15ème législature

Question N° 362
de Mme Sylvia Pinel (Non inscrit - Tarn-et-Garonne )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Travail
Ministère attributaire > Travail

Rubrique > formation professionnelle et apprentissage

Titre > Réforme de l'apprentissage

Question publiée au JO le : 29/05/2018
Réponse publiée au JO le : 06/06/2018 page : 5368

Texte de la question

Mme Sylvia Pinel attire l'attention de Mme la ministre du travail sur le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Avec un taux de chômage des jeunes de plus de 22 %, qui dépasse parfois les 50 % dans certains quartiers, la réforme présentée doit être renforcée sur plusieurs points : en premier lieu, les régions et les branches professionnels doivent disposer des leviers pertinents de pilotage et de développement de l'apprentissage au plus près des entreprises et des territoires. En deuxième lieu, la réforme doit permettre l'anticipation des besoins de compétences à l'échelle des bassins de vie et des régions, en permettant l'investissement et l'installation des CFA, en confiant aux régions et aux branches professionnelles l'élaboration d'une stratégie régionale cible pluriannuelle et modifiable annuellement. En troisième lieu, la réforme doit aussi réussir le défi de l'orientation pour attirer davantage de jeunes vers les métiers d'avenir, vers la formation professionnelle et l'alternance. Enfin, la question du financement de l'apprentissage doit s'accompagner des moyens à la hauteur des enjeux et des besoins pour les régions, il s'agit là d'une question d'équilibre et d'équité entre les territoires. Elle lui demande donc quelle est la position du Gouvernement sur ces quatre propositions.

Texte de la réponse

RÉFORME DE L'APPRENTISSAGE


M. le président. La parole est à Mme Sylvia Pinel, pour exposer sa question, n° 362, relative à la réforme de l'apprentissage.

Mme Sylvia Pinel. Le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel inclut une réforme de l'apprentissage.

Si je souscris à la nécessité de mener une réforme, il me semble, monsieur le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, que les dispositions envisagées dans ce cadre ne vont pas dans le bon sens et qu'elles portent atteinte aux outils indispensables à la préservation de l'accès à l'apprentissage sur tous nos territoires. Alors que le taux de chômage des jeunes est encore trop élevé, je crains que ces mesures ne viennent l'aggraver, notamment dans les quartiers et les territoires ruraux.

Je pense tout d'abord à la remise en cause du rôle des régions. Alors que la région bénéficie d'un lien de proximité et de confiance avec les entreprises qui rend aisée la conclusion des contrats d'apprentissage et l'anticipation des besoins des entreprises par bassin de vie, la fin du pilotage régional de la carte des formations portera nécessairement atteinte aux formations à faible effectif.

En Occitanie, ce sont 6 000 apprentis qui fréquentent des sections d'apprentissage en sous-effectif. Dans mon département, le Tarn-et-Garonne, sont concernés cinq centres de formation d'apprentis – CFA – et une vingtaine de formations, soit 29 % d'entre elles, ainsi que plus de 140 apprentis, soit 13 % d'entre eux.

Un tel choix représente un risque majeur du point de vue de l'aménagement du territoire, ce qui me paraît particulièrement inquiétant : votre réforme va faire sentir ses conséquences sur les CFA des territoires ruraux ou des quartiers, qui ont pourtant montré leur efficacité en termes d'insertion professionnelle réussie.

Votre réforme renforcera également les inégalités sociales : seules les familles les plus aisées enverront leurs enfants dans les villes et les territoires où l'offre est suffisante.

Vous prévoyez aussi de financer l'apprentissage selon un coût au contrat uniforme, fixé par les branches, ce qui met fin au pilotage précis et réactif de l'apprentissage sur les territoires.

Et que dire de la suppression des exonérations de taxe d'apprentissage, qui va accentuer la pression fiscale sur les plus petites entreprises, source majeure d'attractivité et de développement économique sur nos territoires ?

Comment comptez-vous donc prendre en considération la formation territorialisée à faible effectif, pourtant indispensable dans de nombreux départements ?

Enfin, pourquoi priver les régions de leurs compétences en la matière alors qu'elles sont, avec les entreprises, les mieux placées pour relancer l'apprentissage ? Vous le savez, monsieur le secrétaire d'État, nombre d'entre elles ont déjà obtenu de bons résultats grâce à une politique volontariste – je pourrais de nouveau prendre l'exemple de mon territoire.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Je crois que nous sommes d'accord, madame la députée, sur l'ambition, l'exigence et l'efficacité de l'apprentissage. Mais nous devons aussi nous accorder quand il s'agit de reconnaître l'échec de notre pays en matière d'accompagnement et de mise en œuvre de l'apprentissage.

Nous le savons tous, une personne ayant réussi son apprentissage a sept fois plus de chances que les autres de trouver un emploi sept mois après sa formation. Pourtant, depuis des années, nous ne regardons pas en face la réalité : l'échec numérique de l'entrée dans cette voie d'excellence. Nous avons deux fois moins d'apprentis que l'Allemagne, pays voisin.

Pourquoi ? Vous savez comme moi, puisque nous avons siégé ensemble au sein d'une précédente majorité, que, pendant très longtemps, nous nous sommes enfermés dans des positions dogmatiques qui nous ont par exemple conduit à nous opposer à propos de l'âge d'entrée dans l'apprentissage, non sans quelques caricatures auxquelles j'ai contribué et que je ne reprendrais pas aujourd'hui. Nous ne nous sommes jamais demandé si le système fonctionnait ou non.

Fort de ce constat, et afin de rompre avec ce système malthusien, le Gouvernement opère une révolution copernicienne, inspirée de ce qui fonctionne chez nos voisins européens : un système où les jeunes et les entreprises sont au centre de la définition de l'action et de l'offre d'accueil.

Il ne s'agit pas d'écarter tel ou tel, même si l'on peut s'interroger sur certaines régions – je ne cite pas la vôtre – qui reçoivent plus au titre de la taxe d'apprentissage qu'elles ne reversent pour l'apprentissage, de sorte qu'une partie des dotations peut aller à d'autres politiques, ce qui est assez étonnant étant donné l'enjeu.

Nous avons donc souhaité faire évoluer le dispositif. Nous aurons l'occasion, dès la semaine prochaine, d'entrer dans le vif du sujet, lorsque le texte viendra en discussion dans cet hémicycle et que la ministre responsable sera présente.

Nous voulons en tout cas faire évoluer le pilotage. Il n'est pas question d'en chasser les régions, qui auront toute leur place dans le dispositif, mais de faire en sorte que les branches professionnelles et leurs relais, les organismes paritaires agréés, aient la responsabilité du développement de l'apprentissage. Les régions interviendront, au titre de leurs compétences d'aménagement du territoire et de leurs compétences économiques, qui sont majeures et qu'il faut encore renforcer. Mais il importe qu'il y ait des pilotages uniques, donc des responsabilités uniques.

Les missions de l'État seront elles-mêmes redéfinies, et les modalités de planification contractuelle existantes seront centrées sur le contrat de plan régional de développement des formations et de l'orientation professionnelles, le CPRDFOP, qui veillera à coordonner les interventions dans les territoires, en lien avec l'État et les partenaires sociaux.

Nous souhaitons aussi, s'agissant de l'orientation, offrir plus de transparence aux jeunes et à leurs familles. Les CFA et les lycées professionnels devront publier leurs résultats en termes d'insertion dans le marché de l'emploi et de réussite au diplôme. Par ailleurs, nous mettons en place des actions de préparation à l'apprentissage dans les CFA. Les régions auront un rôle majeur à jouer dans l'organisation des actions d'information sur les métiers et les formations en direction des élèves. Alors que l'orientation est absolument essentielle, il n'y a pas de meilleur acteur pour travailler sur ces sujets que les régions elles-mêmes.

Enfin, le système de financement sera profondément revu. Nous proposons une nouvelle contribution unique relative à la formation professionnelle et à l'apprentissage. Sa collecte sera réalisée par un seul acteur, l'URSSAF, au lieu des cinquante-sept actuels. Nous visons également à simplifier les démarches pour le chef d'entreprise qui accueillera un apprenti. Ce sont autant d'engagements qui nous permettront d'avoir un système simple, lisible et transparent, où les acteurs sont en responsabilité. Étant donné qu'il a été approuvé en commission des affaires sociales, vous aurez l'occasion d'en débattre la semaine prochaine.

M. le président. La parole est à Mme Sylvia Pinel.

Mme Sylvia Pinel. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, pour votre réponse, même si je ne partage pas totalement votre orientation. J'attendais des précisions sur l'avenir des CFA dans le contexte des formations territorialisées en faible effectif. S'agissant des expérimentations et des politiques volontaristes menées dans certaines régions, qui ont permis d'obtenir des résultats, même si je ne peux pas vous donner les chiffres, faute de temps, nous pourrons en débattre dans l'hémicycle. J'espère que nous pourrons améliorer le texte, notamment sur la question du pilotage régional, qui me paraît essentiel en termes de proximité et d'aménagement du territoire.