15ème législature

Question N° 424
de M. Régis Juanico (Socialistes et apparentés - Loire )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Solidarités et santé
Ministère attributaire > Solidarités et santé

Rubrique > établissements de santé

Titre > Situation de la psychiatrie à Saint-Étienne

Question publiée au JO le : 20/11/2018
Réponse publiée au JO le : 28/11/2018 page : 12783

Texte de la question

M. Régis Juanico appelle l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur la situation de la psychiatrie à Saint-Étienne. La Contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL), dans un rapport publié le 1er mars 2018, avait tiré la sonnette d'alarme sur la prise en charge des patients en psychiatrie au CHU de Saint-Étienne. Elle y pointait ainsi un « traitement inhumain ou dégradant » subi par certains patients, en raison de pratiques de contention ou d'isolement trop systématiquement utilisées. Face au caractère structurel des problèmes constatés, elle préconisait de ne « pas laisser l'établissement seul face à ses difficultés ». Parmi les « recommandations en urgence » adressées à Mme la ministre, figurait ainsi la nécessité de mettre en œuvre des moyens garantissant des hospitalisations adaptées. Les personnels réunis au sein d'un collectif « La Psy Cause », ont exprimé à de nombreuses reprises - notamment par le biais de mouvements de grève - leur désarroi de ne pouvoir prendre en charge convenablement les patients, faute de moyens et faute de temps à leur consacrer. La contention est ainsi souvent un pis-aller pour les personnels débordés. Les patients sont confrontés au manque de places en psychiatrie mais aussi dans les centres médico-psychologiques (CMP), avec des délais d'attente particulièrement insupportables pour les familles qui souhaitent prendre rendez-vous pour leurs enfants en CMPP. Le pôle de psychiatrie va pouvoir se réorganiser grâce à la construction d'un nouveau bâtiment financé à hauteur de 22 millions d'euros par l'Agence régionale de santé. La direction du CHU annonce que dix nouveaux psychiatres vont être recrutés en 2019, s'ajoutant aux sept recrutés ces derniers mois. Aussi, il lui demande quelles réponses elle entend apporter aux recommandations du CGLPL, et notamment si des moyens vont être spécifiquement apportés au CHU pour soutenir et pérenniser cette politique volontariste de recrutement.

Texte de la réponse

SITUATION DE LA PSYCHIATRIE À SAINT-ÉTIENNE


M. le président. La parole est à M. Régis Juanico, pour exposer sa question, n°  424, relative à la situation de la psychiatrie à Saint-Etienne.

M. Régis Juanico. Madame la secrétaire d'État, ma question porte sur la situation de la psychiatrie à Saint-Étienne. J'y associe mon collègue sénateur de la Loire Jean-Claude Tissot.

En mars 2018, la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, Adeline Hazan, a tiré la sonnette d'alarme à propos de la prise en charge des patients en psychiatrie au centre hospitalier universitaire – CHU – de Saint-Etienne. Elle pointait dans son rapport un « traitement inhumain ou dégradant » subi par certains patients, en raison de pratiques de contention ou d'isolement trop systématiques. Parmi les « recommandations en urgence » qu'elle a adressées à la ministre de la santé figure notamment la nécessité de garantir, par des moyens suffisants, des hospitalisations adaptées.

Le recours trop fréquent à la contention n'est malheureusement qu'une conséquence de la surcharge de travail des personnels débordés. Ils sont les premiers à dénoncer cette situation. Ainsi, à Saint-Étienne, les personnels réunis au sein du collectif Psy Cause ont exprimé à de nombreuses reprises leur désarroi face à l'impossibilité de prendre en charge convenablement les patients, faute de moyens et de temps à leur consacrer. Ils sont en grève illimitée depuis le 13 septembre.

Les patients sont confrontés au manque de places en psychiatrie, mais aussi dans les centres médico-psychologiques – CMP. Les délais d'attente sont particulièrement insupportables pour les familles qui souhaitent prendre rendez-vous pour leurs enfants, puisqu'ils peuvent atteindre un an et demi !

Il y a quinze jours, notre collègue François Ruffin a déposé une proposition de loi « visant à sortir la psychiatrie de la maltraitance budgétaire ». Je l'ai cosignée, avec plusieurs députés siégeant dans différents groupes de notre hémicycle. Comme l'illustre malheureusement le cas de Saint-Étienne, cette maltraitance budgétaire prend sur le terrain la forme d'une maltraitance bien réelle pour les patients et les professionnels.

Certes, notre pôle de psychiatrie pourra se réorganiser grâce à la construction d'un nouveau bâtiment, financé à hauteur de 22 millions d'euros par l'Agence régionale de santé – ARS –, concrétisation un projet vieux de dix ans. Mais, avant d'être immobiliers, les besoins sont humains. La direction du CHU a récemment annoncé vouloir recruter l'an prochain dix nouveaux psychiatres, qui s'ajouteraient aux sept recrutés ces derniers mois. Ce qui ressemble à une bonne nouvelle n'est pourtant pas forcément rassurant, quand on connaît bien la situation.

Certes, les conditions proposées par la direction sont attractives, sans compter que le CHU de Saint-Étienne est reconnu pour son niveau d'expertise dans plusieurs domaines et pour la qualité de sa recherche. Mais la surcharge de travail est telle que les psychiatres s'épuisent rapidement, et partent. L'une de ces médecins est même en burn out. C'est la conséquence directe d'une sous-dotation chronique. Avec 11 psychiatres pour 140 000 adultes, soit 7,8 psychiatres pour 100 000 adultes, Saint-Étienne se situe bien en dessous de la moyenne nationale, qui est de 13,5 psychiatres.

S'agissant de santé mentale, les territoires de Saint-Étienne et de la vallée de l'Ondaine ont des besoins supérieurs à la moyenne nationale car ils concentrent les facteurs de risque, comme des indices de précarité très élevés. Et pourtant, les services de psychiatrie manquent cruellement de place. La densité nationale moyenne d'équipement en lits et en places d'hospitalisation à temps complet ou partiel est de 150 pour 100 000 habitants. Avec 424 000 habitants, le territoire stéphanois devrait être doté de 630 places : il n'en a que 440.

C'est pourquoi le rapport Hazan préconisait de ne pas laisser l'établissement seul face à ses difficultés. Pour le moment, les réponses que nous espérions pour la psychiatrie, en France et à Saint-Étienne, ne sont pas à la hauteur.

Quels moyens le Gouvernement compte-t-il apporter au CHU pour répondre aux difficultés structurelles du pôle psychiatrie et aux recommandations du rapport Hazan ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le député, après avoir pris la mesure des dysfonctionnements relevés par la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, la gouvernance du centre hospitalier universitaire de Saint-Étienne a construit un plan d'action fondé sur l'ensemble des recommandations, que l'Agence régionale de santé suit de près. À ce jour, près de 60 % des actions prévues ont été réalisées, les autres étant engagées.

L'ARS a parallèlement diligenté une mission d'inspection début septembre, qui a pu notamment confirmer que la visite de la contrôleuse générale s'était déroulée au cours d'une période de très forte affluence au service d'accueil des urgences du CHU, ce qui expliquait, sans les excuser, certains de ses constats.

Des actions ont été mises en place rapidement afin d'améliorer les conditions d'accueil des patients au sein du service des urgences générales et de fluidifier le parcours des patients hospitalisés. Je pense notamment à l'augmentation de la capacité d'hospitalisation en psychiatrie avec le doublement de certaines chambres d'hospitalisation, en attendant que les nouvelles unités de psychiatrie soient construites.

Je pense aussi à la réorganisation du service des urgences psychiatriques, afin de renforcer la présence des médecins. Comme vous l'avez rappelé, monsieur le député, l'ARS soutient financièrement le CHU pour aménager, au sein du service d'accueil des urgences, un espace spécifique destiné aux patients présentant des troubles psychiatriques

Par ailleurs, d'autres actions ont été menées pour faire cesser les isolements comme les contentions non conformes à la loi et aux bonnes pratiques recommandées. Une convention avec le tribunal de grande instance est à l'étude afin de mieux définir les modalités pratiques d'audiences.

Enfin, les actions pour pourvoir les postes vacants de psychiatres ont été renforcées : elles visent à pourvoir rapidement tous les postes de personnel, médical comme non médical, non seulement dans le CHU de Saint-Étienne mais dans l'ensemble des CHU, car la problématique de la psychiatrie est malheureusement nationale.

M. le président. La parole est à M. Régis Juanico.

M. Régis Juanico. Cette réponse est insuffisante pour ce qui concerne les moyens humains. S'agissant du nombre de psychiatres, Saint-Étienne reste structurellement sous-doté. Aussi, il faudra accélérer les recrutements dans les prochains mois, madame la ministre, sans quoi nous reviendrons à la charge.