ne seraient jamais brutales. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LaREM.)

Monsieur Door, je dois aussi répondre à votre question. Vous m'interrogez sur les inquiétudes suscitées par la réforme des retraites. Vous savez comme moi qu'à chaque fois qu'un gouvernement, souvent pour d'excellentes raisons, est conduit à « toucher » au système des retraites, il suscite l'inquiétude, l'opposition, la mobilisation. Nous avons tous en tête des exemples de mobilisations considérables qui sont intervenues en 2010, en 2003, en 1995. Elles ne peuvent pas vous surprendre ; elles ne me surprennent pas. Mais nous indiquent-elles qu'il ne faudrait rien changer à notre système ? Bien sûr que non ! Vous n'en pensez rien, et vous savez très bien que lorsque l'on veut corriger, améliorer, sauvegarder le système, il faut avoir le courage de dire ce que l'on veut faire.

Le Président de la République s'est engagé sur ce sujet pendant la campagne présidentielle ; les candidats aux élections législatives qui forment aujourd'hui la majorité se sont également engagés. Nous faisons ce à quoi nous nous sommes engagés. Il n'y a là rien que de très normal.

Je vous rejoins bien volontiers sur le fait que, dans la recherche – importante – de l'équilibre financier, nous avons exclu la piste de la baisse des pensions. (Protestations sur les bancs du groupe LR.) Nous ne voulons pas d'une baisse des pensions.

M. Pierre-Henri Dumont. En désindexant les retraites de l'inflation, c'est pourtant bien ce que vous faites !

M. Pierre Cordier. Nous n'avons pas oublié la hausse de la CSG des retraités !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous créons un système qui permettra de sauvegarder les pensions futures, tout comme celles qui sont aujourd'hui versées. L'érosion démographique n'est pas terminée, vous le savez ; et pour traiter ce problème, ce système universel apporte des réponses qui sont bien plus convaincantes que la coexistence de quarante-deux régimes.

Vous parlez enfin des réserves des régimes autonomes. J'ai indiqué, lorsque j'ai présenté la réforme au Conseil économique, social et environnemental, que les réserves constituées par les régimes autonomes avaient vocation à servir la transition des régimes autonomes. Ce sera inscrit dans le projet de loi, et donc discuté ici même.

Si nous voulions agir autrement, nous ne le pourrions d'ailleurs sans doute pas, pour des raisons juridiques, et c'est très bien ainsi.

Quant à l'idée selon laquelle les différentes professions n'auraient pas été reçues, je me permets de vous indiquer qu'elles l'ont été, et à de nombreuses reprises, tant par le haut-commissaire aux retraites Jean-Paul Delevoye que par les ministres compétents. Je ne dis pas que toutes les questions posées ont reçu des réponses qui satisfaisaient ceux qui les posaient ; mais ils ont bien entendu été reçus, et entendus.

Le projet de loi qui sera soumis à l'examen du Parlement permettra, je le crois, d'apporter des réponses à l'ensemble des questions que vous posez. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ainsi que sur plusieurs bancs du groupe MODEM.)