15ème législature

Question N° 27591
de Mme Emmanuelle Ménard (Non inscrit - Hérault )
Question écrite
Ministère interrogé > Intérieur
Ministère attributaire > Intérieur

Rubrique > sécurité des biens et des personnes

Titre > Numéro unique d'appel d'urgence

Question publiée au JO le : 17/03/2020 page : 2088
Réponse publiée au JO le : 08/09/2020 page : 6111
Date de changement d'attribution: 07/07/2020

Texte de la question

Mme Emmanuelle Ménard attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la préconisation de la mission de préfiguration du service d'accès aux soins (SAS) de créer un numéro d'appel 113, mesure phare du « pacte de refondation des urgences » qui a été remise en décembre 2019 à Mme la ministre des solidarités et de la santé. En effet, si l'ensemble des acteurs du secours et de la santé ont salué la volonté de mettre en place un accès unifié aux demandes de soins non programmés, la création de ce nouveau numéro d'appel 113 ne répond guère aux attentes des services opérationnels. D'une part, il risque d'introduire une analogie avec le numéro d'urgence 112 et d'autre part, il pourrait entraîner une surcharge de travail aux SAMU alors qu'ils connaissent déjà des difficultés majeures à répondre aujourd'hui aux sollicitations, tout cela sans aucune prévision de budgétisation de ces probables nouvelles dépenses. Or le système actuel des numéros d'urgence en France manque cruellement de visibilité avec la juxtaposition de treize numéros d'appels d'urgence (18, 17, 15, 112, 115). À cet égard, la volonté exprimée, le 6 octobre 2017, par le Président de la République de mettre en place, en France, un numéro d'appel d'urgence unique avait été particulièrement bien accueillie par les services de secours. Un numéro unique permettrait une meilleure lisibilité et une efficacité accrue des interventions. Les sapeurs-pompiers comme certains syndicats de médecins généralistes demandent déjà que le numéro 112 puisse répondre dans les meilleurs délais à tous les « appels aux secours » ; un système qui permettrait d'être en capacité de répondre en quelques secondes et d'engager sans délai les ressources opérationnelles correspondant à la requête. Or le 112 n'est pas mis en avant auprès du grand public et a longtemps été considéré comme anecdotique par les acteurs du secteur. Pourtant, de nombreux usagers ont toujours du mal à faire le discernement entre, notamment, le 15 et 18. À titre d'exemple, seuls 2 % environ des appels reçus au 15 entraînent l'intervention d'une unité mobile hospitalière (SMUR) du fait de nombreuses communications ne relevant pas de sa compétence, ce qui nuit à son efficacité et empêche d'apporter une réponse rapide aux situations d'urgence immédiate. Plusieurs professionnels du secteur s'inquiètent donc de cette possibilité de créer un numéro 113 juxtaposé à un 112 en manque de visibilité et qui perdrait en outre sa vocation universelle et ne ferait que recréer le modèle actuel du 15/18 qui ne répond plus aux besoins des usagers. Par ailleurs, il apparaît nécessaire de poursuivre le développement des plateformes interservices entre police nationale, gendarmerie ou sapeurs-pompiers afin d'améliorer la réponse opérationnelle mais également de mutualiser les moyens. Plusieurs acteurs du secteur préconisent un maillage départemental pour ce type de plateformes. Dans l'Hérault, les sapeurs-pompiers disposent dorénavant d'un centre d'appel commun avec le SAMU vers lequel transitent tous les appels 18, 15 et 112. En revanche, si les appels au 17 (police-secours) sont également départementalisés, ils restent séparés entre les zones police et gendarmerie. D'ailleurs, régulièrement, les nombreux appels au 17, qui sont essentiellement émis via les réseaux de téléphonie mobile, n'arrivent pas dans le bon service d'urgence car orientés vers la police nationale ou la gendarmerie en fonction de l'implantation de l'antenne relais de connexion et non de l'adresse réelle des faits. Ainsi, et même s'il existe une liaison entre ces centres d'appels, la perte en efficacité est réelle et particulièrement préjudiciable aux secours apportés. Elle lui demande donc quelles suites il entend donner à cette préconisation de création du numéro 113 et s'il compte poursuivre la réforme nécessaire des appels d'urgence afin de répondre aux attentes des professionnels du secours.

Texte de la réponse

La mise en place en l'an 2000 du numéro d'urgence 112, dans l'ensemble de l'Union européenne a incité de nombreux pays membres à moderniser leur organisation de gestion des appels d'urgence autour de ce nouveau numéro, à l'image de l'Espagne, du Portugal, du Luxembourg, de la Finlande ou de la Suède, qui n'en ont conservé qu'un seul en règle générale. Le 112 est également en service sur l'ensemble du territoire national. Ce numéro d'urgence aboutit aux services d'incendie et de secours dans 80 % des cas (plateformes communes comprises) et dans 20 % au sein des services d'aide médicale urgente. La directive européenne 2018/1972 en date du 11 novembre 2018 réaffirme le principe du 112, comme numéro commun européen pour joindre les services d'urgence. Sa transposition est en cours sur le territoire national. Pour répondre aux problématiques organisationnelles, opérationnelles, technologiques et financières inhérentes à l'hétérogénéité du système actuel, le Président de la République a émis le souhait lors de son discours du 6 octobre 2017 que soit modernisé et rationalisé la gestion des appels d'urgence par la création de plateformes communes de gestion des appels d'urgence. Cette priorité affichée permettra de simplifier l'accès aux services d'urgence avec une plus grande lisibilité et visibilité, tout en veillant à ce que les moyens alloués le soient de manière efficace. En outre, la mutualisation des plateformes nous rapprochera des standards européens et internationaux, déjà adoptés par un grand nombre de pays. A la demande du cabinet du Premier ministre, des travaux ont été engagés par la mission interministérielle de modernisation des appels d'urgence pilotée par deux personnalités qualifiées désignées par le ministre des solidarités et de la santé et le ministre de l'intérieur. La vocation du programme MARCUS (Modernisation de l'Accessibilité et de la Réception des Communications d'Urgence pour la Sécurité, la Santé et les Secours) initiée au mois de juillet 2019 est d'apporter une réponse à la décision présidentielle supra. Avant de recourir au 112 comme numéro unique d'appel d'urgence, il convient de réaliser, au préalable, un inventaire précis des questions organisationnelles, opérationnelles, techniques et juridiques que pose cette mise en commun. L'unification des plates-formes de réception des appels d'urgence constitue en effet un enjeu structurant, qui sous-tend un examen des évolutions techniques nécessaires, des interrogations concernant l'organisation future de l'ensemble des services de secours, des problématiques de partage de responsabilité et des questionnements relatifs à la rencontre de cultures professionnelles différentes. L'équipe intégrée MARCUS, associant l'ensemble des acteurs concernés, a procédé à l'étude de ces questions nécessitant aujourd'hui d'être confirmée par une phase d'expérimentation. Indépendamment du modus operandi restant à arbitrer par le Gouvernement, des dénominateurs communs pour répondre à l'amélioration du traitement des communications d'urgence ont été recommandés. Ainsi, les travaux MARCUS ont objectivé la nécessité d'instaurer un premier niveau de décroché des appels afin de répondre à l'impératif d'accessibilité de la population dans des délais compatibles avec l'urgence. Les objectifs opérationnels sont d'assurer un décroché de l'appel conforme aux objectifs de performance, un filtrage et une orientation priorisée vers un deuxième niveau constitué des forces de sécurité ou de secours dans un délai moyen de traitement de 30 secondes pour les appels justifiant d'une instruction. Le traitement bi-niveau est en effet un facteur d'amélioration de la performance. Il prouve particulièrement son efficacité dans les situations nécessitant le traitement de gros volumes d'appels. Il est cependant nécessaire de souligner que la performance d'un tel dispositif est conditionnée à la fluidité du premier niveau qu'il convient de piloter à l'échelle supra-départementale. Ce modèle est respectueux des plateformes actuelles 15-18 ainsi que des reconcentrations en projet. Pour être précisé, il devrait faire l'objet d'une expérimentation en raison des profonds impacts qu'il suppose en termes de gouvernance, de territorialité, de doctrine, de processus métiers, de systèmes d'information, etc., qui concerneront tous les services concourant à la gestion des appels d'urgence et leurs interlocuteurs (citoyens, élus, représentants de l'Etat, etc.). En conséquence, il est désormais souhaitable que des expérimentations soient menées sur un ou deux territoires. Elles permettront de préciser le modèle d'organisation qui sera définitivement retenu grâce à une confrontation aux réalités opérationnelles. Cette phase expérimentale permettra de mesurer les améliorations et les gains observés aussi bien en termes de qualité de service, de réponse à l'urgence que de coordination inter-services, particulièrement avec ceux du ministère des solidarités et de la santé. Le découpage territorial de la réception des appels est un point de vigilance particulier de l'expérimentation, afin qu'elle s'adapte aux contingences du terrain. Des échanges interministériels sont en cours, notamment avec le ministère des solidarités et de la santé, pour préciser les modalités de mise en oeuvre du numéro unique 112 et déterminer les contours de sa mise en oeuvre via l'expérimentaion. La mise en place du numéro unique permettra de mobiliser les différents acteurs de l'urgence au travers d'une organisation de tous les maillons qui soit la plus efficiente possible dans l'intérêt du citoyen. Cette organisation n'est bien sûr pas exclusive d'un numéro pour l'accès aux soins non urgents, comme le 116 117 testé sur quelques territoires actuellement.