15ème législature

Question N° 489
de M. Sacha Houlié (La République en Marche - Vienne )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Relations avec le Parlement
Ministère attributaire > Relations avec le Parlement

Rubrique > lieux de privation de liberté

Titre > situation dans les prisons

Question publiée au JO le : 24/01/2018
Réponse publiée au JO le : 24/01/2018 page : 307

Texte de la question

Texte de la réponse

SITUATION DANS LES PRISONS


M. le président. La parole est à M. Sacha Houlié, pour le groupe La République en marche.

M. Sacha Houlié. Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice. Permettez-moi avant tout, au nom de l'ensemble de mes collègues, d'exprimer notre solidarité avec les agents de l'administration pénitentiaire, victimes ces derniers jours de violences inacceptables. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM, MODEM et UAI.)

Le 6 novembre dernier, de nombreux parlementaires se sont rendus dans des lieux de privation de liberté. Loin de les découvrir, ils ont constaté les graves difficultés à l'origine du mouvement social actuel : la surpopulation carcérale est un fait depuis trop longtemps dénoncé ; la vétusté des ouvrages et des équipements est également à déplorer ; le manque d'attractivité des métiers de la pénitentiaire est si patent que seuls 30 % des postes ouverts font l'objet d'une candidature ; enfin, le nombre et la dangerosité des détenus radicalisés sont si importants que l'isolement ne suffit pas à les neutraliser – je parle en connaissance de cause pour avoir recueilli, à Vivonne, les témoignages des surveillants de Mohammed Merah.

Ces réalités nous ont guidés lorsque nous avons voté l'augmentation de 3,9 % du budget du ministère de la justice. Cet effort, nous le savions, n'est qu'une première étape pour rattraper les retards causés par de trop nombreuses années d'inaction.

Aux centrales syndicales, Mme la garde des sceaux a présenté de nombreuses propositions. La majorité les soutient. Il s'agit de créer, en quatre ans, 1 100 emplois supplémentaires pour mieux encadrer les détenus ou se renseigner sur eux, de renforcer et de renouveler l'équipement des agents, de faire en sorte que, sous deux mois, un nouveau régime de détention des détenus radicalisés voie le jour. Reste l'épineux sujet des réclamations indemnitaires que vous venez d'aborder, monsieur le Premier ministre.

En dépit de ces avancées, il est illusoire de croire que l'on pourra résoudre cette crise d'un claquement de doigts. Mme la garde des sceaux a ouvert, courageusement, des chantiers de la justice, dont l'un est consacré au sens et à l'efficacité des peines. En conséquence, je serais reconnaissant au Gouvernement d'aviser la représentation nationale de ses objectifs : envisage-t-il que les 15 000 places de prison supplémentaires se traduisent par la construction de centres de détention à taille humaine, ce qui faciliterait le traitement des détenus violents et leur déradicalisation ? Prévoit-il de recourir plus largement aux peines alternatives à l'incarcération pour sortir des prisons les détenus qui n'y ont pas leur place eu égard à la nature des délits qu'ils ont commis ? Ces premières pistes seraient de nature, j'en suis convaincu, à apaiser un conflit latent. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le député, votre question rejoint des débats philosophiques, nés notamment avec Montesquieu, qui avait posé, dans L'Esprit des Lois, le principe selon lequel la loi devait fixer et encadrer la peine.

M. Fabien Di Filippo. C'est la faute de Montesquieu !

M. Charles de la Verpillière. On fait de la philo à En Marche !

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État. Tel n'était pas le cas jusqu'alors. Ce principe a été repris ensuite par Cesare Beccaria qui a beaucoup travaillé sur la question. Seule la représentation nationale doit en effet se prononcer sur ce sujet.

Mais ce qui compte, et c'est un point majeur, c'est l'effectivité et l'efficacité des peines.

Mme Laurence Dumont. Et le sens de la peine !

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État. Nous savons tous qu'une peine de prison, d'incarcération, comme toute sanction, remplit à la fois une fonction punitive, une fonction dissuasive et une fonction réparatrice pour la victime.

M. Guy Teissier. Et pour la société !

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État. En tout cas, vous avez posé la question de la bonne façon : la peine permet-elle de prémunir contre l'infraction mais aussi de la réparer et d'anticiper le risque de réitération ? La seule question qu'il faut se poser aujourd'hui est celle de la capacité de la prison, de l'encadrement et de l'accompagnement à gérer les crises et les violences. Votre question porte aussi sur l'actualité ; le Premier ministre vous a répondu sur ce point. Enfin, vous soulevez la question de savoir dans quelle mesure l'aménagement de la peine est essentiel en termes non seulement de réinsertion, mais aussi d'empêchement de la réitération.

Mme la garde des sceaux présentera, d'ici à l'été, un projet de loi qui, à la fois, fixera une ambition punitive, avec les 15 000 places de prison annoncées, et prévoira les aménagements de peine nécessaires, car l'alternative à la prison est toujours la meilleure façon d'empêcher le retour à la prison. Nous le savons depuis le XIXe siècle et, pourtant, nous l'oublions très souvent. Nous avons par exemple un débat sur les peines planchers – je me tourne vers l'opposition – alors même que la démonstration a été faite que l'application systématique de ces pleines planchers entraîne un doublement des taux de récidive et de retour en prison. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR.)

Votre question, monsieur Houlié, rejoint donc ces débats philosophiques. Il faut qu'il en résulte de l'efficacité, et pas de la démagogie. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.)

M. Thibault Bazin. À quand la fin de la loi Taubira ?