16ème législature

Question N° 6140
de Mme Marie-France Lorho (Rassemblement National - Vaucluse )
Question écrite
Ministère interrogé > Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique
Ministère attributaire > Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique

Rubrique > numérique

Titre > Semi-conducteurs : la France doit assurer sa souveraineté numérique

Question publiée au JO le : 07/03/2023 page : 2096
Réponse publiée au JO le : 23/05/2023 page : 4644

Texte de la question

Mme Marie-France Lorho interroge M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur la question de savoir quand la France va investir dans la fabrication des semi-conducteurs afin d'assurer sa souveraineté numérique. L'accès aux composants critiques est un nouvel enjeu géostratégique. Les puces électroniques intégrées sont fournies aujourd'hui à 90% par Taiwan. L'entreprise taiwanaise TSMC est le numéro 1 mondial de fourniture de ces micro-puces électroniques. Ce composant critique est notamment utilisé dans l'industrie de l'informatique (mémoire pour conserver les données), de l'automobile, dans l'armement ainsi que dans les systèmes de communication, d'observation et de renseignement. Les États-Unis d'Amérique (pour 370 milliards de dollars) et la Chine (pour 143 milliards de dollars) investissent lourdement pour construire leurs propres usines de fabrication de semi-conducteurs avancés, afin de sortir le plus rapidement possible de leur dépendance à Taïwan. Le Président de la République française a proposé un plan d'investissement de six milliards d'euros. Au lieu d'être dépendante de Taïwan, des États-Unis d'Amérique ou de la Chine, la France aurait tout intérêt à assurer, elle aussi, sa souveraineté en la matière. Pour le moment, les joint-ventures créées, Lynred et UMS, n'assurent l'indépendance de la France qu'en matière de puces intégrées dans les radios et les radars militaires. Elle lui demande quels objectifs et quel plan d'investissement corrélatif la France s'est fixée pour garantir sa souveraineté dans l'accès aux semi-conducteurs avancés dans tous leurs champs d'application.

Texte de la réponse

La conjonction des tensions diplomatiques entre la Chine et les Etats-Unis et de la perturbation des chaînes de valeurs mondiales du fait de la crise sanitaire a de nouveau souligné l'importance d'une approche stratégique de la souveraineté industrielle, a fortiori dans le secteur des semi-conducteurs dont dépend aujourd'hui directement l'essentiel des filières industrielles. Cette situation ne fait que confirmer la pertinence de l'action menée par le Gouvernement depuis plusieurs années, accélérée par les plans successifs France Relance et France 2030, et portée à l'échelon européen dans le cadre du règlement européen du Chips Act, actuellement en phase de trilogues. Via France Relance, ce sont 107 projets industriels lauréats sur la filière électronique qui ont été soutenus à hauteur de 141 M€, permettant un investissement total de plus de 463 M€ pour renforcer la résilience de nos approvisionnements et des chaînes de valeur, ainsi que pour soutenir les projets qui concourent à notre autonomie stratégique dans ce secteur clé. Fort de ce succès, la stratégie d'accélération électronique de France 2030 renforce ce soutien, en consacrant plus de 5 Md€ de financement public permettant de susciter près de 16 Md€ de financements au total. Ce soutien massif de la part de l'Etat doit permettre d'augmenter les capacités de production en France de l'ordre de 90 %, avec notamment la réalisation du projet de mega-fab à Crolles avec l'alliance de STMicroelectronics et de GlobalFoundries, pour produire des composants répondant aux besoins des industries françaises et européennes. Parallèlement la stratégie vise à soutenir l'innovation et la recherche exploratoire, permettant notamment le développement du prochain nœud technologique de classe 10 nm FD-SOI (technologie à basse consommation d'énergie) qui placera la France dans le top 5 mondial dans la maîtrise des technologies de fabrication les plus avancées. En outre, un soutien de l'ordre de 800 M€ est fléché vers l'écosystème de recherche académique afin de développer les technologies électroniques de demain. Cependant, la souveraineté industrielle dans le secteur électronique ne peut raisonnablement être atteinte à une autre échelle que celle de l'Europe, puisqu'aujourd'hui l'internationalisation des chaînes de valeur et la diversité des technologies à maitriser ne permet de fait à aucun pays, pas même la Chine ou les Etats-Unis, d'être autonome sur toute la chaîne de valeur. C'est pourquoi la France participe activement aux négociations du Chips Act européen qui vise à porter à 20 % de parts de marché la production européenne de semi-conducteurs. Pour mener à bien cet objectif, le règlement est constitué de 3 piliers qui visent respectivement à financer l'innovation via par l'entreprise commune européenne rebaptisée Chips Joint Undertaking, à renforcer la sécurité d'approvisionnement via un soutien à l'investissement productif en Europe à l'aide du nouveau concept d'installation « pionnière », et à mettre en place un mécanisme de prévention et de réaction aux tensions d'approvisionnement en composants. Enfin les chiffres avancés de 370 Md€ d'investissement américain doivent être relativisés : d'une part ils sont étalés d'ici à 2030, et ils ne comportent d'autre part que 50 Md€ d'investissement public, ce qui rapporté à la taille de l'économie américaine correspond sensiblement au même ordre de grandeur que celui de la stratégie française. Le projet de loi relatif à l'industrie verte qui sera présenté à l'été vise à accèlérer les implantations industrielles stratégiques pour assurer de poursuivre nos efforts en faveur de la souveraineté.