15ème législature

Question N° 43885
de Mme Marie-France Lorho (Non inscrit - Vaucluse )
Question écrite
Ministère interrogé > Éducation nationale, jeunesse et sports
Ministère attributaire > Éducation nationale, jeunesse et sports

Rubrique > enseignement secondaire

Titre > Fin de la sélection des admissions dans certains établissements d'excellence

Question publiée au JO le : 01/02/2022 page : 597
Réponse publiée au JO le : 19/04/2022 page : 2521

Texte de la question

Mme Marie-France Lorho interroge M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports sur la fin de la sélection des admissions dans certains établissements d'instruction d'excellence. À la prochaine rentrée scolaire, les lycées Louis-le-Grand et Henri IV se verront retirer l'autorisation qui leur permettait jusqu'alors de sélectionner les lycéens admis en leur classe de seconde. La prérogative exceptionnelle de ces établissements, qui pouvaient recruter sur dossier scolaire, va donc cesser et ces institutions vont devoir être soumises à la procédure générale de répartition des élèves. Cette « normalisation », qui s'est imposée aux lycées concernés sans consultation préalable, viserait à « renforcer la mixité sociale » et « lisser le niveau des lycées parisiens ». Or ces deux écoles sont depuis plusieurs siècles des écrins d'excellence dont la France peut s'enorgueillir et qu'il convient nécessairement de conserver en l'état. Comme le soulignait le président de l'Institut Sapiens, « on cherche à contourner en réalité l'échec d'un système scolaire qui est globalement médiocre en détruisant les seuls oasis de réussite. Quand on ne peut pas faire monter tout le monde, on abaisse l'ensemble : faut-il que Louis-le-Grand et Henri IV deviennent des ZEP ? » Elle lui demande s'il compte revenir sur l'annulation de la prérogative de sélection à laquelle ces lycées doivent pouvoir prétendre pour exiger le maintien de leur niveau d'excellence.

Texte de la réponse

La procédure d'affectation des élèves au lycée s'appuie sur l'application Affelnet-Lycée sur l'ensemble du territoire national depuis 2008. Cette application constitue un outil d'aide à la décision pour le directeur académique des services de l'éducation nationale, responsable de l'affectation des élèves au lycée dans le département, par délégation du recteur d'académie. Elle garantit à la fois la transparence des critères pris en compte, l'équité de traitement et la fiabilité des résultats. Reposant sur un fonctionnement arrêté au niveau national et conforme aux dispositions réglementaires, l'application Affelnet-Lycée est paramétrée dans chaque académie en fonction des objectifs politiques définis par le recteur et en tenant compte des spécificités locales. La procédure d'affectation des élèves au lycée constitue un puissant levier pour favoriser la mixité sociale et scolaire dans les établissements, un objectif essentiel pour le ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports qui est poursuivi dans l'ensemble des académies du territoire national. A Paris, face au constat d'une académie qui connaît la plus forte ségrégation de France et une insatisfaction croissante des familles, le recteur a engagé en 2021 une politique volontariste pour réduire la ségrégation sociale et scolaire, dont les effets positifs ont d'ores et déjà été constatés. La réforme mise en place pour la rentrée 2021 a ainsi permis un recul de 30% de la ségrégation sociale entre lycées et de 28% de la ségrégation scolaire par rapport à la rentrée précédente. Forte de ces résultats particulièrement encourageants, l'académie souhaite poursuivre cette politique en intégrant les lycées Louis-le-Grand et Henri IV dans la procédure commune 2022. Ces lycées étaient jusqu'alors les seuls établissements français à fonctionner hors du cadre réglementaire, avec des modalités de recrutement opaques puisqu'aucun critère d'admission n'était explicité ou barémé et que leur ouverture sociale était extrêmement faible, en décrochage avec la réalité parisienne et nationale : un taux de boursiers à l'entrée en seconde générale et technologique très bas, 8% à Louis-le-Grand et 8,9% à Henri IV contre 23,1% au niveau académique en 2021 ; et ce alors même qu'en classes préparatoires en 2020, le taux moyen de boursiers à Henri IV était de 23,7% (dont 45% en Chartes), et celui de Louis-le-Grand de 22,2%. A noter également que ces lycées n'accueillent actuellement que 12% d'élèves issus de collèges défavorisés, contre 24% à l'échelle de l'académie, et beaucoup plus dans certains lycées pourtant très élitistes de l'académie de Paris (54% à Condorcet, 43% à Buffon). Par ailleurs, on peut s'interroger sur l'excellence « affichée » du recrutement : en 2021, moins de 40% des élèves recrutés à Henri IV avaient le barème scolaire Affelnet académique maximum, c'est-à-dire les meilleures moyennes dans toutes les matières à tous les trimestres de 3e. L'enjeu n'est en aucune façon de détériorer l'excellence scolaire de ces deux établissements, mais au contraire de la renforcer en élargissant le vivier des entrants à d'excellents élèves boursiers ou issus des classes moyennes. Les élèves extérieurs à Paris seront toujours accueillis, dans les mêmes proportions qu'aujourd'hui (25% à Henri-IV et 40% à Louis-le-Grand), et déposeront pour cela un dossier de candidature. Une commission, interne à l'établissement et présidée par chacun des deux proviseurs, classera les demandes selon des critères précis et explicites, sur la base d'un barème commun aux deux établissements : excellence académique, engagement, motivation et statut de boursier. Ces dispositions permettront une réelle équité de traitement entre élèves, alors même qu'aucun barème n'était jusqu'à présent utilisé pour classer les candidatures, et que seule l'équipe de direction des deux lycées examinait les dossiers. Pour les élèves parisiens, il suffira de formuler un vœu sur Affelnet-Lycée : c'est le critère de l'excellence scolaire, garantie par un barème national, qui départagera les candidats, en veillant à la représentativité des élèves, boursiers et non boursiers, issus de tous les types de collèges. Il n'y aura pas de rupture d'égalité entre parisiens et non parisiens. C'est la procédure actuellement en vigueur qui constitue une rupture d'égalité entre élèves, et qui ne répond pas à la règlementation de l'affectation en lycée, alors même que tous les lycées de France sont entrés dans la procédure Affelnet en 2008, y compris les plus « prestigieux ». En effet, seuls les « cursus spécifiques », comme les sections internationales, les sections binationales, ou encore les classes à horaires aménagés, font normalement l'objet d'un recrutement sur dossier, au regard d'un niveau attendu en langues vivantes, en musique, danse, etc. Or les lycées Louis-le-Grand et Henri-IV ne proposent aucun « cursus spécifique », mais bien une Seconde générale et technologique « ordinaire », à l'instar des lycées parisiens qui accueillent leurs élèves au barème AFFELNET. Par ailleurs, l'article D.211-11 du code de l'éducation dispose que « les collèges et les lycées accueillent les élèves résidant dans leur zone de desserte ». Compte tenu de la définition des zones de desserte dans l'académie de Paris, l'accueil d'élèves extérieurs à l'académie n'est ainsi normalement pas prévu par le cadre réglementaire, sauf s'il est justifié par le suivi d'un cursus spécifique, ce qui n'est pas le cas de la seconde générale et technologique des lycées Louis-le-Grand et Henri IV. Au regard du rayonnement actuel de ces deux lycées, et de la proportion d'élèves extérieurs qui y sont actuellement scolarisés, l'académie fait le choix de maintenir cette disposition, qui devient donc dérogatoire à la règle commune d'affectation via Affelnet-Lycée. C'est pour cela que les élèves non domiciliés et/ou non scolarisés à Paris ne participent pas à la procédure Affelnet au barème, et seront affectés au regard d'un quota de places défini par l'académie, après examen d'un dossier. Pour cette procédure, les critères de recrutement sont toutefois exactement les mêmes que pour les élèves parisiens : excellence scolaire, et critères d'ouverture sociale. La procédure mise en place engendrera moins d'autocensure pour les élèves issus de collèges et milieux sociaux défavorisés, avec une procédure simplifiée : un vœu à formuler, alors qu'il fallait auparavant déposer un dossier très étayé, dont la constitution était complexe pour les familles éloignées de la culture scolaire. Les lycées Louis-le-Grand et Henri IV seront enfin potentiellement accessibles à tous les meilleurs élèves de 3ème de l'académie et hors académie. Un taux de pression très élevé assurera un recrutement scolairement très sélectif, mais appuyé sur un barème clair et équitable. En 2021, près de 500 élèves parisiens avaient le barème scolaire Affelnet maximum : si tous candidatent en 2022, cela remplit les deux lycées avec uniquement les meilleurs profils. La sélection reposera en outre sur un barème exigeant affectant les mathématiques et le français d'un coefficient plus élevé que les autres champs disciplinaires. Les différences de notation entre collèges seront, de plus, harmonisées par la formule de lissage intégrée à Affelnet-Lycée, ce qui permettra de ne pas pénaliser les élèves des collèges plus favorisés, où la notation est parfois plus sévère et de ne pas avantager les élèves des collèges plus « bienveillants ». La décision de l'académie de Paris doit donc renforcer la méritocratie scolaire dans des lycées d'excellence qui avaient perdu de vue les règles communes et leur exigence. Elle marque la fin de l'entre-soi avec des règles explicites, un barème clair, équitable et tenant compte du niveau scolaire. Ces évolutions s'inscrivent pleinement dans l'esprit de l'école républicaine : transparence, équité et déségrégation. Enfin, afin de préserver l'excellence de ces deux établissements tout en favorisant leur ouverture sociale, la procédure d'intégration dans AFFELNET sera toutefois aménagée. Les simulations réalisées montrent ainsi un renforcement du niveau scolaire des élèves qui seront recrutés sur le fondement du barème scolaire AFFELNET (moyenne de 18,06/20 contre 17,72/20 actuellement), dont les exigences académiques sont plus fortes que les critères actuellement retenus.