Texte de la QUESTION :
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Mme Suzanne Sauvaigo M le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'indignation et l'amertume suscitees dans le monde combattant par l'application des termes du decret no 91-396 du 24 avril dernier au (Journal officiel du 27 avril) et portant suppression du traitement de la medaille militaire. Cette decoration instituee le 22 janvier 1852 par Louis-Napoleon Bonaparte a recompense, des l'origine, les militaires en activite qui ont fait preuve de bravoure et de courrage en leur octroyant un traitement de 100 francs. Apres de nombreuses evolutions, ce traitement est aujourd'hui infiniment modeste puisqu'il s'eleve a trente francs annuels, mais cette somme demeure un symbole et l'ensemble des titulaires de cette decoration reste pronfondement attache a cette attribution consideree comme « un supplement d'Honneur ». En effet, elle signe une marque de reconnaissance indefectible de la nation a ses serviteurs et cela d'autant plus que la medaille militaire n'est jamais attribuee a titre civil et demeure une decoration specifique et tres estimee. Or ce decret genere aujourd'hui deux categories de medailles : ceux qui continuent a beneficier du traitement, a savoir ceux qui la percoivent deja ainsi que quelques cas specifies, et ceux qui, nouvellement promus, n'auront plus droit au traitement. Cette discrimination a naturellement pour effet de deprecier cette decoration en la devalorisant. Enfin il faut souligner que cette decision apparait totalement injustifiee sur le plan budgetaire lorsque l'on considere que l'economie retiree par le Gouvernement oscillera entre 30 000 et 90 000 francs annuels. En consequence, elle lui demande instamment de bien vouloir envisager de reexaminer cette decision et de prevoir le retablissement du traitement pour l'ensemble des medailles militaires.
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Texte de la REPONSE :
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Reponse. - Il convient, tout d'abord, de preciser que le decret no 91-396 du 24 avril 1991 ne supprime pas le traitement afferent a la Legion d'honneur et a la medaille militaire ; il ne fait qu'en reglementer les conditions d'attribution pour l'avenir et ne porte pas atteinte aux droits acquis. Il faut egalement rappeler, qu'a l'origine, le traitement attache a la Legion d'honneur et a la medaille militaire avait ete institue afin d'eviter que leurs titulaires ne tombent dans le denuement, situation qui n'aurait pas ete conforme a l'eclat que les pouvoirs publics souhaitaient donner a ces decorations. Depuis cette epoque, la legislation sociale a heureusement beaucoup evolue : de nombreux regimes de retraite, de pension et d'entraide ont ete institues, vidant pratiquement le traitement de son sens materiel de l'origine pour ne lui laisser qu'une signification symbolique, son montant etant tres faible. Le majorer, fut-ce en le decuplant, ne lui retirerait pas le caractere d'un symbole et representerait, au surplus, pour le budget de l'Etat, une depense nouvelle qu'il ne semble pas possible de lui faire assumer aujourd'hui. Le supprimer serait mal accepte par ses beneficiaires qui voient legitimement dans cette gratification un supplement d'honneur marquant que leur decoration a ete acquise au combat. Or, les demonstrations les plus probantes de cette participation au combat sont les blessures de guerre et les citations. Aussi, le decret du 24 avril 1991 reserve-t-il le benefice du traitement aux concessions se fondant sur une (ou plusieurs) blessure(s) de guerre ou citation(s) ou sur un acte particulier de courage ou de devouement. Sur la base de ces dispositions nouvelles, obtiendront cet avantage les anciens combattants 1914-1918 et 1939-1945, les mutiles de guerre decores au titre des articles R 39 et R 42 du code de la Legion d'honneur, les militaires d'active et de reserve blesses de guerre ou titulaires d'une citation, enfin tous ceux decores, tant a titre civil que militaire, pour acte de courage ou de devouement. Bien entendu, les legionnaires et les medailles militaires qui beneficiaient d'un traitement avant cette reforme, continueront a recevoir cet avantage, les dispositions en cause n'etant pas retroactives. Si la portee et la signification de ces mesures ont generalement ete bien comprises, certains medailles militaires et membres d'associations d'anciens combattants, en revanche, n'ont pas percu le sens reel de cet amenagement des textes. Ils invoquent notamment le fait que l'economie entrainee par cette mesure serait faible. Or, pour estimer l'economie realisee, il ne suffit pas de multiplier le montant annuel du traitement - 30 francs - par le nombre de beneficiaires (ou de non-beneficiaires). Il faut savoir par exemple que les traitements sont payes annuellement, qu'ils sont soumis au regime general des pensions, ce qui suppose pour chaque titulaire des operations d'etablissement de titres de la part des ordonnateurs et de paiement de la part des comptables du Tresor dans les memes conditions que les pensions et retraites. Ces operations administratives representent pour les differents services de l'Etat une charge tres importante au regard des sommes versees. D'autres invoquant pour garder le traitement, l'argument selon lequel la medaille militaire serait la seule decoration qui ne soit pas accordee a titre civil. Or, parmi toutes les decorations officielles francaises, celles conferees a titre militaire sont pratiquement aussi nombreuses que celles conferees a titre civil. Par ailleurs, certains medailles militaires craignent que cette reforme ne cree deux categories de decores : ceux qui auraient le traitement et ceux qui en seraient prives. Le fait que certains medailles militaires ne beneficient pas d'un traitement n'est pas nouveau dans l'histoire de cette haute distinction. En effet, avant meme la creation de la medaille militaire, un texte de portee generale avait prevu que ceux qui n'etaient plus en activite de service perdaient, en droit, la qualite de militaire et les avantages attaches. Un decret de 1852, consequence des principes ainsi poses, exigeait donc l'activite de service pour que le traitement fut paye aux militaires. Ce principe, assorti de quelques amenagements, demeura en vigueur pratiquement jusqu'a la fin du XIXe siecle. Par la suite, divers textes furent pris soit pour etendre, soit pour restreindre le droit au traitement, le resultat etant qu'a aucun moment de l'histoire de la medaille militaire le traitement n'a ete de droit pour tous. C'est dire que la medaille militaire a, pendant la plus grande partie de son histoire, compte parmi ses titulaires, deux categories, les beneficiaires du traitement et les non-beneficiaires, sans que le regime soit juge discriminatoire. A noter d'ailleurs que sur la base de certains textes pris au XIXe siecle, peu de medailles militaires d'aujourd'hui recevraient le traitement. A la verite, c'est seulement un decret du 6 fevrier 1964 - publie au Journal officiel du 11 fevrier - qui a generalise le traitement de la medaille militaire. L'une des raisons de cette mesure etait que la quasi-totalite des consessions faites a l'epoque concernaient des sous-officiers d'active ou de reserve blesses de guerre, ou cites en 1914-1918, en Indochine et en Algerie (le conflit algerien venait de prendre fin) et qu'il importait legitimement de les recompenser en raison de ces titre de guerre souvent nombreux. Dans les services invoques a l'epoque, la dominante etant la blessure de guerre, la citation ou la participation effective a un theatre de combat, les pouvoirs publics avaient donc estime qu'il convenait de donner a tous le traitement. La situation aujourd'hui est fondamentalement differente : la plupart des militaires ou anciens combattants pourvus de titres de guerre - blessures ou citations - ont vu ces titres recompenses. La fin des combats, le temps de paix que connait la France depuis un tiers de siecle a eu pour effet de rapprocher progressivement les carrieres de certains militaires de celles de beaucoup d'agents civils de l'Etat dont les fonctions comportent pour certains des risques sensiblement equivalents. L'objet du decret du 24 avril 1991 est donc, des lors que le traitement a perdu son sens alimentaire, de lui rendre son sens symbolique premier en ne le conferant qu'aux medailles militaires decores au combat, c'est-a-dire, sur le fondement de blessures de guerre, citations ou actes de courage ou de devouement. Ce « traitement symbole » sera donc attribue a ceux qui auront les titres requis selon l'esprit pose aux origines de la medaille militaire. Ajoutera-t-on que la reforme operee permet de retrouver un autre aspect de la philosophie originelle puiqu'une partie des economies budgetaires realisees sera attribuee, sous forme de subventions aux associations d'entraide - notamment la societe des medailles militaires - afin qu'elles puissent aider davantage leurs societaires necessiteux. Une autre partie de ces subventions sera distribuee par la grande chancellerie aux medailles militaires qui ne sont pas membres de leur association nationale. Ainsi donc la medaille militaire - qui a pour fondement essentiel des valeurs morales - retrouvera-t-elle le sens et la signification qui lui avaient ete assignes lors de sa creation.
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