15ème législature

Question N° 36783
de M. Sacha Houlié (La République en Marche - Vienne )
Question écrite
Ministère interrogé > Intérieur
Ministère attributaire > Intérieur

Rubrique > cycles et motocycles

Titre > Légalisation de la circulation inter-files pour les deux-roues motorisés

Question publiée au JO le : 02/03/2021 page : 1812
Réponse publiée au JO le : 06/07/2021 page : 5359

Texte de la question

M. Sacha Houlié attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la fin de l'expérimentation dans onze départements de la circulation entre les files pour les deux-roues motorisés. Le 31 janvier 2021, l'expérimentation de la circulation dite inter-files pour les deux-roues motorisés a pris fin. Contrairement à l'interprétation qui a pu être faite, il ne s'agit pas d'une interdiction de cette pratique qui n'a pas, pour l'heure, été autorisée. Toutefois, cette étape devrait conduire les pouvoirs publics à s'interroger sur l'opportunité de légaliser définitivement la circulation inter-files, comme l'ont demandé près de 15 000 motards lors des rassemblements organisés le 20 février 2021. Au terme de l'expérimentation, il est apparu que la circulation inter-files a pu être introduite dans les formations aux permis de conduire et des règles de bonne conduite ont été édictées. Ces dernières sont d'ailleurs respectées puisque le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA) observe une très forte diminution des comportements extrêmes (vitesse très excessive, attitude agressive...). Du point de vue de l'accidentologie, les rares accidents graves l'ont été à raison d'infractions aux règles de bonne conduite édictées. Par ailleurs, pour constater une augmentation d'accidents, le CEREMA n'a tenu aucun compte de la différence entre les départements expérimentant la pratique et ceux où elle n'était pas autorisée, pas plus qu'il n'a isolé les cas dans lesquels la circulation inter-files peut être pratiquée (embouteillages). Cette erreur méthodologique ne permet donc pas de tirer de conclusions définitives à ce sujet. En tout état de cause, les deux-roues motorisés expérimentent depuis maintenant deux décennies la circulation inter-files et cette pratique semble acceptée autant par les motards que par les autres usagers. Elle n'est d'ailleurs pas le seul aménagement au code de la route puisque de nombreuses dérogations ont été accordées à d'autres usagers afin de fluidifier la circulation. En conséquence, il le sollicite afin qu'il propose, dans les meilleurs délais, la légalisation de cette pratique devenue courante, ou à tout le moins une nouvelle expérimentation couvrant l'ensemble du territoire national.

Texte de la réponse

La circulation inter-files des deux-roues motorisés a été expérimentée du 1er février 2016 au 31 janvier 2021, dans les conditions prévues par le décret n° 2015-1750 du 23 décembre 2015 et par dérogation aux dispositions des articles R. 412-9, R. 412-23 et R. 412-24 du code de la route. L'objectif de cette expérimentation était d'organiser un partage apaisé de la route, respectueux de l'ensemble des usagers, et d'encadrer et de sécuriser une pratique fortement répandue chez les conducteurs de deux-roues motorisés. Cette première expérimentation a été menée dans 11 départements qui connaissent de fréquentes congestions de la circulation, le département de la Haute-Garonne ayant été retenu en sus comme site témoin. Elle concernait les autoroutes et les routes à deux chaussées séparées par un terre-plein central, dotées d'au moins deux voies chacune, où la vitesse maximale autorisée est supérieure ou égale à 70 km/h. Elle était autorisée entre les files de véhicules situées sur les deux voies les plus à gauche, lorsque la circulation, en raison de sa densité, s'était établie en files ininterrompues. La vitesse en inter-files était alors limitée à 50 km/h. En dehors de ces zones expérimentales, la circulation inter-files était restée interdite. Cette expérimentation a fait l'objet d'un rapport d'évaluation par le centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA) en janvier 2021. Ce rapport fait état de statistiques mitigées. L'accidentalité des deux-roues motorisés (2RM) a par exemple augmenté de 12 % sur les routes où l'expérimentation a eu lieu alors qu'elle a baissé de 10 % sur les autres routes des départements concernés. De l'analyse du nombre d'accidents impliquant au moins un 2RM sur le réseau expérimental rapporté au nombre d'accidents globaux impliquant au moins un 2RM sur le secteur étudié, il ressort un ratio d'accidents en très forte hausse en Gironde, tandis que sur l'ensemble des autres secteurs étudiés, une légère hausse est à relever. Les données étant faibles sur certains départements et les circonstances des accidents n'étant pas toujours connues avec exactitude, certains chiffres sont toutefois à analyser avec précaution. L'expérimentation a également présenté des effets positifs. Le rapport du CEREMA relève une amélioration générale quant au respect des vitesses des deux-roues motorisés en inter-files, même s'il reste encore minoritaire. De plus, l'expérimentation a permis de renforcer la pédagogie sur la circulation inter-files, notamment grâce à la formation des jeunes conducteurs dans les centres de conduite des zones d'expérimentation. Enfin, la circulation inter-files telle que prévue par l'expérimentation est bien acceptée par tous les usagers de la route, y compris par les conducteurs de véhicules légers. Au vu des conclusions de l'évaluation menée par le CEREMA, la circulation inter-files n'a pas pu être intégrée en l'état dans le Code de la route. Trois réunions se sont tenues entre la délégation à la Sécurité routière et les principaux représentants des usagers de deux-roues motorisés de janvier à mars 2021. Elles ont permis la définition des modalités d'une nouvelle expérimentation et des conditions dans lesquelles la circulation inter-files pourrait être enseignée durant cette phase d'expérimentation. La circulation inter-files relevant du niveau réglementaire et non du niveau législatif, un projet de décret prenant en compte ces éléments a été rédigé et est en cours d'examen au Conseil d'État.