15ème législature

Question N° 878
de M. Bruno Bonnell (La République en Marche - Rhône )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Europe et affaires étrangères (M. le SE auprès du ministre)
Ministère attributaire > Europe et affaires étrangères (M. le SE auprès du ministre)

Rubrique > politique extérieure

Titre > avenir des entreprises françaises en Iran

Question publiée au JO le : 17/05/2018
Réponse publiée au JO le : 17/05/2018 page : 3869

Texte de la question

Texte de la réponse

AVENIR DES ENTREPRISES FRANÇAISES EN IRAN


M. le président. La parole est à M. Bruno Bonnell, pour le groupe La République en marche.

M. Bruno Bonnell. Ma question, qui s'adresse à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, Jean-Baptiste Lemoyne, concerne l'impact du récent retrait des États-Unis de l'accord iranien, impact potentiellement dommageable sur la situation économique des industries françaises qui travaillent en Iran.

Dans son discours du 8 mai 2017, le Président des États-Unis d'Amérique, Donald Trump, a justifié sa décision par une description partielle, voire partiale, dénonçant un taux d'enrichissement d'uranium anormal en Iran, sans préciser que ce taux était incompatible avec un projet militaire. La situation géopolitique sensible au Moyen-Orient nous impose de la rigueur et du pragmatisme dans nos relations diplomatiques, et de la vigilance sur les intentions du régime iranien. Dans cet esprit, un accord historique a été signé en 2015, après douze années de négociations, entre l'Iran et les pays du P5+1.

Le Président Macron, à l'instar de ses homologues européens, s'est montré clair sur notre intention de poursuivre la mise en œuvre de cet accord. Toutefois, l'une des conséquences de la décision américaine est la forte inquiétude de nos entreprises et le risque induit pour l'exportation de nos savoir-faire. Nous nous attelons, avec la majorité présidentielle et l'ensemble des organismes institutionnels, à relancer l'économie française, notamment à l'exportation. L'implantation et l'investissement de nos entreprises, ainsi que leur réussite commerciale à l'étranger, demeurent des éléments essentiels de rééquilibrage de notre balance commerciale.

En Iran, certaines de nos entreprises fleurons sont menacées par le retrait américain. Total y a ainsi réalisé 5 milliards d'euros d'investissements ; Airbus, via le contrat Iran Air, y a vendu une centaine d'avions pour plus de 20 milliards d'euros ; et le groupe PSA représente 35 % du marché automobile iranien. Toute menace sur ces entreprises aurait un impact majeur sur leurs capacités à se développer, comme sur celles de leurs sous-traitants. Dans ma circonscription, à Villeurbanne, l'entreprise Safran Landing systems équipe d'ailleurs les avions des dispositifs de freinage.

Ces inquiétudes et ces doutes nécessitent un message fort de votre part, monsieur le secrétaire d'État. Quelles pistes envisagez-vous avec vos homologues européens pour garantir les intérêts des entreprises françaises et européennes, aujourd'hui menacés ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Le retrait des États-Unis de l'accord sur le nucléaire a en effet des conséquences potentiellement majeures, monsieur le député, pour un certain nombre d'entreprises françaises et européennes. Pour nous comme pour les autres parties prenantes européennes, cette décision est une erreur, et il est clair que nous refusons que les entreprises françaises et européennes en paient le prix.

Les intérêts français en Iran sont réels, que ce soit dans l'automobile, l'aéronautique ou l'agroalimentaire. Avec Jean-Yves Le Drian et Bruno Le Maire, nous avons réuni hier les entreprises concernées et sommes en dialogue permanent avec elles pour gérer la situation. Ce qui est en cause, c'est la dimension extraterritoriale des sanctions américaines. Cette dimension est véritablement insupportable, dès lors que notre analyse géopolitique diverge de celle des États-Unis. Nous pourrions éventuellement consentir à de telles décisions si nous étions d'accord mais, en l'espèce, elles sont véritablement insupportables.

L'action de la France, avec l'Europe, portera sur plusieurs points. Elle consistera à œuvrer à la modernisation de la loi de blocage, outil européen qui date de 1996, à mettre en place des canaux de financement étanches, et enfin à créer des institutions similaires à l'Office of foreign assets control – OFAC –, qui, aux États-Unis, délivre des licences pour des produits parfois européens. Nous devons, nous aussi, nous doter d'une véritable souveraineté économique.

Soyons clairs : nous sommes à un moment de vérité pour l'Union européenne. Le sujet sera ce soir à l'ordre du jour du dîner des chefs d’État et de Gouvernement. Nous devons, je crois, faire mentir Kundera, qui, en 1983, donnait de l'Européen la définition suivante : « Celui qui a la nostalgie de l'Europe. » Nous avons foi en l'Europe ; et aujourd'hui, il est l'heure, pour l'Europe, d'affirmer sa souveraineté. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs du groupe MODEM.)