15ème législature

Question N° 3401
de Mme Danièle Cazarian (La République en Marche - Rhône )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Europe et affaires étrangères
Ministère attributaire > Europe et affaires étrangères

Rubrique > politique extérieure

Titre > Situation des le Haut-Karabagh

Question publiée au JO le : 14/10/2020
Réponse publiée au JO le : 14/10/2020 page : 7204

Texte de la question

Texte de la réponse

SITUATION DANS LE HAUT-KARABAKH


M. le président. La parole est à Mme Danièle Cazarian.

Mme Danièle Cazarian. Monsieur le ministre des affaires étrangères, dans quelques heures s'achèvera le seizième jour de guerre au Haut-Karabakh : seize jours et seize nuits d'horreur, de bombardements délibérés des populations civiles d'Artsakh et d'Arménie. Les journalistes envoyés sur place parlent d'un déluge de missiles, de villes devenues fantômes, de l'enfer de Stepanakert, la capitale. Amnesty International a, de son côté, dénoncé l'usage d'armes à sous-munitions, ces armes qui n'ont pour objet que la destruction aveugle des populations civiles. Des crimes de guerre sont commis en ce moment-même au Haut-Karabakh. C'est la mort qui attend les Arméniens.

Depuis seize jours, les pays qui président le groupe de Minsk, au premier rang desquels la France, appellent à un cessez le feu et haussent le ton. Je sais que la diplomatie française et vous-même ne ménagez pas vos efforts mais la donne a changé. L'Azerbaïdjan est désormais soutenue par la Turquie qui lui apporte une aide diplomatique et militaire, la fournit en armes, en drones et en stratèges de guerre.

Le Président de la République a clairement affirmé que l'offensive azerbaïdjanaise était injustifiée, que l'envoi de mercenaires djihadistes par la Turquie constituait le franchissement d'une ligne rouge et qu'il ne l'accepterait pas. Il est temps de dire stop au bellicisme d'Ankara, porteur d'un risque majeur d'internationalisation du conflit, comme l'a souligné l'Union européenne. (M. Guillaume Larrivé applaudit.)

Monsieur le ministre, face à ces constats, une position de stricte neutralité n'est plus tenable. Au Haut-Karabakh, ce sont nos amis qui combattent dans un rapport de force inégal. Vous connaissez mon histoire de petite-fille de rescapés du génocide arménien, mais dans cet hémicycle, sur tous les bancs, dans un consensus inédit de la représentation nationale, je veux le dire haut et fort : nous sommes tous des Arméniens. Dans toute la France, nos collectivités s'investissent, des régions, des départements, des communes votent jour après jour… (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Vous faites référence au conflit du Haut-Karabakh,…

M. Pierre Cordier. Oui c'est bien ça !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . …l'un des plus graves depuis l'effondrement de l'URSS. De nombreuses victimes civiles sont à déplorer. Vous avez rappelé que le Président de la République s'était exprimé…

M. Pierre Cordier. Qui a eu peur ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . …sur les conséquences graves de l'internationalisation de ce conflit, internationalisation engagée par la Turquie au travers de livraisons d'armes et de l'envoi de mercenaires.

J'entends souligner trois points en réponse à votre intervention. D'abord, je comprends l'émotion que suscite en France ce conflit, avec toutes ses victimes et le ciblage inacceptable des populations civiles.

M. Jérôme Lambert. De part et d'autre !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . Cette émotion légitime exprime la proximité des liens humains, culturels, historiques qui nous lient à l'Arménie. Je connais votre histoire, je la respecte et je comprends votre émotion. Nous avons en effet une relation bilatérale étroite avec ce pays.

Vous le savez, nous entretenons aussi une relation de longue date avec l'Azerbaïdjan. Nous devons donc, en tant que coprésident du groupe de Minsk, utiliser des canaux bilatéraux pour faire pression sur les deux parties et consolider le cessez-le-feu conclu à Moscou dans la nuit de samedi à dimanche, en présence de mon représentant et du représentant américain, pour que les deux parties respectent strictement ce cessez-le-feu et que les affrontements cessent.

Je rappelerai un dernier point. Le mandat que l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, l'OSCE, nous a confié en 1994, ainsi qu'à la Russie et aux États-Unis, pose une exigence d'impartialité de la France dans le contexte de la crise du Haut-Karabakh. Nous ne serions plus légitimes si nous prenions parti pour l'un ou l'autre des pays. Nous ne rendrions pas service à la qualité de notre relation bilatérale avec l'Arménie si nous adoptions une posture déséquilibrée qui remettrait en cause le rôle que nous jouons dans le cadre du groupe de Minsk et l'influence que nous pouvons avoir sur chacune des parties dans cette crise. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe FI. – M. Bruno Joncour applaudit également.)

M. Jérôme Lambert. Quel esprit de décision !