15ème législature

Question N° 42909
de M. André Villiers (UDI et Indépendants - Yonne )
Question écrite
Ministère interrogé > Autonomie
Ministère attributaire > Autonomie

Rubrique > dépendance

Titre > Comment relever les nombreux défis de la dépendance des personnes âgées ?

Question publiée au JO le : 07/12/2021 page : 8637
Réponse publiée au JO le : 26/04/2022 page : 2673

Texte de la question

M. André Villiers interroge Mme la ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l'autonomie, sur les enjeux médico-sociaux, éthiques, organisationnels et financiers de la dépendance des personnes âgées. Selon les chiffres de l'Insee et de la Drees, la problématique de la perte d'autonomie ou dépendance est la suivante : l'augmentation de l'espérance de vie (les Français ont gagné plus de 2 ans d'espérance de vie en 20 ans pour atteindre 85,1 ans pour les femmes et 79,1 pour les hommes) entraîne un vieillissement de la population (les personnes de plus de 75 ans vont passer de 9 % de la population en 2020 à 18 % en 2070 ; les personnes de plus de 85 ans vont tripler d'ici à 2050, avec l'arrivée au quatrième âge des générations du baby-boom, pour atteindre 4,8 millions, et une hausse des personnes âgées dépendantes en Ehpad comme à domicile (les seniors en perte d'autonomie vont passer de 2,49 millions en 2015 à 3,99 en 2050), alors que les places en Ehpad vont manquer (les seniors en Ehpad et assimilés vont passer de 611 000 en 2019 à 930 000 en 2050), que les ressources des ménages sont insuffisantes (le reste à charge moyen par mois pour une personne âgée en perte d'autonomie s'élève - après aides et crédits d'impôt - à 1 850 euros en Ehpad et à 60 euros à domicile) et que le coût de la dépendance s'élève déjà à 30 milliards d'euros par an aujourd'hui, auxquels il faudra ajouter 10 milliards d'euros pour faire face au vieillissement à partir de 2030. Concrètement, la dépendance concerne 40 % des personnes âgées qui décèdent. Elle bouleverse la vie familiale en mettant à contribution l'entourage. Elle place les personnes âgées sans soutien en situation de « mort sociale ». Et son coût est assumé à 20 % par les familles et à 80 % par les pouvoirs publics via différentes aides (APA, ASPA, ASH). Les options pour lutter contre la dépendance sont préventives et curatives. L'option dite du « virage domiciliaire« pour « vieillir chez soi » - souhaitable tant pour les personnes âgées que pour les finances publiques - nécessite pour sa mise en œuvre d'embaucher du personnel, de créer des services de proximité (services publics itinérants ; bibliothèque, boulangerie ou épicerie ambulante etc.), d'adapter les logements (domotique, capteurs détecteurs de chutes etc.), de moderniser l'habitat (résidences services, colocations intergénérationnelles, habitats inclusifs etc.), de repenser la place des personnes âgées dans la société en général (isolement, âgisme etc.) et dans la ville en particulier (voirie, mobiliers urbains, transports etc.). Il est aussi possible de prévenir et retarder la perte d'autonomie afin de « mieux vieillir » en passant d'une stratégie de prise en charge curative à une stratégie de prévention sanitaire, avec par exemple un bilan de santé aux âges généralement décisifs (départ en retraite, 65 ans, 70 ans). La problématique globale de la dépendance nécessite ainsi de redimensionner le système de santé, d'adapter les régimes de retraite et de prendre en charge la perte d'autonomie. Or ni la réforme de la dépendance, ni la réforme des retraites n'a été conduite depuis 2017. Et il est trop tard pour les lancer à ce stade du quinquennat et de la législature. Il lui demande donc un point de situation sur l'état de la réflexion et des options décisionnelles du Gouvernement pour relever ces nombreux défis de la dépendance des personnes âgées, à court, moyen et long termes.

Texte de la réponse

Le Gouvernement a érigé en priorité la préparation de la France au prochain choc démographique lié au vieillissement de la population, par le renforcement des politiques de soutien à l'autonomie. Face au souhait des personnes âgées de bien vieillir chez elles, le Gouvernement a impulsé un virage domiciliaire dans les politiques de soutien à l'autonomie, en renforçant les structures de maintien à domicile et la médicalisation des établissements d'hébergement pour personnes âgées les plus dépendantes. Ces priorités se sont traduites notamment à travers plusieurs textes législatifs : La loi relative à la dette sociale et l'autonomie a créé une cinquième branche à la sécurité sociale garantissant par la solidarité nationale le risque de perte d'autonomie. La loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2021 a structuré cette nouvelle branche, donc la création est historique, et lui a apporté un premier périmètre et un financement. Cette même loi vient financer 50% du coût de la prime exceptionnelle ouverte par le Gouvernement, à destination des aides à domicile. Elle mobilise également 200 millions d'euros en année pleine pour accompagner les départements à financer la moitié du coût des revalorisations salariales des aides à domicile décidées sous ce quinquennat, rehaussant les salaires de 210 000 professionnels de 15% en moyenne. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 vient renforcer les moyens de l'ensemble des structures de maintien à domicile, en définissant un tarif minimum d'intervention à 22€ par heure, permettant ainsi un rattrapage financé à 100% par l'Etat allant jusqu'à 6 € par heure dans certains départements, permettant à toutes les structures de consentir des augmentations salariales. La LFSS ouvre le bénéfice d'une dotation qualité de 5 € aux structures du domicile qui s'engagent sur des objectifs d'amélioration de la qualité de vie au travail comme de l'accompagnement des bénéficiaires et de leurs aidants. Cette même loi contribue à médicaliser les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) en augmentant de 20 000 le nombre de soignants qui y travaillent et en organisant des centres territoriaux de ressources gériatriques. Les astreintes d'infirmiers de nuit sont généralisées et chaque EHPAD doit bénéficier de la présence d'un médecin coordonnateur au moins 2 jours par semaine. Pour renforcer le vivier de personnes pouvant travailler dans ces métiers du soin, le Gouvernement a souhaité renforcer l'offre de formation notamment en soins infirmiers et aides-soignants. Dans le cadre du Ségur de la santé et du plan France Relance, une enveloppe de 200 millions d'euros est dédiée à la création de 16 000 nouvelles places d'ici 2022 au sein des instituts de formation : 6 600 pour les métiers d'infirmiers, 6 600 pour les aides-soignants, 3 400 pour les accompagnants éducatifs et sociaux. Les régions, en charge des formations sanitaires et sociales, ont accepté d'ouvrir 12 600 places pour les rentrées 2021 et 2022, dans le cadre de cette coopération avec l'Etat. L'attractivité se renforce d'abord par les salaires, qui ont bénéficié d'augmentations historiques. L'avenant 43 de la branche de l'aide à domicile a permis de revaloriser le salaire de 210 000 professionnels de 15% en moyenne, et le tarif plancher de 22 € permettra aux services privés prestataires de s'aligner. Le Ségur de la Santé, quant à lui a permis la revalorisation à hauteur de 183 € net par mois pour les personnes travaillant en EHPAD public et privé à but non lucratif et de 160 € net par mois pour ceux qui travaillent en EHPAD commercial. Des extensions progressives ont permis la revalorisation des soignants des services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) et des résidences autonomie pour 183 € net mensuel et des revalorisations des médecins coordonnateurs en EHPAD au niveau des praticiens hospitaliers. Le Ségur de la Santé ouvre également un investissement de 2,1 milliards d'euros sur 4 ans pour la rénovation des EHPAD, leur numérisation et la transformation de l'offre, afin de les rendre plus ouverts et mieux traitants. En outre, dans la continuité du plan Agir pour les Aidants, le Gouvernement a notamment souhaité renforcer les solutions de répit, étendre l'accès au congé de proche aidant créé en 2020 et l'allocation journalière de proche aidant. Pour prévenir les situations de maltraitance, le Gouvernement a introduit dans la loi relative à la protection des enfants une disposition visant à définir la maltraitance pour mieux lutter contre celle-ci, sous toutes ses formes. Le Gouvernement a également initié un grand plan consacré au renforcement des contrôles dans les établissements sociaux et médico-sociaux, afin qu'aucun signalement ne soit laissé sans réponse et qu'ils fassent le cas échéant l'objet d'un suivi. Les contrôles seront désormais organisés tous les 2 ans, les ressources humaines des agences régionales de santé étant rehaussées en conséquence d'environ 150 équivalents temps plein. La Cour des comptes et les chambres régionales des comptes pourront également se saisir de l'état des finances des groupes d'EHPAD pour prévenir tout abus. Enfin, pour prévenir la perte d'autonomie, la ministre déléguée chargée de l'autonomie a initié un grand plan anti-chutes national et triennal avec pour objectif de prévenir 20% des chutes, considérant qu'elles constituent souvent le déclenchement d'une perte d'autonomie. Ce plan vise à mieux repérer les risques de chute et alerter, accompagner la transformation des logements pour prévenir ces risques et permettre le maintien à domicile, renforcer les aides techniques à la mobilité, développer l'activité physique adaptée, et permettre un meilleur recours à la téléassistance. Le Gouvernement a donc mobilisé tous les leviers à disposition pour opérer une réforme en profondeur des politiques publiques de soutien à l'autonomie, afin de permettre à chacun de pouvoir vieillir le plus longtemps possible chez soi.