Texte de la REPONSE :
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Reponse. - La legislation actuelle concernant le droit d'acces aux dossiers administratifs, telle qu'elle a ete fixee par la loi no 78-753 du 17 juillet 1978 completee (art 6 bis) par la loi no 79-587 du 11 juillet 1979, s'applique aux personnes qui ont ete pupilles de l'Etat pendant leur minorite comme a tout autre usager d'un service public. Il en resulte que les anciens pupilles de l'Etat comme, d'ailleurs, toutes les personnes qui avaient ete confiees aux service de l'aide sociale a l'enfance, sont pleinement en droit d'avoir acces au dossier etabli par le service, des leur majorite et selon l'une des options fixees a l'article 4 de la loi : consultation directe ou remise de copies des documents, en un seul exemplaire. Toutefois, cette loi pose en son article 6 des conditions de restriction au droit d'acces aux dossiers individuels, qui ne concernent pas specialement les pupilles de l'Etat, mais qui sont susceptibles d'avoir des consequences sur les droits de certains d'entre eux. En effet, cet article stipule que le refus de communication d'un document peut etre oppose lorsque cela porterait atteinte, d'une part, au secret professionnel, d'autre part, a un « secret protege par la loi ». Or, notre legislation comporte deux particularites en ce qui concerne l'etat civil et la filiation. D'une part, l'article 57 du code civil permet de declarer une naissance a l'etat civil sans indiquer le nom du pere ni celui de la mere. Dans ce cas, la filiation demeure inconnue et le dossier des services de l'ASE ne contient aucun element concernant l'identite de la mere. En outre, meme dans le cas ou la personne qui a accouche est connue du service (par exemple lorsqu'il s'agit d'une femme qui a sejourne dans un etablissement maternel), celui-ci ne peut donner aucune indication a propos de son identite puisqu'elle n'est pas, legalement, la « mere » de l'enfant mais demeure une tierce personne en faveur de laquelle le secret professionnel doit etre observe. Il convient de souligner que cette situation n'est pas particuliere aux pupilles de l'Etat, toute naissance pouvant etre declaree sans indication des noms des parents, et sans que l'enfant doivent obligatoirement devenir pupille de l'Etat. Il existe une seconde possibilite, specifique aux pupilles de l'Etat. Elle resulte des dispositions conjuguees des articles 58 du code civil et 62 du code de la famille et de l'aide sociale. Selon celles-ci, les parents qui confient leur enfant au service de l'ASE peuvent demander que soit assure le secret de leur identite. Il s'agit d'une regle relevant de l'autre cas de restriction au droit d'acces aux dossier, celui du « secret protege par la loi » et, dans ces situations, les services doivent egalement opposer le secret de leur filiation aux interesses. Dans le rapport sur la protection et le statut de l'enfant qu'il a remis au Gouvernement en mai 1990, et qui est edite a la documentation francaise, le Conseil d'Etat a tres precisement analyse, defini et cerne le contenu et l'etendue du secret de la filiation quant a son opposabilite aux interesses eux-memes. Ce rapport apporte desormais aux services les fondements juridiques qui leur permettront de mieux apprehender les conditions dans lesquelles ils doivent traiter cette matiere delicate et complexe. La Haute Assemblee a notamment rappele : 1o que le secret de la filiation est independant de l'adoption et anterieur a elle puisqu'il resulte exclusivement des conditions dans lesquelles l'enfant est ne ou a ete confie au service ; 2o que le secret ne peut etre oppose que sur la demande expresse des parents et ne peut en aucun cas relever d'une appreciation de l'administration ; 3o qu'il ne porte que sur la filiation et l'identite des parents, et que tous les autres elements de son dossier sont de plein droit communicables a l'interesse ; 4o que l'adoption elle-meme ne comporte aucun secret, s'agissant d'un jugement public et dont, par consequent, toute personne peut obtenir une copie ; 5o que les dossiers, comme tous les documents des services sociaux, relevent du 5o de l'article 7 de la loi no 79-18 du 3 janvier 1979 sur les archives, visant les documents qui « contiennent des informations mettant en cause la vie privee », et que leur acces est donc libre a l'issue du delai special de soixante ans. Il importe donc de souligner qu'en dehors des deux cas exposes ci-dessus il n'existe aucune restriction possible a l'exercice du droit d'acces aux dossiers. Ainsi, la plupart des anciens pupilles de l'Etat, qu'ils aient ou non ete adoptes, sont en droit de connaitre leurs origines familiales. La loi de 1978 a eu des effets importants pour les usagers des services de l'ASE car elle a pose le droit a connaissance des situations et origines familiales ; elle a ainsi mis un terme aux pratiques anciennes qui s'inscrivaient dans un contexte de secret generalise et laissaient, en definitive, aux services administratifs toute latitude d'apprecier l'opportunite de repondre a une demande d'information. Il n'en demeure pas moins que cette loi a laisse subsister les regles d'opposabilite du secret de sa filiation a l'interesse lui-meme, telles qu'elles sont fixees par deux dispositions legislatives specifiques, et que cela ne resulte donc pas de simples pratiques administratives. Dans le rapport precite, le Conseil d'Etat a voulu surmonter la contradiction existante entre deux principes fondamentaux : d'une part, celui pour tout individu de connaitre ses origines, revendication actuellement tres forte comme en temoignent les demandes formulees aupres du ministere par de nombreux anciens pupilles de l'Etat ainsi que les frequentes questions et interventions des honorables parlementaires. D'autre part, le droit pour tout parent de demander que sa paternite ou sa maternite reste secrete. Le Conseil d'Etat a donc preconise la creation d'un « Conseil pour la recherche des origines familiales » qui pourrait etre saisi par les personnes auxquelles la regle du secret de la filiation demeure opposable. Ce Conseil serait habilite a rechercher les elements concernant les familles d'origine puis a apprecier, compte tenu des dispositions et intentions de tous les interesses, si la levee du secret s'avere possible. Cette perspective apparaissant particulierement judicieuse, le secretariat d'Etat charge de la famille, des personnes agees et des rapatries a demande a un groupe d'experts d'approfondir cette proposition. Les experts ont d'abord conclu a la necessite de clarifier les notions de « secret de la naissance », de « secret d'etat civil », de « secret de la filiation » qui pretent parfois a confusion et ont suggere de ne retenir que la formule de « secret de l'identite du ou des parents » qui apparait la plus pertinente. Ils ont, par ailleurs, souligne que le secret ne peut etre assimile a l'anonymat. Le secret n'est pas l'absence totale de renseignements. C'est un savoir protege qui garantit tout autant les droits des parents que ceux des enfants sans rendre la situation irreversible. La mise en place de cette instance de mediation implique une harmonisation prealable des pratiques relatives a l'accueil des parents concernes dans les services hospitaliers. Les services du ministere ont ete charges d'etudier les modalites de recueil des informations relatives a la situation des parents et, le cas echeant, de leur volonte expresse de voir leur identite protegee par le secret.
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