16ème législature

Question N° 90
de M. Guillaume Gouffier Valente (Renaissance - Val-de-Marne )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Santé et prévention
Ministère attributaire > Santé et prévention

Rubrique > interruption volontaire de grossesse

Titre > L'amélioration de l'accès à l'IVG sur le territoire français

Question publiée au JO le : 03/01/2023
Réponse publiée au JO le : 11/01/2023 page : 81

Texte de la question

M. Guillaume Gouffier Valente interroge M. le ministre de la santé et de la prévention sur l'amélioration de l'accès à l'interruption volontaire de grossesse sur le territoire français. La lutte pour l'accès libre et effectif à l'IVG ne se limite pas à l'adoption de différentes propositions de loi constitutionnelle mais bien tous les jours sur le terrain. Ces deux combats s'organisent de manière complémentaire. L'accès à l'IVG a été considérablement amélioré depuis 1975 : augmentation progressive des délais jusqu'à 14 semaines de grossesse, suppression de la « situation de détresse », la possibilité pour les sages-femmes de réaliser des IVG médicamenteuses tout comme les médecins généralistes jusqu'à sept semaines ou encore la suppression du délai de réflexion pour les femmes majeures. Cependant, malgré ces avancées législatives incontestables, force est de constater qu'en plus d'un accès inégal sur le territoire, les jeunes femmes et les femmes sont encore trop souvent stigmatisées et empêchées dans les différentes étapes de leur parcours. Depuis la crise sanitaire de 2020, les délais pour bénéficier d'une IVG ont considérablement augmenté, s'élevant parfois jusqu'à trois semaines. Il s'agit ici d'une problématique plus globale de démographie médicale liée notamment au départ en retraite des médecins militants. Plusieurs solutions peuvent permettre d'améliorer son effectivité : revalorisation du tarif forfaitaire de l'activité de l'IVG ; application de la loi de 2001 sur les cours d'éducation à la vie affective et sexuelle ; publication du décret permettant aux sages-femmes de pratiquer des IVG instrumentales sous certaines conditions ; formation des médecins généralistes dans le cadre de leur quatrième année d'internat dans les déserts médicaux. Aussi, en dehors de ces propositions, il lui demande quelles sont les pistes envisagées afin d'améliorer son accès sur le territoire métropolitain mais aussi ultra-marin afin de répondre aux besoins des femmes et répondre à l'exigence d'un droit fondamental.

Texte de la réponse

INTERRUPTION VOLONTAIRE DE GROSSESSE


Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gouffier Valente, pour exposer sa question, n°  90, relative à l'interruption volontaire de grossesse.

M. Guillaume Gouffier Valente. L'année 2022 aura été une année charnière pour le droit à l'avortement en France et dans le monde. Les délais légaux pour pratiquer une interruption volontaire de grossesse (IVG) ont été allongés ou pérennisés dans notre pays, et l'Assemblée nationale a entamé le long chemin législatif menant à sa constitutionnalisation en adoptant en première lecture la proposition de loi constitutionnelle visant à protéger et à garantir le droit fondamental à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception.

Sur le plan international, la Colombie opère un revirement historique en dépénalisant l'avortement jusqu'à vingt-quatre semaines de grossesse, suivant ainsi les pas du Mexique ou de l'Argentine. Mais il existe aussi de nombreux et tristes cas dans lesquels ce droit recule, comme en Pologne, où avorter est un crime, en Italie, où 80 % des médecins utilisent leur clause de conscience, ou aux États-Unis, où l'arrêt Roe versus Wade a été annulé.

Le droit d'accès à la santé, qui garantit le droit à l'IVG, évolue en fonction des crises traversées par les États ; il mérite une attention particulière. J'en profite pour saluer la publication des textes des 29 et 30 décembre 2022 : attendus depuis longtemps, ils donnent lieu à une application concrète de la loi, dite Gaillot, visant à renforcer le droit à l'avortement, que nous avons définitivement adoptée le 2 mars 2022, en permettant aux sages-femmes de pratiquer des IVG instrumentales dans certains établissements de santé. Pouvez-vous toutefois, madame la ministre déléguée, nous préciser quand aura lieu la prochaine sélection en la matière ? Seuls vingt-six projets sur cinquante peuvent pour le moment démarrer l'expérimentation, et celle-ci ne concerne aucun département et région d'outre-mer, alors que c'est dans ces territoires que le taux de recours est le plus élevé.

La loi prévoit également la remise de rapports au Parlement s'agissant du délit d'entrave et de l'évolution du dispositif d'accès des femmes à l'IVG. Le premier devait être rendu en septembre et le second est attendu pour mars. Seront-ils publiés dans les délais impartis, ou au moins à une échéance raisonnable ?

Pour finir, les hôpitaux peinent à recruter des médecins pour accomplir cet acte, parfois à cause de la clause de conscience et souvent par manque de formation. Dans les Hauts-de-France par exemple, plus de la moitié des établissements refuseraient de pratiquer des IVG à plus de quatorze semaines, ou ne pourraient pas le faire. D'autres ne les pratiquent que par voie médicamenteuse, contrairement aux directives de la Haute Autorité de santé (HAS). La formation à l'acte médical est nécessaire dès les premières années, puis tout au long de l'évolution professionnelle.

Enfin, le droit à l'avortement est étroitement lié à la contraception : je salue les annonces faites et les actions engagées en la matière par le Président de la République et par le Gouvernement ces dernières semaines. La gratuité d'une majorité des contraceptifs est une bonne nouvelle, qui doit elle aussi être associée à des cours de vie affective et sexuelle.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Les inégalités sociales et territoriales en matière d'accès à la santé mettent en péril l'effectivité du droit à l'avortement. Alors qu'il est menacé dans le monde, le Gouvernement s'engage – vous l'avez souligné – pour conforter l'accès à l'IVG de toutes les femmes.

La loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2023 renforce en amont la protection des femmes contre les grossesses non prévues, en généralisant à toutes, sans limite d'âge, la délivrance de la contraception d'urgence, prise en charge à 100 % et sans ordonnance.

La loi du 2 mars 2022 visant à renforcer le droit à l'avortement a porté le délai légal d'IVG de douze à quatorze semaines, et le délai de réflexion, qui était auparavant de quarante-huit heures, a été abrogé. En parallèle, les textes réglementaires fixant le cadre de l'expérimentation permettant aux sages-femmes de pratiquer des IVG instrumentales ont été publiés le 27 octobre et les 29 et 30 décembre. Ce nouvel élargissement de compétences sera généralisé fin 2023 ; il permettra aux sages-femmes hospitalières de l'ensemble du territoire de s'investir dans ce domaine et contribuera à faciliter le parcours des femmes.

Les rendez-vous de prévention aux âges clés de la vie, que nous avons instaurés, seront également l'occasion pour toutes les femmes de mieux prendre en charge leur santé, notamment les sujets relatifs à la contraception et à l'IVG.

Enfin, une enquête auprès des ARS – agences régionales de santé –, réitérant la démarche réalisée en 2019, nous permettra d'identifier finement les obstacles concrets qui peuvent aujourd'hui encore s'opposer à l'accès à l'IVG, et de définir les leviers permettant de les surmonter, en particulier dans les territoires ultramarins. Elle fournira la matière pour évaluer l'effectivité de l'accès des femmes au droit à l'IVG, comme le prévoit la loi Gaillot, et ses conclusions vous seront rendues d'ici la fin de l'année. Le ministère de la santé et de la prévention est mobilisé pour que ces progrès réalisés en 2022 se poursuivent et, plus largement, pour construire une véritable politique globale de santé des femmes.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gouffier Valente.

M. Guillaume Gouffier Valente. Je vous remercie, madame la ministre déléguée, de nous avoir fourni ces éléments importants. Alors que nous avons terminé le précédent mandat en renforçant l'accès au droit à l'avortement, notamment en allongeant les délais et en permettant à certains professionnels de réaliser cet acte, nous commençons la présente législature en travaillant à sa constitutionnalisation, afin de le protéger le plus possible, dans un contexte international et européen où il est l'objet d'attaques de la part de forces conservatrices et même ultraconservatrices, notamment d'extrême droite. Ce combat pour la constitutionnalisation de l'IVG ne doit pas nous faire oublier tous les travaux que nous devons mener à bien pour renforcer l'accès à ce droit sur l'ensemble de notre territoire, et, comme vous l'avez dit, l'accès de toutes les femmes à la santé.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Je salue votre engagement : les combats que vous menez sont importants. Nous serons à vos côtés ; vous pouvez compter sur le Gouvernement pour s'engager sur le sujet global de la santé des femmes et pour faire en sorte que le droit à l'IVG soit vraiment effectif. Nous n'oublions pas qu'au-delà de la constitutionnalisation, l'accès à ce droit est un enjeu majeur.