Texte de la QUESTION :
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M Jacques Godfrain appelle l'attention de M le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'indignation et l'amertume suscitees dans le monde combattant par l'application du decret no 91-396 du 24 avril 1991 portant modification du code de la Legion d'honneur et de la medaille militaire et remettant en cause le traitement des medailles militaires pour les nouveaux titulaires de cette decoration. Celle-cifut instituee par Napolen III pour recompenser les militaires qui ont fait preuve de bravoure et de courage. En effet, elle est une marque de reconnaissance de la nation a ses serviteurs et demeure une decoration specifique tres estimee, d'autant qu'elle n'est jamais attribuee a titre civil. Le traitement qui y est adjoint, d'une extreme modicite, puisqu'il s'eleve a 30 francs, est considere comme un symbole auquel reste tres attache l'ensemble des titulaires de cette decoration. Or le decret du 24 avril 1991 genere aujourd'hui deux categories de medailles ceux qui continuent a beneficier du traitement, a savoir ceux qui le percoivent deja ainsi que quelques cas specifies, et ceux qui, nouvellement promus, n'auront plus droit au traitement. Cette decision apparait totalement injustifiee sur le plan budgetaire lorsqu'on considere que l'economie retiree par le Gouvernement sera de l'ordre de 45 000 francs par an. En consequence, il lui demande de bien vouloir retablir ce traitement pour l'ensemble des medailles militaires.
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Texte de la REPONSE :
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Reponse. - Il convient, tout d'abord, de preciser que le decret no 91-396 du 24 avril 1991 ne supprime pas le traitement afferent a la Legion d'honneur et a la medaille militaire ; il ne fait qu'en reglementer les conditions d'attribution pour l'avenir et ne porte pas atteinte aux droits acquis. Le decret du 24 avril 1991 reserve le benefice du traitement aux concessions se fondant sur une (ou plusieurs) blessure(s) de guerre ou citation(s) ou sur un acte particulier de courage ou de devouement. Sur la base de ces dispositions nouvelles, obtiendront cet avantage les anciens combattants 1914-1918 et 1939-1945, les mutiles de guerre decores au titre des articles R 39 et R 42 du code de la Legion d'honneur, les militaires d'active et de reserve blesses de guerre ou titulaires d'une citation, enfin, tous ceux decores, tant a titre civil que militaire, pour acte de courage ou de devouement. Bien entendu, les legionnaires et les medailles militaires qui beneficiaient d'un traitement avant cette reforme continueront a recevoir cet avantage, les dispositions en cause n'etant pas retroactives. Le fait que certains medailles militaires ne beneficient pas d'un traitement n'est pas nouveau dans l'histoire de cette haute distinction. La medaille militaire a, pendant la plus grande partie de son histoire, compte parmi ses titulaires deux categories, les beneficiaires du traitement et les non-beneficiaires, sans que le regime soit juge discriminatoire. A noter d'ailleurs que, sur la base de certains textes pris au XIXe siecle, peu de medailles militaires d'aujourd'hui recevraient le traitement. C'est seulement un decret du 6 fevrier 1964 - publie au Journal officiel du 11 fevrier - qui a generalise l'octroi d'un traitement apres obtention de la medaille militaire. L'une des raisons de cette mesure etait que la quasi-totalite des concessions faites a l'epoque concernaient des sous-officiers d'active ou de reserve blesses de guerre, ou cites en 14-18, en Indochine et en Algerie (le conflit algerien venait de prendre fin) et qu'il importait legitimement de les recompenser en raison de ces titres de guerre, souvent nombreux. Dans les services invoques a l'epoque, la dominante etant la blessure de guerre, la citation ou la participation effective a un theatre de combat, les pouvoirs publics avaient donc estime qu'il convenait de donner a tous le traitement. La situation aujourd'hui est fondamentalement differente : la plupart des militaires ou anciens combattants pourvus de titres de guerre - blessures ou citations - ont vu ces titres recompenses. La fin des combats, le temps de paix que connait la France depuis un tiers de siecle ont eu pour effet de rapprocher progressivement les carrieres de certains militaires de celles de beaucoup d'agents civils de l'Etat dont les fonctions comportent pour certains des risques sensiblement equivalents. L'objet du decret du 24 avril 1991 est donc, des lors que le traitement a perdu son sens alimentaire, de lui rendre son sens symbolique premier en ne le conferant qu'aux medailles militaires decores au combat, c'est-a-dire sur le fondement de blessures de guerre, citations ou actes de courage ou de devouement. En outre, la reforme operee permet de retrouver un autre aspect de la philosophie originelle puisqu'une partie des economies budgetaires realisees sera attribuee, sous forme de subventions, aux associations d'entraide - notamment la Societe des medailles militaires - afin qu'elles puissent aider davantage leurs societaires necessiteux. Une autre partie de ces subventions sera distribuee par la Grande Chancellerie aux medailles militaires qui ne sont pas membres de leur association nationale. Ainsi donc la medaille militaire - qui a pour fondement essentiel des valeurs morales - retrouvera-t-elle le sens et la signification qui lui avaient ete assignes lors de sa creation.
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