Rubrique > logement
Titre > Pour une plus juste répartition des logements sociaux
M. Fabien Matras attire l'attention de Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales sur la nécessité de renforcer la politique d'une plus juste attribution des logements sociaux situés dans les quartiers attractifs, en vue de répondre aux objectifs de mixité sociale et d'égalité des chances. De jure, la loi a consacré la nécessité d'accroître l'offre sociale et de mieux la répartir spatialement pour mieux lutter contre les formes de ségrégation résidentielle, entendue comme l'inégale répartition géographique de l'habitat des populations ou des catégories sociales. Depuis les années 2000, cette problématique a été au cœur des politiques publiques. La loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, notamment, a permis à l'État d'apporter une première série de réponses face aux exigences de mixité sociale et du droit au logement en imposant un pourcentage d'offres de logement social, sous peine de sanctions pour les communes qui ne s'y soumettraient pas. Cette loi a été la première étape dans la juste répartition du parc social à l'échelle nationale. Elle a permis de créer un parc social important mais qui souffre néanmoins d'un défaut de répartition. La loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté, en plus de renforcer le dispositif juridique déjà présent en la matière, a considéré la problématique à l'échelle locale, c'est-à-dire en tentant de mieux répartir les ménages dont les statuts sociaux diffèrent dans le parc existant. En instituant l'obligation pour un bailleur social d'attribuer à 25 % des ménages les plus modestes un logement se situant hors d'un quartier prioritaire de la ville, les pouvoirs publics ont permis une réelle avancée et ont, au demeurant, dévoilé toutes les conséquences que pouvait engendrer un parc social dans lequel les ménages ayant un statut social précaire seraient surreprésentés et concentrés. Enfin, l'ordonnance n° 2019-453 du 15 mai 2019 autorise les organismes d'habitation à loyers modérés à mettre en place, à titre expérimental et pendant une durée de cinq ans, une politique des loyers dérogatoire par rapport au droit en vigueur. Les organismes HLM peuvent ainsi, s'ils le souhaitent, fixer des loyers indépendamment du mode de financement initial du logement afin, en particulier, d'accueillir dans certains quartiers des ménages modestes. Ces avancées considérables sont la démonstration des réels enjeux qui se cachent derrière l'état du parc social. De facto la situation est néanmoins plus nuancée : la tendance à la concentration des ménages aux revenus les plus modestes dans des zones géographiques où la sociologie des ménages compose de manière homogène un groupe social plus exposé aux précarités, et notamment celles résultant des politiques de logement, est encore une réalité. Aujourd'hui, pour la combler, il ne suffirait pas seulement de créer davantage de logements mais également de les attribuer autrement : jusqu'alors aux ménages dont les revenus sont les plus faibles sont généralement attribués des logements sociaux dans des quartiers prioritaires, à l'inverse, les ménages aux revenus plus élevés bénéficient de logements sociaux dans les quartiers attractifs. En effet, la répartition des habitations à loyers modérés sur un même espace de vie a un impact direct sur la mixité sociale. La question d'une ségrégation résidentielle cristallise ainsi les problématiques liées au modèle de réussite intrinsèquement associé à l'idéal méritocratique, ainsi qu'à la cohésion entre les territoires. Or, pour les ménages à faibles revenus, on observe que les quartiers prioritaires de la ville constituent bien souvent la principale offre de logement. En ce sens, cette politique d'attribution ne porte pas encore toutes les ambitions en matière d'égalité des chances républicaines. En effet, cette inégalité spatiale a des conséquences très nettes dans le secteur de l'éducation, de l'enseignement supérieur ainsi que du travail : du fait de la politique de sectorisation, les collèges et lycées les plus proches de ces quartiers accueillent les étudiants dont le statut social des parents est similaire. Parallèlement, des études ont révélé que le lieu de résidence était également source de discrimination dans le marché du travail, ce qui en conséquence fragilise les parcours en matière de mobilité sociale alors même que les pouvoirs publics mettent en œuvre d'importants dispositifs pour la favoriser. Ainsi, cet état de fait participe à une homogénéisation des profils sur une même zone géographique et tend à créer une société à deux vitesses. En ce sens, il l'interpelle quant aux possibilités de renforcer les dispositions du droit qui sont certes nécessaires mais insuffisantes pour arriver à l'égalité réelle des territoires. Il la questionne notamment sur la possibilité d'étendre le dispositif mis en place par la loi égalité et citoyenneté, en augmentant le pourcentage d'attribution des logements sociaux existant hors quartiers prioritaires aux ménages dont les revenus sont les plus faibles.