15ème législature

Question N° 39582
de M. Raphaël Schellenberger (Les Républicains - Haut-Rhin )
Question écrite
Ministère interrogé > Culture
Ministère attributaire > Culture

Rubrique > patrimoine culturel

Titre > Inscription sur la liste du patrimoine mondial de sites funéraires

Question publiée au JO le : 15/06/2021 page : 4816
Réponse publiée au JO le : 29/06/2021 page : 5191

Texte de la question

M. Raphaël Schellenberger appelle l'attention de Mme la ministre de la culture sur le dossier d'inscription sur la liste du patrimoine mondial des « sites funéraires et mémoriels de la Première Guerre mondiale (front ouest) ». Ce dossier, porté par l'association Paysages et sites de mémoire de la Grande Guerre, propose d'inscrire au patrimoine mondial de l'Unesco 139 nécropoles militaires, rassemblant des tombes de ressortissants de plus de 100 États différents. Sont concernées les nécropoles de 14 départements français et 2 régions belges. Le dossier présente ainsi un double enjeu international et pédagogique. Le défi actuel est celui de maintenir l'intérêt des visiteurs malgré la fin du centenaire de la Première Guerre mondiale et de faire vivre un tourisme de mémoire. Par sa décision 42.COM 8B.24, le Comité du patrimoine mondial avait ajourné l'examen de la proposition. Des rapports d'experts réalisés à la demande du Comité de l'Unesco et d'ICOMOS international concluent que ces sites ne peuvent relever d'une inscription au patrimoine mondial et doivent être reconnus par des mécanismes alternatifs (sites de conscience, itinéraires culturels du Conseil de l'Europe). Cette préconisation ne tient aucunement compte du soutien apporté au dossier par un grand nombre d'États et traduit une forte réticence à l'inscription des dossiers mémoriels au patrimoine mondial. L'association, qui a reçu le soutien de Mme la ministre déléguée auprès de la ministre des armées, chargées de la mémoire et des anciens combattants, sollicite la mobilisation du Gouvernement auprès de l'Unesco. Il l'interroge donc sur sa position sur ce dossier.

Texte de la réponse

Portée par la Belgique et la France, la candidature transnationale des « sites funéraires et mémoriels de la Première Guerre mondiale (front ouest) » pour l'inscription sur la Liste du patrimoine mondial est mise en œuvre, en France, par l'association des paysages et sites de mémoire de la Grande Guerre. Ce projet est le résultat d'une intense collaboration entre le ministère de la culture en France, l'agence du patrimoine de Flandre et l'agence wallonne du patrimoine en Belgique. 139 sites composent cette candidature : 96 sont situés en France, 27 en Flandre et 16 en Wallonie. Ils témoignent de l'apparition d'un nouveau culte des morts, lequel attribue une sépulture à chaque défunt ou tout du moins un lieu qui en mentionne le nom, permettant de lui rendre hommage. La Première Guerre mondiale est le moment où l'ensemble des belligérants créent des cimetières militaires, espaces particuliers consacrés à l'inhumation, à l'hommage, au recueillement. Des modèles sont créés et perdurent jusqu'à nos jours. Tous alliés ou ennemis d'hier sont présents et sont reconnus dans leur individualité et leurs souffrances. La dimension universelle de cette proposition se traduit par la présence dans ces sites et mémoriaux des dépouilles et noms de soldats issus de tous les continents. Cette candidature a été déposée par la Belgique et la France à l'UNESCO en janvier 2017, pour être examinée par le Comité du patrimoine mondial en juillet 2018. Or, le Comité, lors de sa session au Bahreïn en juillet 2018, a décidé d'ajourner l'examen de la proposition d'inscription des « sites funéraires et mémoriels de la Première Guerre mondiale (front ouest) » et de se donner le temps d'examiner la pertinence de l'inscription sur la Liste du patrimoine mondial de sites « associés à des conflits récents et à d'autres mémoires négatives et controversées  », selon la dénomination qu'il a alors retenue. Cette décision a été prise au vu de la multiplication de l'inscription de ce type de sites sur les listes indicatives nationales de nombreux États membres. À la suite de cette décision, une commission d'experts identifiés par l'UNESCO s'est réunie les 4 et 6 décembre 2019 avec le soutien de la France. Depuis lors, trois rapports d'experts demandés par le Centre du patrimoine mondial ont été publiés au second semestre 2020 sur le sujet : le rapport de la réunion d'experts de l'UNESCO des 4 et 6 décembre 2019, un document de réflexion produit par l'ICOMOS (Conseil international des monuments et des sites) et une étude sur les sites associés aux mémoires de « conflits récents et à d'autres mémoires négatives et controversées », fruit du travail de deux chercheurs indépendants. Ces trois documents ont été présentés le 18 janvier dernier aux États parties à la Convention de 1972 lors d'une réunion spécifique d'information à l'UNESCO. Ces rapports considèrent que ces sites ne sont conformes ni à l'objet ni au champ de la Convention du patrimoine mondial et renvoient leur valorisation vers d'autres instruments internationaux, tels que les « sites de conscience » ou les « itinéraires culturels » du Conseil de l'Europe. Lors de cette réunion, plusieurs États ont néanmoins exprimé leur souhait d'être associés plus étroitement à la réflexion en créant un groupe de travail sur ce sujet. Ce point est à l'ordre du jour du prochain Comité du patrimoine mondial qui pourrait prendre une décision en ce sens lors de sa 44e session élargie qui se tiendra du 16 au 31 juillet prochain. Par ailleurs, ces rapports ont été présentés aux membres du Comité des biens français du patrimoine mondial (CFPM) le 19 janvier dernier. Il a alors été proposé d'organiser un groupe de travail au sein du CFPM pour poursuivre la réflexion nationale sur ce sujet, afin d'enrichir les débats futurs à UNESCO et de parvenir à un réexamen de cette candidature par le Comité du patrimoine mondial.