15ème législature

Question N° 718
de M. Michel Castellani (Libertés et Territoires - Haute-Corse )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Cohésion des territoires et relations avec les collectivités territoriales
Ministère attributaire > Cohésion des territoires et relations avec les collectivités territoriales

Rubrique > aménagement du territoire

Titre > Spéculation foncière en Corse

Question publiée au JO le : 14/05/2019
Réponse publiée au JO le : 22/05/2019 page : 4807

Texte de la question

M. Michel Castellani alerte Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales sur la spéculation immobilière que subit la Corse. Selon des chiffres du service de la donnée et des études de statistiques (SDES) du ministère et publiés par le quotidien Les Echos, la Corse est la seule région qui voit augmenter les permis de construire de 26 %. La seule exception régionale à cette hausse de permis de construire entre mars 2018 et mars 2019 est la Nouvelle Aquitaine avec plus 4,1 %. Toutes les statistiques tendent à démontrer que cette spéculation foncière est due par excédent migratoire. Le peuple corse subit de plein fouet cette explosion immobilière. De plus, l'île enregistre une part de résidences secondaires anormalement importante. En effet, selon l'INSEE, 54,3 % du nombre de logements construits dans la région sont des résidences secondaires. Sur le continent, ce taux est de 11,2 % en moyenne. C'est donc en Corse que la part des résidences secondaires est la plus élevée des régions métropolitaines (soit 37,2 % contre 9,6 % au niveau national). Elle dépasse largement celle de Provence-Alpes-Côte d'Azur et d'Occitanie (17,7 % et 15,7 %). Les Corses n'ont plus les moyens de rester sur leur propre terre et sont impuissants face à ce phénomène. Visiblement, le cadre législatif et normatif actuel ne suffit plus à réguler un marché qui s'emballe et détruit tout sur son passage : l'environnement, les relations humaines, les solidarités d'antan, l'aspect architectural du bâti. Dans ce contexte, il souhaiterait connaître les intentions du Gouvernement afin de mettre en œuvre les actions nécessaires de cogestion du foncier avec l'exécutif territorial afin d'enrayer ce phénomène.

Texte de la réponse

SPÉCULATION FONCIÈRE EN CORSE


M. le président. La parole est à M. Michel Castellani, pour exposer sa question, n°  718, relative à la spéculation foncière en Corse.

M. Michel Castellani. Je souhaite appeler votre attention sur l'ampleur de la spéculation immobilière que subit la Corse et je vais vous donner des chiffres éloquents. Selon ceux du service des données et études statistiques du ministère publiés par le quotidien Les Échos, la Corse est la seule région dont le nombre de permis de construire a augmenté de 26 % entre mars 2018 et mars 2019. Si l'on excepte la Nouvelle-Aquitaine, où la hausse est de 4,1 % – six fois moins que la Corse tout de même –, tous les autres chiffres sont négatifs.

Le rythme de croissance démographique de l'île est impressionnant : depuis 2010, la population a augmenté de 28 103 personnes, alors que les décès excédaient les naissances de 474 unités. C'est donc l'excédent migratoire qui constitue le moteur exclusif de cette croissance trois fois supérieure à la moyenne française. Ce rythme de renouvellement, considérable, bouleverse la société corse.

À ces nouveaux arrivants s'ajoutent les investisseurs. C'est ainsi que, selon l'INSEE – l’Institut national de la statistique et des études économiques –, 53,3 % des logements construits en Corse sont des résidences secondaires, alors que, sur le continent, ce taux est de 11 %. La part des résidences secondaires dans le logement est la plus élevée des régions métropolitaines, soit 37,2 % contre 9,6 % en moyenne française.

Bref, les Corses, qui subissent de plein fouet cette explosion immobilière accrue par la spéculation, ont de plus en plus de mal à accéder à un logement abordable. Visiblement, le cadre législatif et normatif actuel ne suffit plus à réguler un marché qui s'emballe et détruit tout sur son passage : l'environnement, les relations humaines, les solidarités, l'aspect architectural.

Dans ce contexte, je souhaiterais connaître les mesures adaptées – ou l'adaptation des mesures – que vous comptez mettre en œuvre. Envisagez-vous notamment de permettre la cogestion du foncier avec l'exécutif territorial – nous en avons débattu ici même – dans le but d'enrayer ce phénomène spéculatif ? Nous regrettons amèrement l'attitude de l'État, qui, pour l'heure, mobilise les maires, en concurrence directe avec la chambre des territoires, donc avec l'exécutif territorial. C'est de la mauvaise politique.

Plus largement, êtes-vous disposé à prendre en compte par des lois adaptées – ou par une adaptation des lois – les particularités culturelles, sociales, économiques et donc politiques de la Corse ? Ce sont là des questions fondamentales pour la majorité des Corses.

M. le président. La parole est à M. le ministre chargé des collectivités territoriales.

M. Sébastien Lecornu, ministre chargé des collectivités territoriales. Tout d'abord, je vous prie d'excuser l'absence de Julien Denormandie, le ministre chargé de ces questions, qui m'a chargé de vous répondre. Je le ferai tout d'abord globalement, car la question foncière concerne l'ensemble de la nation française, puis, spécifiquement, en ce qui concerne la Corse.

Le Gouvernement est particulièrement attentif au phénomène de spéculation foncière, cela a été dit de nombreuses fois. Le Premier ministre vient d'ailleurs de confier au député Jean-Luc Lagleize, en avril dernier, une mission visant à maîtriser le prix du foncier. Elle tendra à renforcer les capacités des collectivités à lutter contre la spéculation foncière.

Sans attendre ses propositions, les collectivités disposent déjà d'outils très utiles – vous avez beaucoup parlé de mesures mais, en tant qu'élu local, je parlerais plutôt d'outils – pour maîtriser le coût du foncier et permettre la construction de logements – sociaux ou non – à des prix abordables. Je pense aux documents d'urbanisme et de programmation du logement, outil manifeste de décentralisation, au droit de préemption urbain, qui peut être efficace pour mobiliser du foncier et réguler les prix, aux organismes fonciers solidaires et aux baux réels solidaires, qui permettent une dissociation du foncier et du bâti, et que le Gouvernement encourage particulièrement. Plus globalement, je pense au rôle des établissements publics fonciers, locaux ou nationaux, outils plébiscités par l'ensemble des élus.

Concernant spécifiquement la Corse, il faut rappeler le rôle joué par l'Office foncier de la Corse, que vous connaissez bien, établissement public de la collectivité à statut spécifique créé en 2014, qui peut intervenir au bénéfice des collectivités en leur apportant son ingénierie technique et financière. Il peut constituer des réserves foncières pour réaliser du logement social, en accession ou libre, en résidence principale, qui bénéficiera à des populations peut-être moins favorisées.

Cet établissement bénéficie d'une ressource fiscale affectée mais, également, de crédits prévus dans le cadre du programme exceptionnel d'investissement pour 2015-2020. Le Gouvernement engage les collectivités corses – mairies, collectivité territoriale – à se saisir plus largement de cet outil. Je ne crois pas à une opposition stérile entre l'État et les collectivités territoriales, pas plus en Corse qu'ailleurs. Sur des questions aussi délicates, il convient au contraire d'additionner nos forces. Cet outil fonctionne bien, je crois, mais il peut être davantage utilisé.

M. le président. La parole est à M. Michel Castellani.

M. Michel Castellani. Je vais vous répondre d'un mot : vous sortiriez grandi en prenant en compte la volonté démocratiquement exprimée par le corps électoral de la Corse à travers le suffrage universel. En l'état, de ce point de vue, la politique du Gouvernement en Corse est antidémocratique – faute de prendre en compte la volonté majoritaire –, parfois provocatrice, croyez-moi, et en tout cas contre-productive. Écoutez ce que vous dit un député de la Corse !