15ème législature

Question N° 2790
de M. Gilles Le Gendre (La République en Marche - Paris )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Premier ministre
Ministère attributaire > Premier ministre

Rubrique > Gouvernement

Titre > Lutte contre l'épidémie

Question publiée au JO le : 19/03/2020
Réponse publiée au JO le : 19/03/2020 page : 2482

Texte de la question

Texte de la réponse

LUTTE CONTRE L'ÉPIDÉMIE


M. le président. La parole est à M. Gilles Le Gendre.

M. Gilles Le Gendre. Monsieur le Premier ministre, jamais aucun de vos prédécesseurs n'avait affronté une épreuve comparable à la crise sanitaire, cause de tant de morts, qui frappe la France et le monde. Jamais notre pays n'avait subi un arrêt aussi brutal de son activité, avec des conséquences économiques imprévisibles. Jamais nos concitoyens n'avaient été aussi directement responsables de leur propre vie, par le moyen de gestes simples, qu'ils sont néanmoins encore trop nombreux à refuser d'accomplir. Ce caractère triplement inédit de la situation montre la complexité de votre tâche, et aussi la difficulté de la nôtre dans l'exercice de notre devoir constitutionnel de contrôle de l'action gouvernementale.

Aujourd'hui, l'action publique est sous le feu de nombreuses interpellations, qui sont autant d'exutoires à l'anxiété qui habite chacune et chacun d'entre nous. Premièrement, nous sommes-nous préparés assez tôt pour nous défendre contre le coronavirus ? Deuxièmement, notre organisation administrative et politique est-elle adaptée pour gérer des drames de cette ampleur ? Troisièmement, notre système de santé publique est-il à la hauteur du dévouement des personnels soignants qui le font fonctionner ? Quatrièmement, la confiance – nécessaire – entre les décideurs politiques et les représentants du monde médical ne pâtit-elle pas d'une construction trop récente ?

Depuis le début de cette crise, nous sommes tous sensibles à la promesse de transparence que vous nous avez faite et que vous n'avez jamais trahie. Si cette transparence rend vain tout esprit polémique, ce dont il faut se réjouir, elle doit vous engager à nous dire, monsieur le Premier ministre, si notre pays a réellement mis toutes les chances de son côté pour gagner ce que le Président de la République a appelé la « guerre ».

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Vous avez raison, monsieur le président Le Gendre : notre pays est confronté à une crise sanitaire comme il n'en a pas connu depuis probablement un siècle – et il faut que cette expression prenne tout son sens. D'ailleurs, il n'y a pas que notre pays qui soit dans ce cas de figure : c'est vrai aussi pour l'Italie, pour l'Espagne, pour le Royaume-Uni, pour l'Allemagne ; c'est vrai partout en Europe et il est probable que cela finira par être vrai partout dans le monde.

Notre système de santé, tel qu'il est construit, est-il capable, compte tenu de ce que nous savons de cette maladie, de faire face à un afflux concomitant de cas sévères ? La réponse est non ; mais aucun système au monde ne pourrait faire face à l'afflux massif et simultané de cas exigeant une réanimation ou un accueil dans un service de soins intensifs. C'est d'ailleurs pourquoi on adopte partout en Europe, même si c'est parfois à quelques jours d'intervalle, les mêmes solutions, à savoir faire la promotion des gestes barrières, augmenter la capacité d'accueil des établissements hospitaliers, accueillir autant que possible dans de bonnes conditions les cas sévères, et placer en confinement la plus grande partie de la population, après avoir fermé les écoles, quand le virus commence à circuler trop rapidement.

Il est intéressant de constater qu'alors qu'au tout début de la crise sanitaire, les approches divergeaient, ce sont vers les mêmes solutions que se tournent désormais tous les responsables nationaux. Songez que dès la fin du mois de janvier et le début du mois de février, nous avons, nous, gouvernement français, voulu mobiliser nos homologues européens ministres de l'intérieur et de la santé pour définir collectivement des éléments de réponse coordonnée et que, lorsque nous avons milité pour l'organisation de telles réunions – le ministre des solidarités et de la santé peut en témoigner –, nombre de ministres de la santé des États de l'Union européenne nous ont répondu : « Pourquoi voulez-vous que nous organisions ces réunions ? Il n'y a aucun cas chez nous, il n'y a pas urgence ! » Ce que je vous dis est vrai : nous avons eu très tôt conscience que l'épidémie inéluctable aurait des conséquences massives et nous avons essayé de coordonner les actions, mais certains ont donné le sentiment de ne pas avoir saisi la gravité de la situation.

Au moment où je vous parle, tout le monde, y compris le Royaume-Uni, qui avait initialement adopté une stratégie un peu différente, reconnaît progressivement la nécessité du confinement – même si c'est chacun avec ses mots et en fonction des caractéristiques propres à son pays. Ainsi, hier soir, la chancelière Merkel, eu égard à l'histoire de son pays, n'a pas voulu imposer le confinement, mais elle a recommandé très vivement à ses concitoyens de rester chez eux, c'est-à-dire qu'elle apporte une réponse comparable à celle que nous avons apportée.

Autrement dit, l'ensemble des pays qui sont confrontés à cette crise sanitaire ont compris qu'il fallait à la fois confiner les personnes chez elles, multiplier les gestes barrières, augmenter les capacités d'accueil dans les hôpitaux et mobiliser l'ensemble du système pour faire en sorte de lisser autant que possible le pic épidémique. Et, pour notre part, c'est ce que nous faisons, de manière résolue, en pensant aux plus fragiles, en accompagnant dans toute la mesure du possible ceux qui sont en première ligne, en mobilisant les énergies dans tout le territoire national – j'en profite pour rebondir sur la question posée par Pierre Dharréville au sujet des respirateurs : il faut que l'industrie nationale, qui, j'y insiste, doit continuer à fonctionner, puisse nous aider à équiper tous ceux qui doivent l'être.

Voilà le défi que nous devons relever. L'enjeu est d'une extrême importance. Il s'agit d'une responsabilité considérable, qui ne pèse pas uniquement sur les épaules du chef du Gouvernement ou des membres du Gouvernement, mais qui concerne tous ceux qui parlent à nos concitoyens, tous ceux qui agissent au service de nos concitoyens. Dans ce combat, fort heureusement, personne n'est seul.