15ème législature

Question N° 36400
de M. Sébastien Nadot (Non inscrit - Haute-Garonne )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > justice

Titre > Quelle justice pour Josu Urrutikoetxea ?

Question publiée au JO le : 16/02/2021 page : 1321
Réponse publiée au JO le : 16/03/2021 page : 2357

Texte de la question

M. Sébastien Nadot appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les prochaines comparutions devant des juridictions françaises de Josu Urrutikoetxea, membre historique d'ETA mais également figure déterminante de la sortie du conflit au Pays basque. M. le ministre de la justice a récemment prononcé ces mots dans l'hémicycle : « Il n'y a pas de bons ou de mauvais terroristes, il y a des terroristes ». Et l'on peut évidemment le rejoindre pour condamner sans détour toute personne qui commet des actes violents et illégaux avec l'objectif de provoquer un climat de terreur au sein de l'opinion publique, et ce, quelles que soient ses intentions les plus profondes. Un représentant de la Nation ne veut jamais avoir à entendre autre chose venant d'un ministre de la justice. Les 19 et 20 et les 21 et 22 octobre 2020, Josu Urrutikoetxea a comparu à Paris dans le cadre de deux procédures. La première a été renvoyée au 22 et 23 février 2021 et la seconde, renvoyée à l'instruction pour la troisième fois, ne sera pas jugée avant le mois de juin 2021. Dans ces deux procédures Josu Urrutikoetxea est accusé d' « infraction pour association de malfaiteurs à visée terroriste », alors même que les faits visés par ces poursuites sont en lien direct avec les préparatifs, de 2002 à 2005, des négociations de Genève, pour la première, et, pour la seconde, de 2011 à 2013, à sa participation aux négociations d'Oslo en vue de résoudre ce conflit. Dès les années 80, Josu Urrutikoetxea a travaillé à la mise en place des discussions d'Alger, avant d'être, en pleine trêve, arrêté le 11 janvier 1989 à Bayonne, quelques jours seulement avant l'ouverture de ces premières tentatives de résolution des hostilités. Élu, à partir de 1998, à deux reprises, député au parlement basque, Josu Urrutikoetxea mène pour le mouvement basque les préparatifs de 2002 à 2005, puis les négociations de Genève de 2005 à 2006 et d'Oslo de 2011 à 2013 avec l'État espagnol (à la demande de ce dernier) et avec le soutien technique du gouvernement français et le protectorat diplomatique des États suisse et norvégien, pays hôtes. Enfin, c'est lui qui annonce depuis le Centre Henry Dunant à Genève l'autodissolution de l'organisation ETA le 3 mai 2018, après qu'a été proclamée la fin de la lutte armée le 20 octobre 2011 et que les armes ont été rendues le 8 avril 2017 à Bayonne, posant ainsi les fondements inédits, de par leur caractère unilatéral, de la résolution du dernier et plus vieux conflit armé d'Europe occidentale. « Pour faire la paix avec un ennemi, on doit travailler avec cet ennemi, et cet ennemi devient votre associé » écrivait Nelson Mandela. Or, dans ces deux affaires, Josu Urrutikoetxea est accusé d'avoir été en contact avec des membres d'ETA au moment où il était détenteur d'un mandat de négociation pour amener l'ETA vers un processus de paix ! En première instance, plutôt que de mettre en regard l'acte d'accusation avec les faits connus des services de l'état français, notamment de l'Unité de coordination de la lutte anti-terroriste (UCLAT), quant à la position de négociateur pour la paix de Josu Urrutikoetxea au moment des faits qui lui sont reprochés, ce sont les 60 ans d'action armée de toute l'organisation ETA qui se sont retrouvés dans le box des accusés. La justice française, voulant brandir une sorte de trophée, a peut-être souhaité répondre à la question quasi-existentielle que posa un jour J.M.G. Le Clézio : « Que reste-t-il aux hommes, quand les guerres sont finies ? » Mais qu'a dit la justice française ce jour-là aux faiseurs de paix, à toutes celles et ceux qui ont fait leur ce combat pour la paix un peu partout sur la planète ? Que va-t-elle dire à celui qui a travaillé à la paix, celle qu'on pensait impossible, jusqu'à sa réalisation en acte ? Les prix Nobel de la paix et de littérature, les experts en résolutions de conflits, les femmes et les hommes d'États, parlementaires, magistrats, intellectuels et artistes du monde entier qui se sont unis pour demander à la France la protection et la sécurité de Josu Urrutikoetxea et de l'ensemble des négociateurs de paix ont tous chacun pris le temps long de la réflexion tant il est vrai que le cas est épineux. Mais tous sont arrivés aux mêmes conclusions : une condamnation de Josu Urrutikoetxea pour les faits qui lui sont reprochés dans ces deux « affaires » serait un coup porté aux règles élémentaires de la diplomatie et à la paix. Faut-il être des rangs des vainqueurs pour être faiseur de paix ? Y-a-t-il de bons et de mauvais faiseurs de paix ? Il souhaite connaître sa position sur le sujet.

Texte de la réponse

José URRUTICOECHEA BENGOETCHEA est prévenu du chef d'association de malfaiteurs terroriste, dans le cadre de deux procédures distinctes. Les 1er décembre 2010 et 1er juin 2017, il a été condamné par défaut à la peine de 7 ans d'emprisonnement par la cour d'appel de Paris et à la peine de 8 ans d'emprisonnement par le tribunal correctionnel de Paris du chef d'association de malfaiteurs terroriste pour des faits commis entre décembre 2002 et mai 2005 s'agissant de la première affaire et pour des faits perpétrés entre décembre 2011 et juillet 2013 pour la seconde. Il a formé opposition contre ces deux décisions et doit donc comparaître les 15 et 16 juin prochains devant le tribunal correctionnel de Paris, ainsi que les 13 et 14 septembre 2021 devant la cour d'appel de Paris. La situation de José URRUTICOECHEA BENGOETCHEA est donc soumise à l'appréciation souveraine de juges indépendants, seuls fondés à porter une appréciation sur la responsabilité pénale de celui-ci et, le cas échéant, sur la peine qui doit être prononcée. Le respect de la séparation des pouvoirs, fondement de notre démocratie, ainsi que l'article 1er de la loi du 25 juillet 2013 interdisent au garde des Sceaux d'interférer dans l'appréciation d'une situation individuelle soumise à l'autorité judiciaire.