15ème législature

Question N° 43407
de Mme Sonia Krimi (La République en Marche - Manche )
Question écrite
Ministère interrogé > Mer
Ministère attributaire > Mer

Rubrique > aquaculture et pêche professionnelle

Titre > Pêcheurs - Brexit - Préoccupations

Question publiée au JO le : 11/01/2022 page : 136
Réponse publiée au JO le : 26/04/2022 page : 2771

Texte de la question

Mme Sonia Krimi attire l'attention de Mme la ministre de la mer sur plusieurs sujets qui préoccupent les pêcheurs qu'elle a rencontrés au sein de sa circonscription. Alors que la France a réussi à obtenir de la Grande-Bretagne plus de 90 % des licences de pêches, des dizaines de licences se font toujours attendre et les pêcheurs français restent dans l'incertitude et la lassitude vis-à-vis de cette situation qui n'a que trop duré. L'autre sujet de préoccupation et d'incompréhension réside dans le mille-feuilles administratif auquel sont confrontés les pêcheurs : les autorisations de licences qui se décident à plusieurs échelles (au local, national et européen). Il y a également les complexités techniques liées à la taille et l'ancienneté des bateaux de pêche. Toutes ces procédures conduisent à une incompréhension généralisée de la part des professionnels. Enfin, il y a la répartition des quotas de pêche entre les organisations professionnelles de pêcheurs (OP). Cette répartition repose depuis 2006 sur les statistiques moyennes des débarquements enregistrés sur les années de référence 2001, 2002 et 2003, soit il y a 20 ans. Il est évident que ce mécanisme, devenu ancien, s'avère particulièrement défavorable à la filière pêche normande. En effet, sur la période considérée (2001-2003), les taux d'enregistrement des captures sur le littoral normand étaient très faibles pour plusieurs raisons (soit faute de régularité dans la production des fiches de pêche, soit en raison d'une qualité de collecte et de saisie insuffisante par les services). D'autre part, depuis 20 ans, les ressources présentes sur les zones de pêche ne sont plus les mêmes et les techniques de pêche ont évolué. Une réforme de l'actuel système de répartition des quotas pour l'adapter à la réalité des pêcheries devient urgent. Mme la députée sait l'engagement de Mme la ministre auprès des pêcheurs français dans cette période difficile. Néanmoins, elle souhaite connaître sa feuille de route sur ces différents sujets évoqués ci-dessus.

Texte de la réponse

L'accord de commerce et de coopération conclu entre l'Union européenne et le Royaume-Uni a permis de maintenir la compétitivité de la filière pêche française. Cet accord répond à nos principaux combats notamment sur les accès et sur les quotas. L'accord permet de sécuriser la majorité des accès et des ressources des pêcheurs français. Cet accord a ainsi soulagé l'ensemble de la filière : comité national des pêches, comités régionaux, mareyeurs, transformateurs. Un non-accord aurait été catastrophique pour le secteur. La France a également mis en place un plan d'accompagnement financier pour la filière pêche. Ce plan était acquis dès fin décembre, il comprend des mesures immédiates, de moyen terme et de long terme. La France a ainsi mis en place un régime d'arrêt temporaires (AT) en deux volets successifs (premier et second semestres 2021). Les AT Brexit relèvent du régime des aides d'État et financés par la réserve d'ajustement Brexit. Il est ainsi compensé 70 % du chiffre d'affaires (charges fixes du navire et rémunération des membres d'équipage). Pour le 1er volet : 228 dossiers ont été déposés pour un montant de 15M€. À la date du 20 avril, 80 % des montants ont été liquidés pour plus de 11 M€. Pour le second volet : 139 dossiers ont été déposés pour un montant total demandé de 12,7 M€. Au total, les deux volets d'AT Brexit devraient représenter 27,7 M€. Pour les quelques licences manquantes, M. Philippe de Lambert des Granges a été missionné par le ministère de la mer pour aller à la rencontre la totalité des pêcheurs en attente d'une licence ou impactés par le Brexit. Pour les licences manquantes, la France a demandé à la Commission européenne d'engager une procédure d'arbitrage. Concomitamment à cette procédure, plusieurs dispositifs d'aides devraient pouvoir être proposés aux pêcheurs, comprenant le transfert des licences inutilisées vers des navires qui en ont besoin, les échanges de quotas, la diversification vers d'autres pêcheries et des sorties de flotte volontaires pour quelques navires. Conformément aux annonces du Gouvernement, aucun navire ne sera donc laissé sans solution. La priorité des pêcheurs est désormais de travailler sur la relation future avec les Britanniques. Il s'agit notamment de définir « la nature et de l'ampleur des activités » à Jersey et à Guernesey, les mesures techniques ainsi que la notion de « navire remplaçant ». L'absence d'avancée sur ces sujets bloque les transferts de licences sur les nouveaux navires et prive les pêcheurs de visibilité. Par ailleurs, la modernisation de la filière et le renforcement de sa compétitivité est au cœur du plan d‘action pour une pêche durable mis en place par le ministère de la mer. Il est en effet indispensable de favoriser une nouveau pilotage économique en faveur des entreprises de pêches et des organisations de producteurs. La mondialisation, la montée en puissance des grandes et moyennes surfaces et les nouveaux comportements de consommation ont depuis quelques années modifié la filière pêche. Son modèle issu des années 50 semble révolu et doit évoluer pour ne plus subir. Le maitre mot est l'anticipation d'un virage vers un modèle plus compétitif, plus transparent et plus rémunérateur pour les producteurs. Pour accompagner ce virage, un soutien aux entreprises de pêche et aux organisations de producteurs (OP) est nécessaire en leur donnant la possibilité de se doter d'instruments de pilotage adéquats tels que ceux que propose le réseau d'informations et de conseil en économie des pêches (RICEP). Avec l'expérience du COVID, est apparue l'importance d'une organisation qui peut agir sur la régulation de l'offre dans le cadre des OP. Le rôle des OP au-delà de la question de l'attribution et de la gestion des quotas devrait évoluer, notamment la rotation des navires pour ajuster au mieux l'offre à la demande, la négociation des contrats sur certaines espèces en fonction des saisons, le soutien des prix, la mise en place de caisses de compensation pour des campagnes. Si la commercialisation est bien organisée avec des acteurs intermédiaires (halles à marée.) garantissant transparence et loyauté des transactions et le respect des règles sanitaires et de commercialisation, ces mêmes acteurs font face a une évolution constante et rapide des autres circuits de commercialisation. En même temps, les entreprises de pêches qui font face à de plus en plus de contraintes doivent être accompagnées, appuyées et conseillées dans différents de champs de compétence pour lesquels leurs chefs d'entreprise n'ont pas forcement la maitrise pleine. Les modalités de cette action sont de : - Créer une synergie entre FranceAgriMer, France Filière Pêche (FFP) et le Réseau d'informations et de conseil en économie des pêches pour un observatoire dynamique capable de fournir des tableaux de bord sur le marché, anticiper les crises et offrir des outils pertinents aux directeurs des organisations de pêche pour mieux les aider dans leur fonction « marché ». Il est en effet majeur de relier ce sujet à la problématique globale des flux d'information dans la filière sur lequel FFP travail avec les organisations professionnelles. - Favoriser, en s'appuyant sur les travaux du RICEP, une synergie entre les organismes de gestion en vue d'un renforcement du pilotage économique des entreprises de pêche. - Améliorer la mise en réseau les prévisions de débarquement en mutualisant les bonnes pratiques en terme de gestion prévisionnelle des apports. La consommation de tous les quotas alloués aux pêcheurs, la déclaration de mise en marché doivent être des priorités pour permettre aux pêcheurs et opérateurs de la filière d'avoir une visibilité sur les productions débarquées en France. L'objectif est de permettre une pleine consommation à tous les quotas attribués à la France en passant par une pleine redistribution des antériorités vers les pêcheurs à travers les organisations de pêche mais aussi en parallèle une attention renforcée de la production des HOP. Il conviendra de mettre en place des critères de type bonus/malus afin d'une part d'encourager les pratiques vertueuses, tel que l'engagement des chefs d'entreprises dans des programmes scientifiques, l'embarquement d'observateurs ou l'installation à bord de caméra, pingers ou autres moyens de contrôle et d'autre part d'optimiser la gestion des quotas. Il convient de dresser le bilan de la réforme quotas (« droits à produire) notamment quant à leur consommation par les OP pour mieux cibler l'utilisation des réserves d'antériorité, ceci avant, et en fonction de proposer une nouvelle réforme. Pour cela il est nécessaire de : - Réaliser un point exhaustif de l'application de la réforme sur les droits à produire et la mise en réserve d'antériorité suite aux transferts de propriété et mettre en œuvre un schéma partagé d'affectation des différentes réserves nationales - Mettre en place des mesures de redistribution ou d'échange afin de réduire le volume des quotas non consommés. - Étudier en parallèle la mise d'une partie des quotas concernant certains stocks dits « sensibles » en réserve nationale en début d'année. - Réviser les lignes directrices sur les aides d'État afin de mettre en place des mesures de compensation de pertes subies par les acteurs de l'aval de la filière. - Réviser le seuil maximal des aides de minimis pour les entreprises de l'aval du secteur de la pêche et de l'aquaculture. Une telle réforme pourrait être engagée à l'horizon 2022/2023 en associant toutes les parties prenantes.