DÉDUCTION DES FRAIS DE DOUBLE RÉSIDENCE À TITRE PROFESSIONNEL
M. le président. La parole est à Mme Béatrice Descamps, pour exposer sa question, n° 661, relative à la déduction des frais de double résidence à titre professionnel.
Mme Béatrice Descamps. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'action et des comptes publics. Je vous remercie, madame la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, de le représenter ici.
Les conditions de déduction des frais de double résidence à titre professionnel étant très strictes, afin d'exclure les cas de double résidence pour convenance personnelle, elles privent malheureusement certains Français de cette possibilité, pour des justifications et critères aussi divers que fluctuants.
L'actualité témoigne qu'il est temps de favoriser la double résidence à titre professionnel, pour plusieurs raisons.
Sur le plan de la sécurité, d'abord : à l'heure où nous luttons contre les décès sur les routes, comment peut-on favoriser les déplacements longs et quotidiens en voiture, augmentant la fatigue, donc la fréquence des accidents, au lieu de permettre aux travailleurs qui le souhaitent de rester sur place ?
Sur le plan écologique, ensuite : comment peut-on prôner une transition écologique et énergétique, en continuant à déduire des frais de déplacement en voiture au détriment des frais de double résidence, déduction pourtant bien plus écologique et durable, puisqu'elle occasionne moins de déplacements en voiture ?
Madame la secrétaire d'État, au-delà des complexités du dispositif de double résidence, qui peuvent exclure des situations pourtant légitimes et mettre en difficulté des Français simplement parce qu'ils travaillent, pouvez-vous m'indiquer quelles actions prévoit votre ministère pour revoir ou modifier ce dispositif, afin de l'assouplir ou de l'aménager, et d'être enfin en cohérence avec les divers objectifs que le Gouvernement s'est fixés ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. Madame la députée, en application du 3o de l'article 83 du code général des impôts, les salariés qui optent pour la déduction de leurs frais professionnels pour leur montant réel et justifié peuvent déduire les frais de double résidence de leur revenu imposable à l'impôt sur le revenu.
Ainsi que le précise la doctrine administrative publiée au Bulletin officiel des finances publiques-Impôts BOI-RSA-BASE-30-50-30-20, ces frais de double résidence s'entendent des dépenses supplémentaires « effectivement supportées par un salarié qui résultent de la nécessité pour ce dernier de résider pour des raisons professionnelles dans un lieu distinct de celui de son domicile habituel ».
Si la double résidence est justifiée par l'impossibilité de maintenir une seule résidence compte tenu du lieu de travail de chacun des conjoints, et qu'elle ne résulte pas d'un choix de simple convenance personnelle, les dépenses de double résidence ont alors le caractère de frais professionnels, y compris en l'absence de diligences en vue d'obtenir un rapprochement des lieux de travail.
Cette règle s'applique sans restriction, qu'il s'agisse de salariés du secteur privé ou du secteur public, et que le changement du lieu de travail de l'un des conjoints résulte d'un avancement professionnel ou de tout autre motif indépendant de sa volonté.
Le point de savoir si ces conditions sont réunies s'apprécie au regard des circonstances de faits propres à chaque situation, et, en toute hypothèse, sous le contrôle du juge de l'impôt. L'ensemble de ces dispositions témoigne de la volonté du législateur de fixer un cadre juridique adapté, permettant de prendre en compte la situation des personnes se trouvant en mobilité professionnelle.
Je comprends votre souhait d'assigner à ce dispositif de déduction des frais de double résidence un objectif environnemental. Cependant, vous l'avez dit, il s'agit aussi d'un mécanisme visant à lever des freins à la mobilité professionnelle, et à tenir compte des dépenses professionnelles réellement supportées.
Étendre la possibilité de déduction des frais de double résidence à des situations résultant de choix de convenance personnelle ne permettrait pas d'atteindre l'objectif que vous poursuivez, et conduirait surtout à des effets d'aubaine.
En revanche, je tiens à vous rappeler qu'à l'initiative du Gouvernement, plusieurs mesures encourageant les pratiques vertueuses sur le plan environnemental ont été adoptées à la fin de l'année 2018. La prise en charge des frais de covoiturage en tant que passager par l'employeur, pour les trajets entre le domicile et le lieu de travail, est ainsi exonérée de charges sociales et d'impôt sur le revenu, dans la limite de 200 euros par an.
L'aide allouée par certaines collectivités territoriales pour ces mêmes déplacements, en tant que conducteur en covoiturage, est également exonérée, dans la limite de 240 euros par an. Avec la prime à la conversion, des mesures ont en outre été prévues pour faciliter la conversion des véhicules les plus polluants. Enfin, le projet de loi d'orientation sur les mobilités comporte également des propositions, opérant une refonte plus complète des dispositifs de soutien au trajet entre le domicile et le travail.
M. le président. La parole est à Mme Béatrice Descamps.
Mme Béatrice Descamps. Je vous remercie, madame la secrétaire d'État, de votre réponse. Comme vous l'avez compris, même si vous évoquez un jugement au cas par cas, je suggérais un assouplissement des conditions très strictes du dispositif. Cette question m'a d'ailleurs été posée par un habitant de ma circonscription, confronté à la difficulté de déduire ces frais.
Je reconnais également que le Gouvernement a récemment pris des mesures. Toutefois, j'espère que ma question permettra de pousser la réflexion sur ce sujet plus loin encore, ce qui me semble nécessaire.