15ème législature

Question N° 888
de M. Yves Jégo (UDI, Agir et Indépendants - Seine-et-Marne )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Premier ministre
Ministère attributaire > Premier ministre

Rubrique > aménagement du territoire

Titre > politique de la ville

Question publiée au JO le : 23/05/2018
Réponse publiée au JO le : 23/05/2018 page : 4037

Texte de la question

Texte de la réponse

POLITIQUE DE LA VILLE


M. le président. La parole est à M. Yves Jégo, pour le groupe UDI, Agir et indépendants.

M. Yves Jégo. Monsieur le Premier ministre, le 6 juin 2017, vous êtes venu, à mon invitation, visiter le quartier, dit sensible, de Surville à Montereau. Vous avez pu y prendre connaissance de ce qui avait été fait dans le passé, en matière de restructuration urbaine notamment, ainsi que des attentes des habitants dans leur vie quotidienne. Ils attendent de la sécurité, dans une ville qui a vu, en dix ans, son commissariat se vider de 50 % de ses effectifs ; des moyens en faveur du plan de restructuration urbaine, en panne depuis trois ans, faute d'argent dans les caisses ; de moyens en matière d'enseignement ; de moyens, au fond, pour tout ce qui relève du principe du « rattrapage républicain ». Voilà tout ce qui a poussé les habitants de ce quartier à vous dire qu'ils ne voulaient pas plus que la République, mais qu'ils ne voulaient pas moins non plus.

Si je suis ici, c'est parce que ces électeurs me font confiance et qu'ils m'ont demandé de les représenter. C'est en leur nom que je m'exprime pour vous dire que la politique, c'est sans doute essayer de faire plus avec moins, mais c'est surtout faire plus pour ceux qui ont moins. Je voudrais partager avec vous l'enthousiasme qui s'est exprimé tout à l'heure, suite au discours d'Emmanuel Macron à l'Élysée sur la politique de la ville. Malheureusement, et même si le Président de la République a abordé tous les sujets ce matin, je crains que nous ne soyons trop faibles, qu'il n'y ait trop peu de moyens et que, après que les maires vous ont exposé pendant des semaines de quoi ils avaient besoin, on n'ait fait ce matin que leur expliquer comment s'en passer.

Monsieur le Premier ministre, je tiens à vous poser la question personnellement, parce que je vous sais attaché à ces questions : que retenez-vous des annonces du Président et du plan de Jean-Louis Borloo ? Qu'est-ce qui sera mis en œuvre ? Pouvons-nous espérer des moyens à la hauteur du défi devant nous ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-Agir et sur plusieurs bancs du groupe LR.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le député, vous l'avez rappelé, en juin 2017, je me suis rendu dans la commune dont vous étiez le maire,…

Plusieurs députés du groupe LR . En pleine campagne législative !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . …pour découvrir des expérimentations que vous aviez mises en œuvre. Certaines relevaient des politiques publiques définies par l'État, d'autres avaient été conçues par les municipalités elles-mêmes. Elles ont réussi à transformer en mieux la vie dans votre commune.

Je suis absolument d'accord avec vous sur deux points que vous avez mentionnés. D'abord, ces sujets m'intéressent à titre personnel, pour des raisons évidentes que vous comprenez et qui tiennent à mon engagement municipal au Havre pendant de longues années, engagement qui perdure. Ensuite, vous avez fait le constat que la cause de nombreux dysfonctionnements, réels, dans plusieurs quartiers et communes est à trouver dans un affaiblissement, un ralentissement, voire un abandon de certaines politiques publiques.

Ces politiques publiques ralenties, affaiblies, avaient-elles produit tous leurs effets ? Il faut, en cette matière comme en d'autres, rester modestes. Beaucoup a été fait dans les quartiers depuis vingt ou trente ans, notamment en matière de rénovation urbaine. Mais tout n'était pas réussi. Nous le savons. C'est un chantier éternellement recommencé, qu'il faut aborder avec les idées claires. Le Président de la République, après avoir reçu les propositions qu'il avait chargé Jean-Louis Borloo de faire et avoir écouté un grand nombre d'interlocuteurs, a formulé un plan ou, plus exactement, a défini une stratégie qui repose sur une méthode et une philosophie.

La méthode est celle du travail en commun, de rendez-vous réguliers, d'une discussion avec tous les acteurs intervenant en matière de politique de la ville, les communes, les agglomérations, les métropoles – il ne vous aura pas échappé que le Président de la République a insisté sur le fait qu'une bonne politique de la ville, c'est souvent une politique intercommunale ou d'agglomération –, les associations, les syndicats, les entreprises. La méthode est claire, et le Président de la République s'engagera en personne.

La philosophie, quant à elle, est celle de la vigilance. La vigilance n'est pas la délation, c'est le fait d'être attentifs. C'est vrai pour les questions de sécurité, mais aussi de solidarité : nous devons être mobilisés.

M. Sébastien Jumel. C'est un peu technocratique tout ça !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . Nous devons également défendre un projet d'émancipation des hommes et des femmes. Il faut faire appel aux valeurs communes de la République.

En termes de mesures, cela signifie, monsieur le député, un engagement très fort et très ferme sur les questions de sécurité. Le Président de la République a déclaré que la police nationale devait, avec les polices municipales et les maires, approfondir les relations et les protocoles qui permettent d'associer tous les acteurs à une amélioration de la sécurité, en évoquant la possibilité, sous réserve de la conclusion d'un protocole extrêmement ferme, d'échanger avec les maires des informations sur les individus qui seraient inscrits dans les fichiers des signalements pour la prévention et la radicalisation à caractère terroriste – FSPRT.

En matière d'éducation, la stratégie prévoit l'approfondissement des mesures de dédoublement des classes de CP et de CE1 et une initiative très ambitieuse pour le stage de troisième.

M. Sébastien Jumel. Ça existe déjà !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . Tous les maires et tous ceux qui connaissent intimement ces quartiers savent que ces stages sont la source d'un dysfonctionnement. Bien sûr, certains maires et acteurs locaux ont déjà pris des initiatives pour corriger la discrimination qui s'exprime trop souvent au moment du stage. Néanmoins, nous pouvons faire mieux et plus, comme l'a dit le Président de la République.

S'agissant de la réforme de l'apprentissage, nous veillerons à ce que les contrats d'apprentissage soient créés et développés à l'endroit où ceux qui en ont le plus besoin vivent, notamment dans les quartiers. Nous partons, comme vous le savez pour le vivre, monsieur le député, d'une situation très largement insatisfaisante que nous devons corriger. Je ne reviens pas sur ce qui a été dit sur les emplois francs dans le cadre d'une politique de l'emploi ambitieuse et d'une mobilisation des entreprises.

Concernant la rénovation urbaine, qui n'est ni l'alpha ni l'oméga de la politique de la ville, mais un élément décisif, le Président de la République n'a pas voulu de grand plan avec beaucoup de milliards et une gouvernance nationale, qui aurait d'un coup d'un seul, par le simple effet d'une annonce quasi magique, réglé tous les problèmes. Nous savons tous que cela ne marche pas comme cela. En revanche, il a été proposé de garantir les financements de l'ANRU. L'une des raisons pour lesquelles les procédures sont si lourdes et lentes, ainsi que chaque maire le dénonce à loisir, c'est que, le financement de l'ANRU s'étant progressivement tari, à défaut de pouvoir produire des financements, on a produit…

M. Jean-Christophe Lagarde. Des normes !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . …des procédures. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR.)

M. Pierre Cordier. Un peu de retenue tout de même ! Vous étiez député !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. À produire des procédures, on perd du temps, lequel est, en l'occurrence, souvent de l'argent. Il a donc été décidé de garantir le financement de l'ANRU. Des protocoles ont été signés avec les différents acteurs, comme Action logement ou l'Union sociale pour l'habitat – l'USH. Sur le modèle de ce qu'a fait Jacques Mézard, le ministre de la cohésion des territoires, dans l'opération Cœur de ville, l'objectif est de définir des procédures extrêmement souples et rapides, afin de libérer les financements très rapidement, en limitant les procédures, de sorte que les stratégies mises en œuvre par les élus soient approuvées et accompagnées de la façon la plus efficace possible. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)